Yves Jalbert, Pierre-Olivier Champagne
& collaborateurs

Table des matières
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Résumé | L’apprentissage de la lecture et de l’écriture débute chez l’enfant
par l’émergence de concepts liés à l’acte de lire et d’écrire et
correspond à la notion de littératie. La littératie désigne l’ensemble
des connaissances en lecture et en écriture permettant à une personne
d’être fonctionnelle en société (Office québécois de la langue
française, 2002). Chez l’enfant aveugle, de la naissance à 5 ans, le
développement d’habiletés cognitives, motrices, tactiles et langagières
joue un rôle important dans le développement de la conscience de
l’écrit. La conscience de l'écrit se définit, selon Giasson et Thériault
(1983), par la connaissance de l'existence de la lecture, des fonctions
de l'écrit, des conventions de l'écrit et des concepts de lettre, de mot
et de phrase. Toutefois, la présence de la cécité chez l’enfant
influence le processus par lequel il prend conscience de la présence et
du fonctionnement de l’écrit.
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Contrairement à l’enfant voyant, l’enfant aveugle n’a pas la chance
d’avoir un contact régulier, accidentel ou non, avec l’écrit. Sans
aucune intervention spécifique favorisant son contact avec la
littératie, l’enfant aveugle peut ne pas posséder, au moment de sa
rentrée scolaire, le même niveau de connaissances de l’écrit que
l’enfant voyant. Le développement de la conscience de l’écrit chez
l’enfant aveugle nécessite 1) une intervention de qualité des parents,
de l'entourage, des intervenants et des enseignants, 2) une adaptation
de l’environnement physique qui encourage le contact de l’enfant aveugle
avec l’écrit braille et les symboles tactiles, 3) des activités riches
et variées stimulant l’émergence de la littératie et finalement, 4)
l’adaptation du matériel de littératie.
1.
Introduction
Ce document est une recension des écrits axée principalement sur le
développement de la conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle âgé de 0
à 5 ans. Il constitue la première étape d’un projet d’étude clinique
visant l’élaboration de trousses d’intervention qui s'adressent aux
parents, aux enfants aveugles âgés de 0 à 5 ans, aux intervenants et
enseignants. La recension des écrits s’est effectuée à partir des
navigateurs de recherche suivants : Medline, Eric, Psychinfo ainsi que
du catalogue informatisé du Centre de documentation de l’Institut
Nazareth et Louis-Braille. Plusieurs mots-clés français et anglais ont
été introduits pour faire la recherche : conscience de l’écrit,
littératie, prébraille, braille, prélecture, prérequis à la lecture,
lecture braille, discrimination tactile, aveugles, non-voyants,
emergent literacy, braille readiness, early literacy,
literacy for the blind, early reading experiences, reading readiness,
blindness, beginning reading ainsi que des combinaisons de
mots-clés. Par ailleurs, certains critères ont orienté cette recherche.
Ainsi, la sélection des articles s’est faite en fonction de l’âge des
enfants aveugles (0 à 5 ans), de leur déficience visuelle (enfants
présentant une cécité) et de l’année de publication des articles (de
1996 à 2004).
Il est à noter que la rareté des articles traitant exclusivement des
enfants aveugles ainsi que le renvoi fréquent à certains articles
publiés avant 1996 nous ont poussés à assouplir ces critères puisque
dans bien des cas l'âge des enfants dépasse les 5 ans. De plus, aucun
des articles consultés au sujet du développement de la conscience de
l’écrit ne s’attarde à considérer la nécessité ou non de distinguer les
enfants aveugles, des enfants ayant un autre type de déficience
visuelle, des enfants ayant aussi une déficience intellectuelle ou des
enfants aveugles présentant des troubles associés. L’homogénéité ou
l’hétérogénéité de ces groupes demeure donc une piste de recherche à
concevoir.
La documentation provient principalement des États-Unis. Les
documents provenant d’ailleurs sont souvent difficilement accessibles.
Il est à noter que le problème inverse s’observe en France et en Europe
alors que Lewi-Dumont (1997) souligne la difficulté à se procurer cette
même documentation américaine. Une plus grande accessibilité
intercontinentale aux ressources concernant le développement de la
conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle semble donc souhaitable.
2. Qu'est-ce que la conscience de l’écrit?
La conscience de l'écrit est, selon Giasson et Thériault (1983) un
terme récent dans les travaux sur la lecture et fait référence à un
ensemble de connaissances que l'enfant possède sur la langue écrite
avant même de savoir lire. Selon ces auteures, la conscience de l'écrit
comprend les éléments suivants : 1) connaître l'existence de la lecture,
c'est-à-dire savoir qu'il existe un processus qui s'appelle « lