Sobre a Deficiência Visual  


 

Le Développement de la Conscience de l'Écrit chez l'Enfant Aveugle Âgé de 0 à 5 Ans

Yves Jalbert, Pierre-Olivier Champagne & collaborateurs

Blind kid in Vietnam - foto de Tiet Ho
 

Table des matières


Résumé  |  L’apprentissage de la lecture et de l’écriture débute chez l’enfant par l’émergence de concepts liés à l’acte de lire et d’écrire et correspond à la notion de littératie. La littératie désigne l’ensemble des connaissances en lecture et en écriture permettant à une personne d’être fonctionnelle en société (Office québécois de la langue française, 2002). Chez l’enfant aveugle, de la naissance à 5 ans, le développement d’habiletés cognitives, motrices, tactiles et langagières joue un rôle important dans le développement de la conscience de l’écrit. La conscience de l'écrit se définit, selon Giasson et Thériault (1983), par la connaissance de l'existence de la lecture, des fonctions de l'écrit, des conventions de l'écrit et des concepts de lettre, de mot et de phrase. Toutefois, la présence de la cécité chez l’enfant influence le processus par lequel il prend conscience de la présence et du fonctionnement de l’écrit.
Contrairement à l’enfant voyant, l’enfant aveugle n’a pas la chance d’avoir un contact régulier, accidentel ou non, avec l’écrit. Sans aucune intervention spécifique favorisant son contact avec la littératie, l’enfant aveugle peut ne pas posséder, au moment de sa rentrée scolaire, le même niveau de connaissances de l’écrit que l’enfant voyant. Le développement de la conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle nécessite 1) une intervention de qualité des parents, de l'entourage, des intervenants et des enseignants, 2) une adaptation de l’environnement physique qui encourage le contact de l’enfant aveugle avec l’écrit braille et les symboles tactiles, 3) des activités riches et variées stimulant l’émergence de la littératie et finalement, 4) l’adaptation du matériel de littératie.

 

1.  Introduction

Ce document est une recension des écrits axée principalement sur le développement de la conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle âgé de 0 à 5 ans. Il constitue la première étape d’un projet d’étude clinique visant l’élaboration de trousses d’intervention qui s'adressent aux parents, aux enfants aveugles âgés de 0 à 5 ans, aux intervenants et enseignants. La recension des écrits s’est effectuée à partir des navigateurs de recherche suivants : Medline, Eric, Psychinfo ainsi que du catalogue informatisé du Centre de documentation de l’Institut Nazareth et Louis-Braille. Plusieurs mots-clés français et anglais ont été introduits pour faire la recherche : conscience de l’écrit, littératie, prébraille, braille, prélecture, prérequis à la lecture, lecture braille, discrimination tactile, aveugles, non-voyants, emergent literacy, braille readiness, early literacy, literacy for the blind, early reading experiences, reading readiness, blindness, beginning reading ainsi que des combinaisons de mots-clés. Par ailleurs, certains critères ont orienté cette recherche. Ainsi, la sélection des articles s’est faite en fonction de l’âge des enfants aveugles (0 à 5 ans), de leur déficience visuelle (enfants présentant une cécité) et de l’année de publication des articles (de 1996 à 2004).

Il est à noter que la rareté des articles traitant exclusivement des enfants aveugles ainsi que le renvoi fréquent à certains articles publiés avant 1996 nous ont poussés à assouplir ces critères puisque dans bien des cas l'âge des enfants dépasse les 5 ans. De plus, aucun des articles consultés au sujet du développement de la conscience de l’écrit ne s’attarde à considérer la nécessité ou non de distinguer les enfants aveugles, des enfants ayant un autre type de déficience visuelle, des enfants ayant aussi une déficience intellectuelle ou des enfants aveugles présentant des troubles associés. L’homogénéité ou l’hétérogénéité de ces groupes demeure donc une piste de recherche à concevoir.

La documentation provient principalement des États-Unis. Les documents provenant d’ailleurs sont souvent difficilement accessibles. Il est à noter que le problème inverse s’observe en France et en Europe alors que Lewi-Dumont (1997) souligne la difficulté à se procurer cette même documentation américaine. Une plus grande accessibilité intercontinentale aux ressources concernant le développement de la conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle semble donc souhaitable.

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2.  Qu'est-ce que la conscience de l’écrit?

La conscience de l'écrit est, selon Giasson et Thériault (1983) un terme récent dans les travaux sur la lecture et fait référence à un ensemble de connaissances que l'enfant possède sur la langue écrite avant même de savoir lire. Selon ces auteures, la conscience de l'écrit comprend les éléments suivants : 1) connaître l'existence de la lecture, c'est-à-dire savoir qu'il existe un processus qui s'appelle « lecture » et qui consiste essentiellement à établir une relation entre le langage oral et des signes graphiques, 2) connaître les fonctions de l'écrit, 3) connaître les conventions de l'écrit (la lecture se fait de gauche à droite, de haut en bas, etc.) et 4) connaître les concepts de lettre, de mot et de phrase. Pour Giasson (1995), l'émergence de l'écrit comprend toutes les acquisitions en lecture et en écriture (les connaissances, les habiletés et les attitudes) que l'enfant réalise, sans enseignement formel, avant de lire de manière conventionnelle.

La conscience de l'écrit concerne l’émergence des concepts de lecture et d’écriture chez l’enfant. Par concept, on réfère à une organisation d’informations formant une généralisation sur le monde (Wormsley, 1997). En effet, l’enfant reconnaît des symboles (p. ex., le « M » de MacDonald) et les associe à des activités particulières (p. ex., manger des hambourgeois). De plus, si ces activités sont verbalisées par l’entourage social (p. ex., « Nous allons manger chez MacDonald! »), alors l’enfant est en mesure de lier cette information verbale à l’information graphique (p. ex., voir le « M » jaune de MacDonald). Ainsi, l’enfant prend conscience de l’utilité de l’écrit au contact de son environnement.

Conséquemment, plusieurs auteurs définissent le développement de la conscience de l’écrit comme un processus constructif (l’enfant doit construire des concepts sur son environnement et sa culture), fonctionnel (l'enfant peut agir dans son environnement) et interactif (l’enfant interagit avec les autres) (Clay, 1991; Gibson, 1989; Harste, Short et Burke, 1988; Hiebert et Fisher, 1990; Morrow et Rand, 1991; Neuman et Roskos, 1993; Rex, Koenig, Wormsley et Baker, 1994; Strickland et Morrow, 1989).

Il est à noter que différents termes sont utilisés à travers la documentation afin de traduire cette même idée. L’expression contemporaine de « littératie émergente » (emergent literacy) remplace maintenant les termes de « conscience de l’écrit », « print awareness » et « reading readiness » (Comtois, 1997). Selon Yaden, Rowe et MacGillivray (1999), l'utilisation du terme « littératie émergente » a débuté dans les années 1980. Historiquement, ce terme était vu comme impliquant une phase théorique vaste sur l'apprentissage de la littératie (développementale et constructiviste), un groupe d'âge (de la naissance à cinq ou six ans) et un accent sur l'apprentissage informel dans les activités holistiques à la maison, à la garderie ou à la prématernelle. Le néologisme « littératie » constitue présentement l’équivalent du terme anglais « literacy » et se traduit, selon Lewi-Dumont (1997), par le fait de savoir lire et écrire des textes et d’être capable d’entrer dans la culture écrite.

Le terme « littératie » est généralement défini comme une habileté à lire et à écrire des symboles ou des mots (Lewi-Dumont, 1997; Stratton, & Wright, 1991; Wormsley, 1997). Koenig et Holbrook (2000) définissent trois types de littératie : la littératie émergente, la littératie académique et la littératie fonctionnelle. La littératie émergente constitue les premières tentatives du jeune enfant qui lui permettent d'apporter un sens à l'acte de lire et d'écrire. La littératie académique englobe les habiletés de base à la lecture et à l’écriture durant les premières années scolaires. Puis la littératie fonctionnelle représente l’application de l’ensemble des habiletés liées à la littératie et l’utilisation d’une variété d’outils de littératie permettant l’accomplissement des tâches quotidiennes. Dans un tel cadre, il importe de rappeler que le développement de la conscience de l’écrit correspond à ce qu’on appelle la littératie émergente.

Deux auteurs, Koenig (1992) et Stratton (1996), sont principalement cités dans les écrits consultés afin de définir le concept de littératie émergente. En effet, Koenig (1992) considère que la littératie émergente est caractérisée par la compréhension selon laquelle les symboles abstraits ont un sens et que les gens utilisent des symboles pour communiquer des idées. Pour sa part, Stratton (1996) voit la littératie émergente comme un processus d’apprentissage de l’environnement menant au développement de la compréhension et des concepts, incluant les concepts des fonctions de la lecture et de l’écriture.

La plupart des auteurs consultés s’entendent pour dire que la littératie émergente inclut des habiletés de communication et de compréhension. Stratton et Wright (1991) définissent la littératie, non seulement comme une habileté à lire et à écrire des symboles ou des mots, mais également comme une habileté à utiliser un ensemble d’expériences et d’idées afin d’apporter un sens personnel et une compréhension à une histoire, puis à utiliser des mots à l’oral ou à l’écrit afin d’exprimer des idées ou une signification. Drezek (1999b) abonde dans le même sens alors qu’elle considère que la signification de l’acte de lire est enchâssée dans la compétence linguistique qui consiste à donner un sens aux symboles, à communiquer en utilisant des comportements cohérents, puis à combiner et à élaborer des comportements communicatifs selon la nature des rapports sociaux.

Plus récemment, Wormsley (2003) nous apprend qu’une approche fonctionnelle à la littératie braille commence avec la prémisse que les enfants aveugles ayant des difficultés d'apprentissage particulières à la lecture et à l'écriture braille ont davantage de succès si les mots ou les lettres qui sont appris dans les stades initiaux de la lecture braille ont un sens ou une fonction pour le lecteur. Pour bien comprendre l'approche fonctionnelle, selon Wormsley, il faut avant tout bien comprendre comment la littératie se développe. Selon l'auteure, il y a généralement deux stades sur lesquels il y a un consensus : la littératie émergente et la littératie académique. Durant le premier stade (la littératie émergente), les individus deviennent familiers avec le langage écrit et développent des concepts associés à la lecture et à l'écriture. Ces concepts incluent les « comment » et les « pourquoi » les gens lisent et écrivent et la nature des outils qu'ils utilisent à cette fin. Les individus apprennent les concepts qui sont tributaires aux livres et aux phrases en imprimé conventionnel (ou en braille) comme le haut d'une page, le bas d'une page, tourner une page, le début d'une phrase, la fin d'une phrase, etc. Les individus développent des expériences avec le langage écrit à la maison et dans leur communauté qui constituent les bases de leur apprentissage futur de la littératie. Cependant, certains individus peuvent rester au stade de la littératie émergente pour une plus longue période de temps que d'autres. Par ailleurs, il faut préciser que certains enfants aveugles n'apprennent la lecture et l'écriture braille qu'au moment où ils sont à un âge ou à une scolarité plus avancés. Le deuxième stade de la littératie est la littératie académique ou la littératie de base (basic literacy). La littératie académique commence généralement à la garderie, à la maternelle, au préscolaire ou à la première année du primaire et prend de l'ampleur à travers la scolarisation secondaire, collégiale, universitaire. À ce stade-ci, les individus apprennent premièrement à lire et utilisent cette capacité pour acquérir plus de connaissances. Les individus atteignent différents niveaux d'élaboration dans ce stade et peuvent continuer à progresser durant toute leur vie. Durant l'acquisition de la littératie académique, les individus acquièrent également des habiletés en littératie fonctionnelle. En général, la littératie fonctionnelle réfère à l'utilisation de la littératie dans la vie quotidienne comme dans les tâches qui consistent à rédiger une liste d'épicerie, à lire des recettes, à utiliser un guichet automatique, à payer des factures, à remplir un formulaire d'emploi, etc. De plus, les habiletés de littératie fonctionnelle d'un individu correspondent à son niveau de littératie académique. En effet, remplir un formulaire d'impôt ne demande pas les mêmes habiletés que celles d'écrire une liste d'épicerie et demande également des connaissances plus sophistiquées.

Bref, la littératie émergente constitue le terme actuellement utilisé pour désigner le développement de la conscience de l’écrit chez l’enfant et se définit comme un processus d’apprentissage au cours duquel l’enfant développe, au contact de son environnement, des habiletés lui permettant de comprendre que les symboles abstraits ont un sens et que les gens utilisent ces symboles afin de communiquer des idées (Chelin, 1999; Koenig, 1992; Koenig, & Holbrook, 2000; Stratton, 1996; Stratton, & Wright, 1991; Wormsley, 1997).

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3.  L’importance du développement de la conscience de l’Écrit chez l’enfant aveugle

L'enfant mal-voyant a un développement psychomoteur plus lent que l'enfant voyant. En effet, il marche plus tard, vers 22 à 25 mois, car son schéma corporel se développe plus lentement en raison des stimuli moins importants et souvent il parlera aussi plus tard (Borlon, Genicot, & Vincken, 2001). O'Donnell et Livingston (1991) rapportent quant à eux que les enfants ayant une basse vision subissent des retards dans leurs développements cognitif et moteur et dans leurs habiletés sociales à cause du manque de motivation ou d'un manque d'opportunités à explorer activement leur environnement. Cette situation entraîne chez ces enfants des difficultés à acquérir des connaissances pratiques et des concepts spatiaux et environnementaux.

Au moment où l'enfant ayant une déficience visuelle sévère commence l'école, ce dernier a souvent un retard développemental comparativement à ses pairs voyants. Ce retard développemental semble être, selon Hall et Rodabaugh (1979), occasionné par les déficits expérientiels et perceptuels qui conduisent aux déficits conceptuels. Ce n'est pas, selon elles, le résultat d'un déficit intellectuel chez les enfants ayant une déficience visuelle dotés d'une intelligence normale. Par ailleurs, selon Zweibelson et Barg (1967), les enfants ayant une déficience visuelle semblent moins utiliser les concepts abstraits que leurs pairs voyants. En effet, selon Tonnel-Ballavoisne (1998), l'enfant qui est privé de la vue va nécessairement être privé d'expériences perceptives visuelles donc cognitives. L'appropriation de l'écrit sera donc, selon elle, nécessairement plus longue et ce sera à l'adulte de lui proposer toutes les situations de lecture possibles. Toujours, selon elle, l'enfant aveugle, tout comme l’enfant voyant, ne peut accéder à ce code de communication à distance, qu'est la lecture, qu'après d'autres activités de communication. Une scolarisation précoce est indispensable pour l'aider à surmonter tous les obstacles qui le conduiront sur le chemin de la lecture. Il est déterminant pour lui qu'il apprenne à communiquer comme les autres, qu'il bénéficie d'un bain de langage et bien entendu qu'on lui propose le plus tôt possible une grande diversité de jeux et d'exercices tactiles le familiarisant petit à petit avec l'approche des caractères braille.

Il est important de s’intéresser au développement de la conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle âgé de 0 à 5 ans puisque ce dernier n’arrive vraisemblablement pas à l’école avec le même bagage de connaissances que l’enfant voyant (Chelin, 1999; Comtois, 1997; Koenig, & Holbrook, 2000; Lewi-Dumont, 1997; Swenson, 1988) et il a peu d’expériences avec la communication écrite pour lui permettre l’acquisition des habiletés émergentes en littératie (Wormsley, 2003). Selon Swenson (1988), il y a de fortes chances que l’enfant aveugle n’ait pas acquis avant sa rentrée scolaire le concept concernant le langage parlé et que ce langage parlé puisse aussi s'écrire. Selon l’auteur, la cause de cette situation proviendrait de la rareté des contacts de l’enfant aveugle avec la richesse de l’écrit entourant constamment l’enfant voyant et de la rareté du matériel préscolaire braille et tactile en langue française. Hatwell (2003) rapporte quant à elle, que le retard scolaire d'un an, voire deux, est assez fréquent chez les déficients visuels même lorsque ces derniers ne souffrent d'aucun retard mental. Ce retard est dû à la différence intrinsèque de l'apprentissage de la lecture et de l'écriture braille, aux hospitalisations et aux traitements médicaux fréquents de ces enfants, à leur éloignement des grands centres urbains dans lesquels la prise en charge éducative et sociale est bien organisée.

Il semble clair pour l’ensemble des auteurs consultés que le développement de la conscience de l’écrit nécessite chez l’enfant aveugle une intervention spécifique et que l’apprentissage ne peut être laissé au hasard (Blind Children’s Fund, 1988; Carrillon, 2002; Castellano, 2000; Chelin, 1999; Comtois, 1997; Drezek, 1999a, b; Ferrel, 2000; Koenig, & Farrenkopf, 1997; Koenig & Holbrook, 2000, 2002; Lewi-Dumont, 1997; McGregor, & Farrenkopf, 2002; Miller, 1985; Ryles, 1994; Stratton, 1996; Stratton & Wright, 1991; Swenson, 2003; Troughton, 1992; Wormsley, 1997). Plusieurs études citées dans la thèse de Lewi-Dumont (1997) démontrent que les performances en lecture des enfants sont partiellement influencées par les conceptions qu’ils ont de l’acte de lire avant tout apprentissage structuré. Il semble donc qu’une compréhension des fonctions et du fonctionnement de l’écrit soit préférable avant d’en faire l’apprentissage formel (Lewi-Dumont, 1997). L’impossibilité pour l’enfant aveugle de prendre conscience de ces fonctions sans aide extérieure justifie la nécessité d’accorder une importance toute particulière au développement de la conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle âgé de 0 à 5 ans.

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4.  Les considérations théoriques, méthodologiques et expérimentales du développement de la conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle

Nous constatons, à travers les écrits consultés, trois principales considérations théorique, expérimentale et méthodologique. Première considération, les auteurs consultés posent l'hypothèse que le développement de la conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle âgé de 0 à 5 ans se déroule de la même façon que chez l’enfant voyant. En effet, l’étude du développement de la conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle repose sur l’hypothèse, largement acceptée mais non vérifiée par les auteurs consultés, que l’apprentissage de la conscience de l’écrit est le même chez l’enfant non voyant que chez l’enfant voyant. Selon Ferrel (1996), la déficience visuelle n’influencerait pas ce qu’un enfant est capable d’apprendre mais plutôt comment il apprend. Lewi-Dumont (1997) rapporte, quant à elle dans sa thèse, une étude de Portalier (1986) qui arrive à la même conclusion : l’enfant aveugle n’a pas un développement particulier mais des particularités de développement. La principale distinction entre l’enfant aveugle et l’enfant voyant dans le développement de la conscience de l’écrit repose, selon les auteurs consultés, sur l’utilisation du toucher qui permet la découverte de l’univers de l’écrit chez l’enfant aveugle. Par conséquent, tout comme le souligne Chelin (1999), les programmes d’éveil à la lecture et au livre mis en place pour les enfants voyants sont aussi valables pour les enfants aveugles, bien qu’une adaptation soit requise pour tenir compte de la spécificité de leur problématique. À travers sa recension des écrits, Stratton (1996) fait aussi ressortir l’idée que le développement de la conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle correspond à celui de l’enfant voyant. Selon elle, la cécité engendre toutefois, des conditions particulières en ce qui a trait au développement d’habiletés tactiles et langagières dans le processus d’émergence de la littératie.

Deuxième considération, à travers les écrits consultés, il semble exister un manque important d’expérimentation et de validation empirique. De façon générale, nous pouvons constater à travers les écrits consultés que très peu d’études de nature expérimentale ont été faites sur le développement de la conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle. Toutefois, certains auteurs nous informent de quatre constatations entourant la conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle. Premièrement, une étude canadienne (Rogow, 1987) faite auprès de 148 jeunes âgés de 3 à 19 ans ayant, soit une déficience visuelle totale, soit une déficience visuelle sévère ou une déficience visuelle sévère associée à d'autres déficiences démontre qu'il existe une relation significative entre la manipulation des objets et le langage. Rogow constate que l'importance de mouvements organisés et d'une bonne dextérité de la main dans le développement de l'enfant aveugle ou ayant une déficience visuelle repose sur le fait que la main est le substitut de l'œil dans le mode de contact et d'interaction de cet enfant avec son environnement. La main et les doigts d'une personne aveugle permettent la préhension, la manipulation et le toucher assurant ainsi la collecte des informations dans son environnement. Deuxièmement, Crespo (1990) constate que dans beaucoup de familles, les parents ne font pas la lecture à leur enfant aveugle parce qu’ils pensent que leur enfant, ne pouvant pas voir les images, ne comprendra pas l’histoire et que les concepts visuels contenus dans ces histoires peuvent perturber et créer la confusion chez l’enfant. Troisièmement, Craig (1996) s’est penché sur le soutien familial dans le contexte de la littératie émergente chez les enfants ayant une déficience visuelle. L'auteur constate que les enfants déficients visuels dont les parents prévoient qu’ils seront des lecteurs de textes imprimés ont un environnement plus riche en livres et en histoires que ceux dont les parents prévoient qu’ils liront en braille. Ainsi, 72 % des enfants du premier groupe disposent de crayons et de peinture et pratiquent des gribouillages, alors que 27 % des futurs lecteurs en braille ont une tablette et un poinçon. Finalement, l’étude de Comtois (1997) a évalué les effets d’un programme de communication écrite sur la conscience de l’écrit chez six enfants âgés de trois à six ans ayant une déficience visuelle et constate que ces derniers avaient acquis certaines notions quant à l'utilisation des livres et aux fonctions de la lecture. Cependant, ces jeunes ne semblaient pas avoir de connaissances en ce qui concerne le concept de l'écrit vers l'écriture et de sa correspondance orale/écrite.

Troisième considération, les auteurs consultés ne semblent pas distinguer clairement dans leurs écrits le type d’enfants auquel ils se réfèrent. Ainsi, il est souvent difficile de faire la distinction entre les enfants aveugles, les enfants ayant un résidu de vision fonctionnel et les enfants aveugles présentant des troubles associés. En effet, dans sa recension des écrits, Stratton (1996) met aussi en évidence la nécessité d’expérimenter de quelle façon l’enfant aveugle développe la conscience de l’écrit. Cette auteure souligne l’importance d’effectuer des recherches permettant 1) d’identifier la relation entre la lecture à haute voix et le développement de la conscience de l’écrit, 2) de déterminer comment le concept de symbole se développe chez l’enfant aveugle et 3) d’identifier les éléments de l’environnement qui sont directement reliés à la littératie émergente. Selon l’auteure, un accroissement du nombre de recherches dans ce domaine permettrait d’établir une meilleure distinction entre le développement de la conscience de l’écrit et le développement général de l’enfant aveugle.

D’autre part, notre recension des écrits permet également de constater qu’aucune séquence clairement définie et empiriquement validée n’est présentée en ce qui a trait au développement de la conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle âgé de 0 à 5 ans. Stratton et Wright (1991) qui présentent le développement de la conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle en fonction de l’âge et des habiletés, soulignent que cette séquence demeure strictement utilitaire. En fait, la plupart des auteurs consultés ont tendance à présenter un ensemble d’actions favorisant l’émergence de la littératie sans qu’une organisation claire puisse être observée. Lorsque des variables comme l’âge ou l’acquisition de certaines habiletés préalables sont abordées, ce n’est malheureusement pas de façon systématique et l’on observe de nombreux recoupements. Par conséquent, nous pensons que l’accroissement du nombre de recherches concernant la conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle permettrait de mieux définir son développement.

Lewi-Dumont (1997) constate qu'il y a actuellement beaucoup moins de nouveau-nés aveugles qu’il y a trente ans. De plus, ces enfants aveugles de naissance sont souvent porteurs d’autres déficiences. Par conséquent, nous pensons, tout comme Lewi-Dumont, qu’un tel contexte démographique exige la mise sur pied de recherches afin de déterminer si le développement de la conscience de l’écrit est affecté par la présence de troubles associés à une déficience visuelle. Selon Lewi-Dumont, on doit tenir compte de cet aspect car les observations provenant d’études comparatives entre les enfants voyants et les enfants déficients visuellement ne pourront pas être imputées à la déficience visuelle seulement. Ainsi, selon l’auteure, il n’est pas possible de déterminer si les différences observées dans les études qui comparent le développement de la conscience de l’écrit chez les enfants voyants et les enfants aveugles sont la conséquence unique de la déficience visuelle alors que la présence de troubles associés n’est pas une variable d'abord contrôlée (p. ex., la présence de déficience intellectuelle, d’une malformation congénitale, etc.).

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5.  Comment se développe la conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle et à quel moment?

La majorité des auteurs consultés s’entendent pour dire que le développement de la conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle débute dès la naissance et est étroitement lié à son développement général. Il s’agirait, selon Stratton et Wright (1991), d’un processus graduel au cours duquel une série d’événements engendre des changements menant à un résultat final particulier : la conscience de l’écrit.

Selon la recension des écrits, la prise de conscience de l’écrit chez l’enfant se développe d'abord à partir des interactions précoces non verbales et verbales avec les membres de sa famille (Stratton, 1996). Ensuite, elle se développe grâce à la conscientisation de ses explorations dans son environnement, au développement d’un langage intentionnel, à l’élargissement de ses expériences et à sa compréhension des concepts et à sa compréhension progressive des fonctions des symboles et du langage (Clay, 1991; Neuman et Roskos, 1993). Finalement, de son expérimentation des livres (Clay, 1991; Teale et Sulzby, 1989) et de l’écriture (Gibson, 1989; Harste, Short et Burke, 1988).

Dans le même ordre d’idées, Drezek (1999a, b) mentionne que le développement de la littératie émergente comprend 1) l’établissement d’une base expérientielle à la signification, 2) la découverte de l’utilité de communiquer à l’aide de symboles et de livres, puis 3) l’acquisition d’habiletés perceptuelles et motrices nécessaires à la lecture et à l’écriture. L’auteur souligne également que les enfants ayant une déficience visuelle peuvent rencontrer des difficultés à développer les habiletés de littératie. Ces difficultés peuvent être liées à la communication (Anderson, Dunlea et Kekelis, 1993), à la cognition (Recchia, 1997), au jeu (Sacks, Kekelis et Gaylord-Ross, 1992), à la représentation (Rettig, 1994) et aux mouvements physiques (Strickling, 1997).

Bref, le développement de la conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle débute dès la naissance et nécessite le développement d’habiletés cognitives, tactiles, motrices et langagières (Wormsley, 1997). Les trois prochaines sections de notre recension abordent le développement de ces habiletés spécifiques.

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5.1.  Le développement du langage chez l’enfant aveugle

Selon Lowenfeld (1969), le développement du langage est l’un des principaux facteurs pouvant influencer l’apprentissage de la lecture chez l’enfant aveugle et sa scolarisation. Le développement adéquat et significatif du langage chez l’enfant aveugle est important, car tout comme le mentionne Miller (1985), les enfants aveugles apprennent à lire de la même façon qu’ils apprennent à parler et à écouter. Or, cet apprentissage du langage débute avec les premières interactions du nouveau-né avec ses parents. Cependant, parce que la cécité perturbe sensiblement les interactions sociales du nouveau-né avec son entourage (Hatwell, 2003), les parents doivent être en mesure de décoder les messages de l’enfant, lui parler, le toucher et favoriser le développement de son vocabulaire (Stratton, & Wright, 1991). Si les parents n’arrivent pas à décoder les messages non visuels envoyés par leur bébé aveugle ou s’ils n’arrivent pas à établir de liens avec lui, ce dernier risque d’être très inhibé sur le plan de la communication (Lewi-Dumont, 1997). Dans de telles conditions, Lewi-Dumont considère que l’enfant aveugle ne peut pas acquérir la volonté de vouloir communiquer. Or, cette volonté constituerait, selon cette auteure, un préalable à l’entrée dans l’univers de l’écrit.

Outre l’acquisition de ce préalable (la volonté de vouloir communiquer), le langage occupe une place importante dans le développement de la conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle parce qu’il permet de nommer, d’identifier, d’informer, de définir des rôles et des utilités, de faire des liens entre les personnes, les objets, les lieux et les relations spatiales, de développer un vocabulaire riche, précis et varié (Chelin, 1999). Selon Castellano (2000) et Stratton (1977), le langage constitue l’un des deux principaux modes d’apprentissage de l’enfant aveugle. Les connaissances acquises par l’enfant aveugle sur le monde environnant sont largement médiatisées par le langage. Ainsi, pour pouvoir raisonner sur l’écrit, les enfants aveugles sont dépendants des représentations qu’en a leur entourage et de ce qu’on veut bien leur transmettre (Lewi-Dumont, 1997).

Dans un tel contexte, nous pouvons conclure que le langage est une caractéristique importante liée au contexte des expériences de littératie (Light et Smith, 1993). Le langage se développe grâce aux expériences de vie et aux interactions de l’enfant aveugle avec ses parents (Stratton, 1996). Le langage constitue donc une condition particulière au développement de la conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle (Stratton, 1996).

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5.2.  Le développement des habiletés tactiles et motrices chez l’enfant aveugle

Stratton (1996) mentionne que le développement d’habiletés tactiles est une condition particulière à l’émergence de la littératie chez l’enfant aveugle. En effet, c’est par ses mains que l’enfant aveugle peut prendre connaissance de son environnement et développer des concepts. Perception et discrimination tactiles, motricité fine, coordination générale, conscience de l’image corporelle, légèreté du toucher, dextérité et coordination des mains et des doigts constituent des habiletés préalables à l’apprentissage de la lecture tactile (Wohl et Eshet, 1985; Olson, 1976 ). Ryles (1994) rapporte qu’il est important que l’enfant aveugle fasse des exercices et des activités favorisant le développement musculaire (c'est-à-dire la force) de ses bras, de ses mains et de ses doigts. Willoughby (1991) suggère de travailler le plus tôt possible la discrimination tactile chez un enfant aveugle.

Comme il a été mentionné précédemment, le toucher constitue avec le langage les principaux modes d’apprentissage de l’enfant aveugle (Stratton, 1977). Ainsi, tout comme le souligne Lewi-Dumont (1997), les mains sont un outil de connaissance essentiel lorsqu’une personne est aveugle. L’auteure considère que l’enfant aveugle se sert de ses mains non seulement pour prendre, tenir et donner des objets mais également pour percevoir leur poids, leur forme et leur texture.

Selon Stratton et Wright (1991), c’est grâce à l’exploration que l’enfant aveugle acquiert une utilisation efficace de ses mains. Lewi-Dumont (1997) souligne quant à elle que l’enfant aveugle appréhende l’espace à partir d’informations auditives et tactilo-kinesthésiques fugitives et analytiques qui n’offrent pas la stabilité des informations visuelles. L’enfant aveugle explore donc son environnement de façon fractionnée par l'entremise de ses mains et c’est en communiquant qu’il pourra tenter d’assembler ces différentes informations. Selon l’auteure, si l’enfant aveugle n’a pas eu suffisamment d’occasions de manipuler des objets et de les décrire à l’aide de ses parents, il aura de la difficulté à reconnaître les objets, à se représenter mentalement les images tactiles et éventuellement à reconnaître les lettres braille contenues dans les livres. Lewi-Dumont croit donc que le développement des habiletés tactiles et motrices tout comme le développement du langage constituent une condition essentielle au développement de la conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle.

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5.3.  Le développement cognitif chez l’enfant aveugle

Puisque la prise de conscience de l’écrit semble se traduire par l’acquisition des concepts de lecture et d’écriture chez l’enfant, le développement cognitif constitue donc un aspect implicite à ce processus. Pour certains auteurs, il semble qu’un ensemble de concepts doit préalablement avoir été développé par l’enfant aveugle avant que celui-ci puisse comprendre ce que représentent la lecture et l’écriture. Ainsi, pour Ferrell (1996), il s’agit des concepts de permanence de l’objet, de classification et de relation de cause à effet. Pour Wormsley (1997), il s’agit des concepts d’objet, d’action, d’espace tridimensionnel et de relation de cause à effet. Troughton (1992), tout comme les auteurs précédents, croit aussi que l’enfant aveugle doit bien comprendre le concept d’une relation de cause à effet puisqu’il n’a pas la possibilité d’observer visuellement ces relations. Finalement, le dernier concept considéré par les auteurs consultés comme un préalable à la prise de conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle est celui de symbole. En effet, pour Stratton (1996), l’acquisition du concept de symbole constitue l’une des composantes de la littératie émergente. Selon l’auteure, l’enfant doit comprendre qu’un symbole est quelque chose qui représente une autre chose.

De l’avis de plusieurs auteurs (Ferrell, 1996; Hartley et al., 1987, 1992; Lowenfeld, 1948; Carrillon, 2002), le développement des capacités cognitives de l’enfant aveugle est lié à la qualité et à la quantité des expériences vécues. La cécité n’entraîne pas, selon Hatwell (1988), une organisation mentale spécifique, elle n’occasionne pas un développement cognitif différent de celui des voyants, mais nécessite indubitablement une intervention particulière afin de pallier les principales limitations découlant de la cécité. En effet, les enfants aveugles voient leur capacité de déplacement, leur contrôle sur eux-mêmes et sur leur environnement ainsi que la variété de leurs expériences réduits par leur déficience visuelle (Lowenfeld, 1948). Dans un tel contexte, l’ensemble des auteurs consultés sont d’avis que le développement cognitif et, plus spécifiquement le développement de la conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle, nécessite la prise en charge de ce dernier afin de lui faire vivre des expériences de qualité. Ces expériences encourageront notamment le développement d’images mentales précises, puis le développement de capacités cognitives importantes à l’acquisition de la langue écrite (p. ex., l’organisation dans le temps, l’attention et la mémoire) (Lewi-Dumont, 1999).

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6.  Les aspects de l’intervention favorisant le développement de la conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle

Dans ce chapitre, nous aborderons le rôle des personnes significatives qui sont proches de l'enfant aveugle et qui peuvent influencer le développement de la conscience de l'écrit. Par ailleurs, nous nous attarderons aux actions à faire pour favoriser l'exposition « naturelle » de l'enfant aveugle à l'écrit et aux moyens pour favoriser l'accessibilité au matériel et aux outils de littératie pour l'enfant aveugle.

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6.1.  Le rôle des parents, de la famille, des intervenants et des éducateurs

Comme le soulignent Koenig et Holbrook (2002), les parents, les membres de la famille ainsi que les intervenants jouent un rôle prépondérant dans le développement de la conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle. La quantité et la qualité de leurs interventions formelles sont directement liées à l’ampleur de la déficience visuelle sur le développement de l’enfant aveugle (Ferrell, 2000). Cet apprentissage ne peut pas être laissé au hasard. Les activités de littératie doivent donc être planifiées et dirigées (Koenig & Holbrook, 2000, 2002). Contrairement à l’enfant voyant, l’enfant aveugle n’a pas la chance d’avoir un contact régulier, accidentel ou non, avec l’écrit (Comtois, 1997; Lewi-Dumont, 1997). De plus, l'enfant aveugle se rend compte que la majorité des personnes qui l'entourent lisent autrement et en silence, puisqu'ils vivent dans un monde de voyants (Lewi-Dumont, 1997). En effet, l'enfant aveugle n’a pas l’occasion de constater que son environnement est rempli de ces formes graphiques particulières que sont les lettres de l’alphabet. De plus, il ne peut se familiariser avec la présence de l’écrit que s’il est mis précocement en présence du braille par son entourage social (Miller, 1985). Les parents et les intervenants doivent donc s’assurer du contact régulier et fréquent de l’enfant aveugle avec le braille et les symboles tactiles, et ce, dès son plus jeune âge (Koenig & Holbrook, 2002).

Le seul fait d’être mis en présence de l’écrit ne suffit pas à prendre connaissance de son utilité. L’enfant aveugle n’a pas l’occasion d’observer son entourage lire et écrire et il ne peut donc pas imiter les gestes de la lecture (Hatwell, 2003). Les fonctions de l’écrit ne sont pas acquises comme chez l’enfant voyant par un processus d’observation et d’imitation (Comtois, 1997; Lewi-Dumont, 1997). Pour l’enfant aveugle, les moments de lecture et d’écriture de son entourage se traduisent par des instants de silence si on ne verbalise pas ces actes ou si sa participation n’est pas sollicitée. Il importe donc que l’entourage explique ou décrive à l’enfant aveugle leurs comportements de lecture et d’écriture afin que ce dernier puisse prendre conscience que l'entourage entretient une relation constante avec l’écrit (Comtois, 1997; Lewi-Dumont, 1997).

De même, l’enfant aveugle doit pouvoir créer des associations entre des symboles abstraits (p. ex., la lettre « C » en braille sur la boîte de céréales) et des événements significatifs (p. ex., manger des céréales pour déjeuner). Pour ce faire, les parents doivent, selon Koenig et Holbrook (2000), être encouragés à impliquer leur enfant dans des activités quotidiennes où les habiletés de la littératie émergente sont directement sollicitées (p. ex., lire et trier le courrier avec l’enfant). À travers toutes ces activités, Lewi-Dumont (1997) souligne l’importance de faire comprendre à l’enfant aveugle ce que la lecture et l’écriture peuvent lui apporter de profitable et d’agréable.

Plusieurs auteurs sont d’avis que l’attitude de l’entourage quant au développement général et à la prise de conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle demeure un aspect à ne pas négliger. En effet, il n’est pas rare de constater que l’on renvoie à l’enfant aveugle le message qu’il ne doit pas s’attendre à développer le même niveau d’habileté de littératie que ses pairs voyants (Koenig & Holbrook, 2002). Selon Craig (1996), la famille et les intervenants ont souvent tendance à diminuer leurs attentes et à offrir à l’enfant aveugle moins de soutien en ce qui a trait à l’éveil de la littératie. Par ailleurs, ils ont aussi tendance à vouloir tout faire à sa place alors qu’il est important de laisser l’enfant explorer son environnement (Drezek, 1999b).

L’entourage social de l’enfant aveugle doit donc prêter une attention particulière à ses propres attitudes et perceptions à l’égard des capacités de littératie de cet enfant (Koenig & Holbrook, 2002). La présence d’adultes valorisant la lecture et l’écriture ainsi que la reconnaissance des efforts de littératie de l’enfant aveugle constituent des composantes importantes d’un environnement social propice à l’émergence de la littératie (Stratton, 1996; Drezek, 1999b). Selon Hatwell (2003), comme l'apprentissage de la lecture nécessite au préalable une bonne connaissance du langage oral, il est important de développer les connaissances en vocabulaire et en syntaxe de l'enfant aveugle. Il est donc recommandé, selon elle, de ne pas seulement parler à l'enfant dans les activités de la vie quotidienne, mais aussi de lui lire des récits car ceux-ci ont une syntaxe et un vocabulaire ainsi qu'une puissance évocatrice bien plus riches que les mots banals de tous les jours. De plus, le parent doit partager avec son enfant aveugle son enthousiasme pour la lecture et les livres (Castellano, 2000). Il doit aussi démontrer son intérêt pour ce qui sera le mode de communication de son enfant : le braille. Il ne faut pas oublier que le braille reste le principal moyen par lequel les personnes qui ne peuvent lire les textes imprimés deviennent alphabètes dans le vrai sens du terme (Lorimer, 1990).

Selon Lewi-Dumont (1997), beaucoup de parents n’apprennent pas le braille et ne peuvent donc pas communiquer par écrit avec leur enfant. Or, si les gens qui côtoient l’enfant aveugle n’utilisent ni ne valorisent le braille comme outil de communication, l'enfant ne sera pas en mesure d’en percevoir l’utilité et pourra même, consciemment ou non, le refuser (Lewi-Dumont, 1997). Par conséquent, plusieurs auteurs sont d’avis que les éducateurs, les parents et les autres membres de la famille devraient apprendre à lire et à écrire le braille intégral (Castellano, 2000; Koenig & Holbrook, 2000, 2002; Lewi-Dumont, 1997; Miller, 1985; Swenson, 2003; Troughton, 1992) ou, à tout le moins être en mesure de le reconnaître visuellement afin de favoriser l’intérêt de l’enfant aveugle pour cet outil de communication (Miller, 1985).

Hatwell (2003) mentionne que les préalables à la lecture et à la prélecture en braille sont analogues à ceux pratiqués pour la lecture de l’imprimé, avec évidemment des adaptations spécifiques. Étant donné la faible activité manuelle des jeunes aveugles et les difficultés motrices qu'ils manifestent, les exercices préalables à la lecture et à l'écriture portent sur les capacités d'exploration manuelle de la feuille, le suivi de lignes horizontales et verticales, la familiarisation avec les lettres, l'utilisation d'un toucher léger avec les doigts décontractés, la mobilisation des deux mains, l'apprentissage du retour à la ligne par balayage, etc.

Les parents ainsi que les intervenants doivent donc être conscients des croyances et des valeurs qu’ils transmettent à l’enfant aveugle en ce qui a trait à l’importance de la littératie. C’est pourquoi, selon Light et Smith (1993), il ne faut pas négliger le contexte culturel (c'est-à-dire l’ensemble des valeurs et croyances transmises à l’enfant) lors des activités de littératie.

Bref, l’entourage joue un rôle déterminant dans le développement de la conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle. Dès la naissance, les parents, les membres de la famille ainsi que les intervenants doivent aider l’enfant aveugle à développer les habiletés motrices, tactiles, cognitives et langagières préalables à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture (Stratton & Wright, 1991). Par conséquent, leur rôle consiste à faciliter et à étendre l’apprentissage de l’écrit chez l’enfant aveugle (Stratton, 1996). Pour ce faire, McComiskey (1996) a élaboré une grille à l’intention des parents et des intervenants afin de les aider à planifier les activités favorisant le développement des habiletés préalables à l’apprentissage de la lecture en braille. Cette grille identifie différents aspects qui doivent être intégrés aux activités quotidiennes afin d’assurer le développement des habiletés tactiles, de la motricité fine, de l’écoute, de l’attention et de la formation de concepts. Il faut aussi s’assurer que l’enfant aveugle se familiarise avec les livres et la lecture.

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6.2.  L’exposition « naturelle » de l’enfant aveugle à l’écrit

À travers les écrits consultés, plusieurs stratégies ont été proposées afin de rendre l’environnement de l’enfant aveugle propice au développement de la conscience de l’écrit. Ces stratégies visent d’une part à favoriser l’exposition « naturelle » de l’enfant aveugle à l’écrit et, d’autre part, à permettre l’accessibilité de l’enfant aveugle au matériel et aux outils de littératie.

Tout comme l’enfant voyant qui est constamment sollicité de façon accidentelle par l’écrit, l’enfant aveugle doit pouvoir jouir de la même sollicitation lors de son exploration tactile. Certains auteurs (Carrillon, 2002; Drezek, 1999b) rapportent qu’on doit codifier l’environnement tactile de l’enfant aveugle tout comme peut l’être l’environnement visuel de l’enfant voyant. La maison doit être pleine de mots à lire, de symboles à décoder (Chelin, 1999). Pour ce faire, on peut étiqueter en braille ou avec des symboles les lieux (la chambre de l'enfant, la salle de jeu, etc.) ou les objets présents dans l’environnement de l’enfant. Ces étiquettes doivent être placées de façon à rendre la lecture tactile facile et les symboles doivent être clairs et constants (Koenig & Holbrook, 2002). Ce contact fréquent et régulier de l’enfant aveugle avec le braille et les symboles tactiles favorise l’attribution d’une grande valeur et d’un grand respect pour la littératie (Koenig & Holbrook, 2002). Il est à noter que l’exposition de l’enfant aveugle au braille et aux symboles tactiles doit se faire, non seulement de façon naturelle et quotidienne, mais sans contrainte (Carrillon, 2002).

Il est préférable de laisser l’enfant aveugle explorer son environnement de façon autonome si c’est possible (Castellano, 2000). Il ne faut pas le forcer (prendre sa main et passer son doigt sur l’étiquette braille). L'enfant doit être consentant et il faut respecter son rythme. Toutefois, il est recommandé de rendre l’utilisation du braille et des symboles tactiles évidents à l’enfant (Koenig & Holbrook, 2000; Lewi-Dumont, 1997). L’enfant aveugle doit comprendre que cette codification de son environnement a de multiples fonctions utilitaires. La simple exposition quotidienne de l’enfant aveugle à des symboles tactiles n’est pas une condition suffisante à son apprentissage comme le mentionne une publication du Blind Children’s Fund (1988). En effet, il faut accompagner l’enfant dans son exploration en lui décrivant l’utilisation de l’écrit.

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6.3.  L’accessibilité de l’enfant aveugle au matériel et aux outils de littératie

Il est important qu’une ambiance de lecture imprègne toute la maison et que l’enfant aveugle puisse avoir facilement accès à du matériel et à des outils de littératie (Chelin, 1999; Drezek, 1999b; Koenig & Holbrook, 2000, 2002; Lewi-Dumont, 1997; Miller, 1985; Stratton, 1996; Swenson, 2003). Il semble même que l’aménagement d’un espace réservé à la littératie dans la maison soit recommandé (Koenig & Holbrook, 2002; Miller, 1985). Cet espace peut servir non seulement de point de repère pour l’enfant aveugle dans la maison, mais pourrait lui montrer également l’importance qui est accordée à la lecture et aux livres (littératie). Il s’agit d’un endroit familier où l’enfant a accès à une variété de livres imprimés/braille ainsi qu’à des outils appropriés pour l’écriture à la maison (machine à écrire le braille, poinçon et tablette, crayons tactiles, crayons de cire, tablette à tracer, roulette à tracer, etc.). Quant aux livres, plusieurs auteurs suggèrent de les adapter à la réalité perceptuelle de l’enfant aveugle. Un indice tactile ou un objet peut être ajouté sur la couverture afin de favoriser la reconnaissance tactile du livre par l’enfant. Les images du livre peuvent aussi être modifiées et on peut ajouter aux livres ce que Miller (1985) appelle des « sacs à lire « (book bags), c’est-à-dire un sac contenant des objets qui ont un lien direct avec l’histoire.

Comme nous pouvons le remarquer, différentes stratégies sont proposées par les auteurs consultés afin de rendre l’environnement de l’enfant aveugle propice au développement de la conscience de l’écrit. Il s’agit de renforcer le rôle des parents quant à l’exposition « naturelle » de l’enfant aveugle à l’écrit et d’assurer son accessibilité aux livres et au matériel d’écriture. Toutefois, selon Stratton (1996), des études devraient être faites afin que l’on puisse identifier plus précisément les éléments de l’environnement qui sont directement reliés à l'émergence de la littératie pour l'enfant aveugle.

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7.  Les activités favorisant l’émergence de la littératie chez l’enfant aveugle

Dans ce chapitre, nous allons décrire les différentes activités qui peuvent être mises en place pour favoriser l'émergence de la littératie chez l'enfant aveugle. En effet, les expériences de vie de l'enfant aveugle, la lecture à haute voix, le contenu des lectures, la manière de faire la lecture à haute voix, la manipulation de livres et de matériel d'écriture, les activités de lecture et les activités d'écriture seront abordés afin de bonifier et d'enrichir les activités reliées à l'émergence de la littératie chez l'enfant aveugle.

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7.1.  Utiliser les expériences de vie de l'enfant aveugle

Plusieurs des auteurs consultés mentionnent, tout comme le rapportent Stratton et Wright (1991), que les expériences de vie jouent un rôle important tout au long du processus menant à la prise de conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle. Drezek (1999b) mentionne que les expériences de vie constituent la source à partir de laquelle l’enfant aveugle peut développer sa motivation pour la littératie. Selon l’auteure, cette motivation réside dans l’intérêt et la curiosité de l’enfant aveugle face au monde. À partir de son contact avec son environnement physique et social et grâce à des activités quotidiennes, non seulement l’enfant aveugle acquiert les capacités cognitives, motrices, tactiles et langagières nécessaires au développement de la conscience de l’écrit, mais il réalise également que des informations utiles peuvent être acquises à travers la lecture des symboles.

Pour Castellano (2000), les expériences de vie permettent à l’enfant aveugle de s’approprier son environnement. Ces expériences deviennent pour lui des images qui lui permettent de comprendre le monde. En touchant et en examinant une multitude de choses, l’auteure considère que l’enfant aveugle arrive à développer son vocabulaire lui permettant de se représenter les gens, les objets, les actions, les sentiments, les odeurs, les textures et les sensations. Il devient alors apte à faire des liens entre les mots et les activités. Il développe sa mémoire, son imagination et une multitude de concepts utiles au développement du langage (Stratton & Wright, 1991) et plus particulièrement à la compréhension des histoires qui lui seront lues. Toutefois, selon nous, il est important d'avoir la présence d'un « médiateur » (un parent, un membre de la fratrie, un éducateur, etc.) pour expliquer ce qui est touché. Sans explications, sans mots pour nommer les expériences vécues, ces dernières demeurent fragiles, magiques et sans liens avec la réalité des voyants.

En effet, plusieurs auteurs considèrent que l’enfant aveugle doit vivre au préalable une variété d’expériences qui lui permettront de donner du sens aux expériences de lecture et d’écriture (Chelin, 1999; Comtois, 1997; Koenig, 1992; Koenig, & Farrenkopf, 1997; Koenig & Holbrook, 2000, 2002; Lewi-Dumont, 1997; Swenson, 1988; Wormsley, 1997). Selon Hall et Rodabaugh (1979), une lecture est significative si l’enfant est en mesure de faire le lien entre l'histoire qui lui est lue et ce qu'il a vécu. Ces auteurs croient que sans expérience directe, l’enfant aveugle peut arriver à lire ou à écrire des mots correctement, mais sans arriver à vraiment comprendre ce qu’il lit ou écrit. Il est donc nécessaire, comme le soulignent Koenig et Holbrook (2002), de fournir à l’enfant aveugle l’occasion de lier ses expériences passées significatives et ses activités de littératie. Selon ces auteurs, en vivant des expériences de qualité, l’enfant aveugle enrichit son vocabulaire puis sa compréhension et son utilisation du langage : deux éléments importants afin d’accroître la capacité de l’enfant à donner du sens aux événements de lecture et d’écriture (Koenig & Holbrook, 2002). Pour Comtois (1997), il importe que ces expériences soient concrètes et permettent à l’enfant aveugle d’expérimenter ce que l’enfant voyant a la chance de pouvoir observer.

Tous les sens disponibles de l’enfant doivent, autant que faire se peut, être sollicités lors des activités (Chelin, 1999; Koenig & Holbrook, 2000, 2002). Il doit pouvoir toucher, sentir, goûter et entendre une foule de choses. L’accent n’étant pas mis sur la quantité, il importe davantage que ces expériences soient de qualité, riches, directes, significatives et complètes (Chelin, 1999; Koenig, & Farrenkopf, 1997; Koenig & Holbrook, 2000, 2002; Wormsley, 1997). Selon ces auteurs, l’enfant aveugle doit être en mesure d’apporter un sens d’intégralité à ses expériences plutôt qu’en avoir des impressions fragmentées. Il faut s’assurer que les informations auditives, tactiles, gustatives et olfactives d’une même expérience sont comprises par l’enfant aveugle comme formant un tout et non comme étant une série de sensations disparates. De même, si l’expérience inclut plusieurs étapes (p. ex., laver l’auto, faire à manger ou faire l’épicerie), on doit s’assurer que l’enfant aveugle participe à tout le processus et qu'on le lui explique (Comtois, 1997; Koenig & Holbrook, 2000).

Comme nous pouvons le constater, l’accompagnement de l’enfant aveugle dans son expérimentation demeure primordial (Comtois, 1997; Koenig, & Farrenkopf, 1997; Koenig & Holbrook, 2002). Il ne faut pas laisser l’enfant aveugle seul dans son exploration. Il faut en effet éviter que ce dernier en arrive à des conclusions erronées sur son environnement, ce qui pourrait nuire à ses apprentissages subséquents (Comtois, 1997). D’un autre côté, il n’est pas recommandé, selon Drezek (1999b), de tout faire à la place de l’enfant aveugle. Il faut s’assurer que l’enfant aveugle est un acteur réel qui utilise tous ses sens dans l’exploration de son environnement (Koenig & Holbrook, 2002).

En résumé, toutes les expériences de l’enfant aveugle avec son environnement contribuent de près ou de loin à mettre en place les conditions préalables à la prise de conscience de l’écrit. À travers ses activités, l’enfant aveugle développe des habiletés cognitives, motrices, tactiles et langagières. Il associe des idées à des sensations, développe un ensemble de concepts, son vocabulaire s’enrichit puis sa compréhension du monde s’accroît pour lui permettre de donner un sens aux activités de littératie. Il importe donc d’offrir à l’enfant aveugle, dès son plus jeune âge, un éventail d’expériences de qualité et variées qui constitueront un bassin de connaissances et d’habiletés destinées à donner un sens à ses expériences de lecture et d’écriture.

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7.2.  Stimuler l’enfant aveugle par la lecture à haute voix

La lecture à haute voix constitue, selon les écrits consultés, une importante composante favorisant le développement de la conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle (Castellano, 2000; Chelin, 1999; Comtois, 1997; Koenig, & Farrenkopf, 1997; Koenig, & Holbrook, 2000, 2002; Lewi-Dumont, 1997; McGregor, & Farrenkopf, 2002; Miller, 1985; Stone, 1988; Stratton, 1996; Stratton, & Wright, 1991; Swenson, 1988, 2003; Troughton, 1992; Wormsley, 1997). La plupart des auteurs consultés s’entendent pour dire que la lecture à haute voix est fortement recommandée et doit débuter le plus tôt possible, voire dès la naissance afin de stimuler l’enfant aveugle et même les enfants voyants. Même en très bas âge, l’enfant peut porter attention et apprécier les différents tons de la voix du parent qui lui lit une histoire (Castellano, 2000).

Selon Castellano, la lecture à haute voix permet à l’enfant de découvrir les sons, la structure d’une phrase, les mots, le débit, les rimes et le rythme. En bas âge, la lecture à haute voix favorise le développement des habiletés langagières nécessaires au développement de la conscience de l’écrit (Castellano, 2000). Lorsque l’enfant grandit et prend davantage conscience de cette activité, la lecture à haute voix permet, selon Stratton (1996), de découvrir que les livres sont intéressants, de prendre conscience que des symboles ont un sens, de comprendre que l’histoire provient de l’écrit, de prendre conscience que la communication à partir d’un livre est différente de la communication verbale, puis finalement de favoriser le développement d’un goût pour la lecture (Anderson et al., 1985; Clay, 1991; Gibson, 1989; Neuman et Roskos, 1993; Teale, et Sulzby, 1989).

Toutefois, mentionnons qu’aucune étude n’a encore montré l’existence d’une relation entre la lecture à haute voix et les besoins d’apprentissage particuliers de l’enfant aveugle. Selon Stratton (1996), des études devraient être faites pour mieux connaître l’efficacité des stratégies de lecture à haute voix qui soutiennent le développement de la littératie émergente. Par ailleurs, les attitudes du lecteur voyant qui favorisent la compréhension chez l’enfant aveugle de certains concepts reliés à l’écrit ne sont pas encore définies et validées (Comtois, 1997). Selon Stratton (1996), les chercheurs se basent pour l’instant sur leurs propres observations et sur celles des parents et éducateurs.

Néanmoins, malgré le manque de données scientifiques actuellement disponibles sur la lecture à haute voix pour l’enfant aveugle, Stratton (1996) souligne qu’il est raisonnable de croire que ce dernier peut profiter tout comme l’enfant voyant de la lecture à haute voix. Voici donc les principales recommandations des auteurs au sujet de la lecture à haute voix pour l’enfant aveugle. Les écrits consultés permettent d’identifier deux types de recommandations. Les premières traitent plus spécifiquement du contenu des lectures alors que les secondes traitent plutôt de la façon de faire la lecture à haute voix.

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7.3.  Les recommandations des chercheurs quant au contenu des lectures

Les livres ainsi que les stratégies de lecture doivent être adaptés à la réalité de l’enfant aveugle (Miller, 1985; Stratton, 1996; Stratton & Wright, 1991). Les histoires doivent être liées aux intérêts et aux expériences de l’enfant. Selon Hall et Rodabaugh (1979), une lecture est significative seulement si l’enfant aveugle est en mesure d’associer ce qu’il est en train de lire à ce qu’il a déjà vécu. Par ailleurs, le choix des livres pour la lecture à haute voix doit se faire à partir des expériences vécues par l’enfant aveugle (Koenig & Holbrook, 2002). Il est aussi fortement suggéré de créer des livres à partir des expériences de vie de l’enfant aveugle (Koenig & Holbrook, 2000, 2002; Miller, 1985), ce qui permet de faire vivre à l’enfant une activité suscitant des expériences « multisensorielles ». L’enfant raconte une histoire à propos de cette activité. Cette histoire est, dans un premier temps, écrite à l’aide d’une machine à écrire le braille et, par la suite, elle est lue régulièrement à l’enfant aveugle.

Dans leur article, Koenig et Farrenkopf (1997) ont identifié plusieurs catégories d’expériences essentielles pouvant aider l’enfant aveugle à donner un sens aux histoires qui lui sont lues. Les auteurs suggèrent que l’enfant aveugle soit mis en contact avec les éléments suivants : la nature, les plantes, les insectes, les animaux, les émotions, le sens du bien-être, les relations familiales, la communauté, la maison, les amis, la nourriture, l’école, les livres, la température, les moyens de transport, les arts, la ferme, le travail en équipe, la collaboration, le partage, les différences entre les gens, l'action de poser et de résoudre des problèmes, explorer, rechercher quelque chose, visiter et voyager.

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7.4.  Les recommandations des chercheurs quant à la manière de faire la lecture à haute voix

Selon Chelin (1999), la lecture à haute voix doit tout d’abord être vivante, active et significative. Puis elle doit solliciter l’imagination de l’enfant aveugle, éveiller sa curiosité et lui permettre de rêver. Enfin, elle doit permettre d’instruire et d’informer l’enfant aveugle en fonction de son âge.

Selon les écrits consultés, deux principales stratégies de lecture à haute voix semblent exister. Premièrement, Castellano (2000), McGregor et Farrenkopf (2002), Miller (1985), Stratton et Wright (1991) proposent aux parents la lecture répétitive des livres préférés de leur enfant. Ces auteurs soulignent l’importance d’encourager des comportements tels que laisser l’enfant répéter des mots, lui donner la possibilité de terminer les phrases et le laisser faire semblant de lire avec ses mains. Selon eux, de tels comportements favorisent le développement d’habiletés liées à la prédiction, à la mémorisation et à l’expression. De plus, ces comportements semblent aussi être le signe que l’enfant aveugle désire apprendre à lire et qu’il est en train de se construire ce que Castellano appelle « l’estime du lecteur ».

Deuxièmement, la participation de l’enfant aveugle dans le processus de la lecture à haute voix devrait être graduelle et devenir de plus en plus importante à mesure qu'il progresse. Au départ, on demande simplement à l’enfant aveugle de tourner les pages pour soutenir son intérêt (Miller, 1985). Par la suite, lorsque l’enfant arrive à se remémorer le sens de l’histoire, il peut terminer les phrases ou faire semblant de lire en suivant avec les doigts une partie du texte mémorisé. La lecture à haute voix devient alors ce que Koenig et Holbrook (2000, 2002) appellent « la lecture partagée ». L’enfant s’engage de plus en plus dans l’activité en terminant les phrases et en mentionnant les lettres et les mots dont il reconnaît la configuration braille, et ce, dans un environnement que les auteurs considèrent sans risque, c’est-à-dire sans aucune pression ou jugement à l’égard de l’enfant aveugle sur sa performance et sa participation.

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7.5.  Favoriser la manipulation par l’enfant aveugle de livres et de matériel d’écriture

Il est important, comme nous avons pu le constater jusqu’à présent, de mettre régulièrement l’enfant aveugle en contact avec du matériel de littératie. Selon Koenig et Holbrook (2002), un juste équilibre entre les activités de lecture et d’écriture aide l’enfant aveugle à établir un lien entre les symboles abstraits formant des mots (c'est-à-dire l’écriture) et leur signification (c'est-à-dire la lecture). Chez l’enfant aveugle, l’établissement de ce lien passe nécessairement par la manipulation tactile du matériel de littératie. Ainsi, différentes recommandations sont présentées dans les différents écrits afin de s’assurer que l’enfant aveugle peut prendre conscience par le toucher de l’acte de lire et d’écrire. Par ailleurs, lorsque l'enfant participe à la création de livres avec des images tactiles et du texte simple en braille, il pratique des habiletés au niveau du langage, développe les concepts de la littératie tout en éveillant son intérêt pour les livres (Swenson, 1988). Lors de la lecture à haute voix, l’enfant aveugle doit avoir la possibilité d’explorer de façon tactile le livre. Ses mains doivent être en contact direct avec la page ou avec les mains du lecteur (Koenig & Holbrook, 2000). D’une part, il doit pouvoir tenir le livre, tourner les pages, puis toucher les images tactiles et les caractères braille comme il le désire (Chelin, 1999).

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7.6.  Les recommandations des chercheurs quant aux activités de lecture

Stone (1988) rapporte que la lecture demande de l'attention, de la concentration, de la motivation et de l'intérêt, qui sont généralement engendrés par l'habileté des intervenants. Il mentionne par ailleurs que, pour les individus voyants, le monde de la lecture est un univers rempli de stimuli à travers les couleurs et les illustrations des livres ou à travers tout autre matériel de lecture. L’auteur précise qu’il existe pour les enseignants et les élèves une variété d'approches possibles. Toutefois, pour les enseignants de braille, la complexité du code braille et les difficultés engendrées par la lecture tactile du braille peuvent affecter la motivation, l'intérêt, l'attention et la concentration de l'enfant aveugle. Néanmoins, selon l’auteur, il est du devoir des enseignants de maintenir et de susciter l’engouement pour le braille comme étant un médium de lecture pour les jeunes aveugles.

Les enfants aveugles ont besoin que les livres leur soient montrés et qu’ils apprennent qu’ils sont constitués de pages qui se tournent, qu'il y a un haut et un bas, une couverture et un dos, que les livres doivent être manipulés avec soin, qu'ils ne doivent pas être déchirés ou pliés, et qu'ils doivent être refermés et rangés après leur usage (Stone, 1988). D’autre part, il est recommandé que les mains de l’enfant soient placées sur celles du lecteur au cours de la lecture (Castellano, 2000; Koenig & Holbrook, 2000, 2002; Swenson, 2003; Troughton, 1992). En bougeant les mains de gauche à droite tout au long de la page, l’enfant aveugle découvre que les « points » forment des lettres.

Selon Castellano, il s’agit d’une première étape dans le développement de la littératie, car l’enfant assimile l’idée que ces points formant le braille ont une signification. Pour cette même raison, plusieurs auteurs suggèrent l’utilisation d’objets réels accompagnant l’histoire lors de la lecture à haute voix (Chelin, 1999; Koenig & Holbrook, 2000; Miller, 1985; Stratton & Wright, 1991; Troughton, 1992). En effet, cela permet à l’enfant aveugle de comprendre qu’il existe un lien entre les objets de son environnement (p. ex., une cuillère) et les symboles contenus dans le livre (p. ex., les lettres braille formant le mot cuillère). Coupler les objets réels et leurs formes symboliques (c'est-à-dire les caractères braille) constitue une bonne façon d’amener l’enfant aveugle à prendre conscience par le toucher de la correspondance existant entre les objets et l’écrit (McGregor, & Farrenkopf, 2002).

Swallow, Mangold et Mangold (1978), Olson (1981) et Mangold (1994) ont répertorié plusieurs idées utiles pour les activités de lecture à un stade adéquat. L'apprentissage de la lecture passe à travers le toucher et le développement du langage. Avant l’introduction de toute forme de lecture, l'enfant doit démontrer de l'intérêt pour les histoires, être capable de les raconter et de les comprendre. Il doit aussi être capable d'exprimer ses pensées et de démontrer un désir d'apprendre à lire. Plusieurs concepts ont besoin d'être enseignés : haut, bas, dessus, derrière, dessous, etc. et les habiletés d'écoute de l'enfant doivent également être développées. Puisque le braille est lu de cellule en cellule, il faut certainement que la compréhension phonétique soit établie dans le stade initial. Par ailleurs, contrairement aux enfants qui lisent les textes imprimés, les enfants qui doivent utiliser leurs doigts pour lire ont besoin d'avoir atteint un niveau satisfaisant de développement physique. Les textes imprimés peuvent être lus par l'enfant dans plusieurs positions. Le braille quant à lui demande à l'enfant aveugle l'habileté de rester assis, de contrôler sa position et le mouvement de ses bras et d'être capable de discriminations fines avec ses doigts. De plus, selon Stone (1988), il faut aussi tenir compte de la température des mains. Les enfants qui arrivent de l’extérieur durant une journée froide doivent attendre quelques minutes avant de pouvoir essayer de lire le braille; les saletés sur les doigts doivent aussi être enlevées afin d’assurer une meilleure lecture.

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7.7.  Les recommandations des chercheurs quant aux activités d’écriture

Selon Koenig et Holbrook (2002), il est tout aussi important de permettre à l’enfant aveugle d’explorer l’écriture que de lui fournir des expériences précoces de lecture. Comtois (1997) mentionne que le contact de l’enfant aveugle avec du matériel d’écriture braille doit se faire de façon aussi fortuite que dans le cas de la lecture. Les auteurs consultés suggèrent que l’enfant aveugle soit mis en présence d’outils d’écriture appropriés à sa condition : machine à écrire le braille (Brailler), poinçon et tablette, tablette à tracer (screen board), roulette à tracer (raised line drawing) (Comtois, 1997; Koenig & Holbrook, 2000, 2002; Miller, 1985). Ce contact est important car le braille constitue le moyen qui sera utilisé par l’enfant aveugle (Miller, 1985).

Selon Stone (1988), une des décisions importantes qui préoccupe bon nombre d’enseignants est : Quand doit-on introduire le braille à un enfant aveugle? Il existe, selon elle, deux dangers dans l'introduction précoce du braille auprès d'un enfant aveugle. Le premier danger se cristallise dans le déplacement léger et assez rapide des doigts sur les premiers mots lors de l'apprentissage pour favoriser le maintien de la motivation. Le deuxième danger est que l'enfant développe l'écriture avant même de bien maîtriser la lecture. Selon nous, il existe deux autres dangers : celui de l'acquisition de mauvaises habitudes chez l'enfant de taponner ou de gratter et celui de l'acquisition d'une mauvaise position des doigts, des mains et des poignets.

Il arrive souvent que des enfants produisent une quantité de braille sur la machine à écrire le braille, mais qu’ils soient incapables de donner un sens à ce qu'ils ont écrit. L'introduction de la lecture du braille ou de l'écrit braille doit se faire de façon graduelle et naturelle à partir des activités préalables à la lecture.

L’enfant aveugle doit aussi prendre conscience du processus par lequel le braille écrit est produit. Il doit aussi prendre conscience que ce qu’il dit peut être écrit (Stratton & Wright, 1991). Plusieurs auteurs suggèrent d’écrire en braille les histoires dictées par l’enfant relatant ses expériences personnelles (Comtois, 1997; Koenig & Holbrook, 2000, 2002; Miller, 1985; Stratton & Wright, 1991; Swenson, 2003). Au cours de cet exercice, Miller (1985) recommande de laisser l’enfant aveugle toucher les leviers et le papier de façon à ce qu’il réalise qu’il s’agit du résultat immédiat de son action.

Selon Koenig et Holbrook (2000), il faut laisser l’enfant griffonner sur la machine à écrire le braille après ou en même temps qu’on l’utilise pour véritablement écrire. En fait, Koenig et Holbrook (2002) parlent d’activités d’écriture à voix haute. Il s’agit, selon ces auteurs, d’écrire les histoires que l’enfant aveugle dicte à propos de ses expériences, de lui décrire les différentes étapes du processus d’écriture, puis de lui fournir l’occasion d’explorer l’écriture en plaçant ses mains sur les touches que l’on presse afin qu’il puisse associer le son de la machine à écrire le braille à l’acte d’écrire. Koenig et Holbrook suggèrent également de rendre l’utilisation de la machine à écrire le braille évidente à l’enfant aveugle au cours de ces activités d’écriture à voix haute. Ces auteurs proposent, par exemple, de faire la liste d’épicerie en braille. Ainsi, l’enfant aveugle peut la mémoriser et faire semblant de la relire une fois rendu à l’épicerie. Pour Koenig et Holbrook, il est important de présenter à l’enfant aveugle des activités qui combinent la production (écrire) et l’utilisation (lecture) de l’écrit.

De façon générale, plusieurs des auteurs consultés croient que l’enfant aveugle doit pouvoir, tout comme l’enfant voyant, griffonner, tracer, dessiner et gribouiller (Chelin, 1999; Comtois, 1997; Gapany, 1978; Koenig & Holbrook, 2000, 2002; Miller, 1985; Stratton & Wright, 1991; Swenson, 2003). Il semble recommandé de fournir des occasions à l’enfant aveugle d’âge préscolaire de « griffonner » sur la machine à écrire le braille et de l’encourager à prendre le papier sur lequel il a fait semblant d’écrire (Swenson, 2003). Il semble aussi recommandé d’encourager l’enfant aveugle à s’inventer un code pour communiquer ses idées et ses pensées (Koenig & Holbrook, 2002).

Plusieurs raisons sont données par les auteurs afin d’appuyer l’importance qu’ils accordent à ce type d’activités dans le développement de la conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle. Selon Gapany (1978), l’activité graphique permet à l’enfant aveugle de faire l’expérience de l’originalité du symbole en le créant lui-même. Pour Chelin (1999), le gribouillage et le dessin permettent de développer la motricité fine de l’enfant aveugle, son toucher, son goût de créer, de s’amuser, et donnent un sens à la communication écrite. Stratton et Wright (1991) croient, pour leur part, que ce type d’activités quotidiennes favorise le développement d’habiletés manuelles chez l’enfant aveugle.

En résumé, les auteurs consultés considèrent que la manipulation de livres et de matériel de littératie par l’enfant aveugle est essentielle afin de favoriser le développement de la conscience de l’écrit. Pour ce faire, la participation de son entourage demeure essentielle afin d'établir le contact de l’enfant aveugle avec les livres et le matériel de littératie.

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8.  Le besoin d’adapter les livres à la réalité de l’enfant aveugle

La difficulté à se procurer du matériel de lecture adapté (transcrit en braille, avec ou sans illustration) à l’enfant aveugle est rapportée par plusieurs auteurs (Chelin, 1999; Claudet, 1999; Comtois, 1997; Lewi-Dumont, 1997, 1999; Meuwes, 1999; Miller, 1985; Ripley, 1999). Lewi-Dumont (1997) observe qu’un faible pourcentage de documents publiés sont transcrits en braille pour les enfants aveugles en France et en Europe. L’auteure invoque le coût et le temps requis à transcrire et à produire des exemplaires en braille pour expliquer cette situation. Claudet (1999) constate que dans les pays européens, il y a trop peu d'albums (livres tactiles) adaptés voire pas d'album du tout, que la qualité des albums est très médiocre, qu'il n'y a aucune importation d'albums d'une autre culture, d'un autre pays ou continent et qu'il y a très peu de moyens accordés à ce type d'édition. En fait, selon lui, chaque pays gère sa misère comme il peut, avec quelques bouts de ficelles et beaucoup de bénévolat. Toutefois, il existe en Russie une fondation (Livres illustrés pour jeunes enfants aveugles) créée en 1994 par un groupe composé d'artistes, d'éditeurs, d'imprimeurs, de psychologues et d’un certain nombre d'autres professionnels dont le but est d'offrir aux enfants aveugles des livres adaptés avec des illustrations en couleur et en relief ainsi que des livres-jeux. La méthode utilisée pour mettre au point ces types de livres a été développée grâce aux recherches russes et étrangères dans le domaine de la psychologie de la perception (Degen, 1999).

Selon Lewi-Dumont (1997), le texte lu et enregistré sur cassette serait la principale ressource littéraire disponible en France et en Europe. Ce mode de communication est privilégié principalement pour sa vitesse de reproduction et son coût raisonnable. Or, l’auteure mentionne que le contact de l’enfant aveugle avec l’écrit doit être régulier. Elle rapporte également que les enseignants à la maternelle sont souvent contraints de transcrire et d’adapter eux-mêmes les ouvrages. Cette même réalité s’observe aux États-Unis et au Canada alors que la plupart des auteurs suggèrent aux parents et aux enseignants d’adapter et de concevoir eux-mêmes des livres destinés aux enfants aveugles (Blind Children’s Fund, 1988; Chelin, 1999; Comtois, 1997; Drezek, 1999b; Koenig & Holbrook, 2000, 2002; Lewi-Dumont, 1997; McGregor, & Farrenkopf, 2002; Miller, 1985; Stratton & Wright, 1991; Swenson, 2003).

Chelin (1999) résume bien cette situation en mentionnant que le problème majeur dans l’éveil à la lecture et au livre réside actuellement dans la précarité, le choix et la qualité du livre adapté pour les enfants aveugles de la naissance à cinq ans. Parmi les livres adaptés pour les enfants aveugles, plusieurs lacunes ont été identifiées par les parents, les enseignants et les intervenants spécialisés. Meuwes (1999) constate, elle aussi, que l'enfant déficient visuel ne dispose que de très peu d'ouvrages, les livres illustrés sont peu répandus, particulièrement pauvres sur le plan de l'esthétique et de l'imaginaire; bien souvent le primat est accordé à l'aspect pédagogique. Alors qu'on assiste à une profusion de parutions de livres pour la jeunesse et qu'il est de plus en plus question de favoriser, selon elle, le contact du livre chez les tout-petits, l'absence de livres pour les enfants déficients visuels se fait de plus en plus cruellement ressentir, et ce, qu'on soit parent voyant d'enfant déficient visuel, parent déficient visuel d'enfant voyant ou encore qu'on soit enseignant ou éducateur. Ripley (1999) arrive aussi à la même conclusion, il n'y a guère de livres tactiles produits en série spécialement conçus pour les enfants déficients visuels, tandis que des milliers de livres illustrés sont publiés chaque année pour les enfants voyants.

Selon les écrits consultés, il semble y avoir trois lacunes principales dans les livres adaptés pour les enfants aveugles : 1) l’utilisation de l’image tactile (complexe) dans les livres conçus pour les enfants aveugles, 2) l’utilisation de livres destinés au développement d’habiletés tactiles et motrices et 3) l’utilisation des livres duo média (imprimé/braille).

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8.1.  L’utilisation de l’image tactile dans les livres adaptés pour les enfants aveugles

Le livre, selon Meuwes (1999), a une double fonction : ouvrir les portes de l'imaginaire et de la créativité et préparer ou renforcer les apprentissages de la lecture. Lire est une manière d'accéder à la connaissance et d'entrer dans une culture, une façon de nourrir les rêves et l'imaginaire et d'organiser sa pensée. La relation avec le livre, selon elle, est d'abord une expérience sensorielle : s'approprier des livres, les saisir, les toucher, les sentir, les jeter, les partager, etc., est d'un immense intérêt pour les tout-petits. Pour lire, les mains doivent toucher, caresser, tenter d'attraper, voire parfois aussi tirer, déplacer. Selon elle, les livres proposés aux enfants déficients visuels sont justement pour la plupart peu propices à favoriser l'expérience sensorielle sensible et même sensuelle. Ces livres sont du même coup peu favorables à l'échange avec l'entourage (parents, fratrie), ces livres remplis de points n'intéressant personne car ils ne comportent aucune illustration. Pour avoir envie de lire, susciter ce désir, il faut, selon elle, que le livre soit investi comme source de plaisirs, d'échanges et d'expériences nouvelles.

Les parents, selon Richard (1999), sont à la recherche de livres qui soient beaux, solides et intelligents pour leur enfant déficient visuel, mais ne trouvent pas le moindre livre d'histoires avec un relief répondant aux besoins de l'enfant. Les parents sont alors obligés de faire preuve de talents créatifs : coller, couper, contourner, adapter, bref, mettre en relief les livres existants afin que leur enfant soit en contact avec des livres. Les parents trouvent bien sûr des livres transcrits en braille, qui ont tous le même format, le même grain de papier, la même succession de points, mais ces livres n'ont que du texte alors que l'enfant est âgé de moins de six ans.

Lewi-Dumont (1999) rapporte que la création de livres tactiles demande beaucoup de temps, d'ingéniosité et d'énergie. Clette (1999) mentionne que les initiatives sont généralement prises par les parents qui sont soucieux d'offrir à leur enfant déficient visuel un livre adapté qui puisse lui procurer à la fois plaisir et apprentissage. Les livres conçus par les parents sont souvent, selon elle, des exemplaires uniques, fabriqués avec les moyens du bord et leur durée de vie est relativement éphémère à cause des nombreuses manipulations des enfants; ils sont parfois très réussis ou parfois beaucoup moins. Ces livres n'ont jamais été diffusés plus loin que son cercle familial ou que l'école fréquentée par l'enfant.

La principale lacune concernant l’utilisation de l’image tactile dans les livres adaptés pour les enfants aveugles réside dans le fait que ces livres sont conçus à partir de critères visuels qui ne correspondent généralement pas aux capacités tactiles ou cognitives des jeunes enfants aveugles (Comtois, 1997). Une image tactile doit être, selon Eriksson (1999), simplifiée par rapport aux images générales et les caractéristiques principales d'un objet doivent être accentuées. Selon elle, on peut tout montrer par une image tactile sauf les couleurs, la lumière et les ombres.

Il est effectivement difficile de susciter et de maintenir l’intérêt de l’enfant si les livres ne répondent pas aux besoins spécifiques d’une personne vivant dans un monde tactile (Miller, 1985). Il est important que le livre contienne des surprises qui rendent la lecture plus excitante (Eriksson, 1999). Par ailleurs, il arrive fréquemment que les images tactiles soient beaucoup trop complexes, bourrées de détails superflus et plus esthétiques visuellement que significatives de façon tactile (Comtois, 1997). Il est à noter que les livres belges et français qui utilisent les images tactiles sont, comparativement aux ouvrages américains, beaucoup plus complexes. Meuwes (1999) rapporte que l'esthétique, la présence d'illustrations tactiles, la qualité du texte et la variété (contenus, textures et techniques de fabrication des livres) sont des éléments essentiels dont il faut tenir compte dans la conception de livres tactiles.

Hatwell (2001) mentionne que l’identification des dessins par des aveugles précoces est très difficile à cause de l’exiguïté du champ perceptif tactile. Les aveugles précoces ont en effet de la difficulté à conserver en mémoire des dessins en relief, car ce traitement constitue une charge cognitive importante affectant la capacité de conservation des données en mémoire de travail. Selon cette auteure, la difficulté d’identification des dessins en relief par les enfants aveugles repose principalement dans le peu de ressemblance physique entre l’objet réel et le dessin. Le dessin en relief représente difficilement la catégorie à laquelle il appartient et laisse ainsi ouvert un grand champ de possibilités. Dans un tel contexte, on comprend bien le questionnement de Miller (1985) à savoir « Comment quatre petits bâtonnets sous un petit morceau de fourrure pourraient représenter un chien pour sa fille aveugle? ».

Néanmoins, il est à noter que l’on observe, chez les auteurs qui se sont penchés sur le sujet, un consensus en ce qui a trait à la nécessité d’avoir des images tactiles dans les livres conçus pour les jeunes enfants aveugles. L'image en tant qu'illustration a alors comme rôle, selon Lewi-Dumont (1999), d'activer la curiosité de l'enfant, de lui permettre de toucher autre chose que du braille et par la suite, une fois que le dessin a fait l'objet d'un apprentissage, de se repérer dans le livre. En effet, Hatwell (2001) est d’avis que les dessins d’objets procurent un bénéfice cognitif important pour les aveugles précoces, et ce, même s’ils sont d’un accès souvent ardu pour l’enfant aveugle.

Miller (1985) considère que l’image en relief permet à l’enfant aveugle de jouir du même divertissement que les enfants voyants et suscite son intérêt. Stratton et Wright (1991), quant à eux, considèrent que l’utilisation de livres contenant des illustrations tactiles offre deux occasions de consolider la compréhension de l’histoire chez l’enfant aveugle : d’une part, la compréhension du texte facilite la compréhension des images tactiles, puis d’autre part, les images tactiles favorisent la compréhension du texte. Ainsi, la présence d’images tactiles permettrait une meilleure rétention de l’histoire chez l’enfant aveugle. Pour Lewi-Dumont (1999), le livre tactile joue un rôle dans l'intégration sociale des aveugles.

Lewi-Dumont (1997) s’est livrée, quant à elle, à une véritable analyse au sujet de l’utilité de l’image tactile dans le développement de la conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle. Selon l’auteure, l’image en relief ne joue pas chez l’enfant aveugle les mêmes rôles dans le processus d’apprentissage de la lecture que l’image visuelle chez l’enfant voyant. En effet, comme l’a mentionné Hatwell (2001), les enfants aveugles déploient une énergie considérable à déchiffrer une image tactile. Or, ces images doivent, selon Lewi-Dumont, servir de soutien à la rétention de l’histoire, ce qui n’est pas possible chez les enfants aveugles puisqu'elles sont difficilement reconnaissables par ces derniers. En effet, quelques recherches citées dans l’étude de Lewi-Dumont montrent que la mémoire des éléments figurés se fait chez les aveugles congénitaux aux dépens des éléments purement verbaux. Il n’y a donc pas en ce qui concerne le dessin en relief, le même type d’aide à la lecture que l’aide produite par les dessins et les images chez les enfants voyants. De ce fait, Lewi-Dumont s’est questionnée à savoir si l’insertion d’images en relief dans les livres pour enfants aveugles apporte une quelconque utilité. L’image tactile doit, en effet, faire l’objet d’un apprentissage chez l’enfant aveugle, car tout comme le braille, elle ne fait pas partie de son environnement naturel. L’enfant doit donc apprendre à reconnaître une image par le biais d’un toucher fragmentaire rendant l’association entre l’image, le référent et le mot difficile à établir. Enfin, selon l’auteure, l’enfant aveugle ne peut pas prendre conscience aussi facilement que l’enfant voyant de l’interaction qui existe entre le dessin et le texte.

Dans un tel contexte, Lewi-Dumont en arrive à trois constatations majeures. Premièrement, le fait de ne pas avoir d’image ou de n’avoir que des images très difficilement décodables ne semble pas être une aide ni pour la compréhension ni pour la mémorisation. Deuxièmement, dès son plus jeune âge, l’enfant aveugle doit être mis en contact avec l’image en relief et être aidé à en faire l’apprentissage, car l’image en relief constitue un outil auxiliaire non négligeable dans l’apprentissage de la lecture. L’image en relief peut en effet contribuer à une plus grande motivation à la lecture et à une meilleure perception tactile chez l’enfant aveugle. Finalement, le dessin en relief doit être normalisé afin que les codes de représentation tactile soient compréhensibles par tous les enfants aveugles. Il faut préciser, qu'il y a présentement au Québec une équipe de chercheurs qui travaillent à la normalisation des images de volumes scolaires.

Appuyant cette idée d’une normalisation de l’image tactile, Stratton et Wright (1991) ont énoncé certaines conditions qui devraient être respectées lors de l’élaboration et de la création d’images tactiles. Les images tactiles doivent montrer ce qu’il y a dans le texte et susciter l’intérêt. Elles ne doivent pas offrir d’informations supplémentaires au sujet de l’histoire comme c’est le cas dans les images imprimées. En fait, seules les informations nécessaires doivent être incluses afin de faciliter la lecture tactile. Il ne doit pas y avoir de détails superflus pour susciter l’intérêt comme c’est le cas dans les images imprimées. Les images tactiles doivent donc être simples et doivent permettre une représentation mentale claire. Finalement, l’introduction de l’enfant aveugle aux images tactiles doit se faire selon une séquence logique. En effet, il faut dans un premier temps permettre à l'enfant d’explorer l’objet réel par le toucher. Dans un deuxième temps, l'objet est transposé en une image thermoformée qui est explorée par l'enfant. Finalement, l'image thermoformée est transférée en image faite à partir de lignes (image tactile) et qui peut être décodée par l'enfant.

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8.2.  L’utilisation de livres destinés au développement d’habiletés tactiles et motrices chez l’enfant aveugle

Bien que l’utilisation de livres destinés au développement d’habiletés tactiles et motrices demeure essentielle dans le processus général de l’apprentissage de la lecture et de l’écriture chez l’enfant aveugle, ces livres ne semblent pas contribuer, dans leur forme actuelle, au développement de la conscience de l’écrit. Selon Comtois (1997), ces livres ne sont effectivement pas conçus pour l’acte de lire et la découverte que l’écrit véhicule un message.

Selon Miller (1985), le développement d’habiletés de poursuite (c'est-à-dire la capacité de l’enfant aveugle à pouvoir suivre du doigt une ligne ou une phrase écrite en braille) doit se faire à l’aide de livres racontant une histoire. Des livres tels que Tactual Road to Reading, qui ont pour but de développer ces habiletés à l’aide de fils et de bâtons, ne peuvent pas susciter chez l’enfant le même intérêt que si l’on utilise des livres où une histoire est racontée. Miller croit que la motivation est intrinsèque aux mots qui racontent une histoire et c’est pourquoi, dans un tel contexte, elle mentionne préférer apprendre à sa fille aveugle la poursuite des lignes en faisant correspondre sa lecture aux mots touchés par l’enfant. En fait, il semble recommandé d’adapter les livres destinés au développement d’habiletés tactiles et motrices chez l’enfant aveugle afin qu’ils puissent susciter l’intérêt et contribuer au développement de la conscience de l’écrit tel qu’il a été défini précédemment (Koenig & Holbrook, 2000, 2002).

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8.3.  L’utilisation des livres imprimés/braille

De façon générale, selon plusieurs auteurs (Blind Children’s Fund, 1988; Carrillon, 2002; Castellano, 2000; Drezek, 1999a, b; Koenig & Holbrook, 2002; Miller, 1985; Stratton & Wright, 1991; Troughton, 1992; Wormsley, 1997), l’utilisation des livres imprimés/braille est recommandée comme matériel d’apprentissage menant à la conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle. Pour ces auteurs, le livre duo média (imprimé/braille) favorise le rapprochement entre les voyants et les non-voyants. Par le biais de ce type de livre, tous les membres de la famille, sans distinction aucune, peuvent apprécier simultanément les livres.

Toutefois, selon Miller (1985) et Stratton et Wright (1991), un problème de non-correspondance semble exister entre certains caractères braille et certains caractères imprimés qui leur sont appariés. En effet, il devient difficile pour le parent qui fait la lecture à son enfant de déchiffrer le caractère braille, car la transcription braille réalisée dans la plupart des livres imprimés/braille provenant des pays anglo-saxons comporte plusieurs abréviations et signes uniques correspondant à des mots entiers. Pour résoudre ce problème, Miller (1985) suggère d’élaborer une méthode permettant une reconnaissance facile par le parent de la configuration des lettres en braille. Lors de la lecture à l’enfant aveugle, il est important, selon elle, que le parent puisse facilement identifier la correspondance braille de la lettre lue en imprimé conventionnel. Miller pense qu’une meilleure correspondance des lettres imprimées et des lettres braille pourrait favoriser une meilleure reconnaissance visuelle par le parent et tactile pour l’enfant. Les parents pourraient alors plus facilement souligner un aspect ou un autre de la lecture comme la longueur des mots, l'espace entre les mots, les caractéristiques de certaines lettres, etc. Miller suggère également que les livres imprimés/braille comprennent des notes et des indices dans chaque page afin d’aider le parent à participer au processus d’apprentissage de son enfant. Selon nous, il est important que le braille soit situé en bas de l'imprimé, et ce, afin de permettre à l'enfant de placer ses doigts sur le braille et au parent de lire le texte imprimé.

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9.  Conclusion

Nous aimerions conclure cette recension des écrits en rappelant l’importance d’accroître le nombre de recherches en ce qui a trait au développement de la conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle âgé de 0 à 5 ans. Tout comme Stratton (1996) et Comtois (1997), nous pensons que des études expérimentales permettraient de raffiner les connaissances théoriques liées à l’émergence de la littératie chez l’enfant aveugle et de définir des interventions efficaces pour en favoriser le développement. Il est important aussi de tenir compte de la nouvelle réalité démographique dans l’établissement de programmes visant l’éveil à la lecture de l’enfant aveugle. Tout comme le mentionne Lewi-Dumont (1997), les nouveau-nés aveugles de nos jours sont souvent porteurs d’autres déficiences. Dans un tel contexte, des recherches sont donc nécessaires à savoir si les enfants aveugles, les enfants ayant un autre type de déficience visuelle et les enfants aveugles présentant également des troubles associés représentent un groupe hétérogène ou homogène d’individus en ce qui a trait au développement de la conscience de l’écrit.

Selon nous, un accroissement du nombre d’études concernant la conscience de l’écrit pourrait favoriser la consolidation d’une organisation développementale mieux définie chez l’enfant aveugle âgé de 0 à 5 ans. Les écrits consultés ont souvent tendance à rapporter une série d’actions étroitement reliées au développement général de l’enfant aveugle qui vise l’émergence de la littératie sans savoir, néanmoins, si une séquence quelconque doit être respectée. En fait, de telles études contribueraient, selon nous, à accroître les chances de l’enfant aveugle d'acquérir, au moment de sa rentrée scolaire, les mêmes connaissances que l’enfant voyant quant à l’écrit et à la lecture, et ce, à partir d’interventions spécifiques minimisant l’impact de la cécité sur son développement. Bref, il faut encourager l’enfant aveugle à être alphabète tout comme l’enfant voyant avant la rentrée scolaire.

Finalement, il est indispensable voire urgent de développer, de créer et d'adapter des livres, des livres-jeux, des livres-objets, des livres à manipuler, des « images » à toucher et des histoires à raconter (Meuwes, 1999). Il faut adapter en priorité des albums déjà publiés dans plusieurs langues, de façon à en faire profiter les enfants aveugles de tous les pays (Lewi-Dumont, 1999).


 

Bibliographie

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Le développement de la conscience de l'écrit chez l'enfant aveugle âgé de 0 à 5 ans:
Recension des écrits par Yves Jalbert, Pierre-Olivier Champagne et collaborateurs - Mai 2005
COLLABORATION: Joanne Thibodeau, Denise Trépanier, Brigitte Bernard-Charron, Jean-Louis Berthiaume et Louise Comtois
RÉVISION: Équipe d’édition, Institut Nazareth et Louis-Braille
ÉDITEUR: Institut Nazareth et Louis-Braille - Dépôt légal, 3e trimestre 2005 - Bibliothèque nationale du Québec - Bibliothèque nationale du Canada - ISBN 2-89376-058-9
 

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Publicado por MJA 
[22.Set.08]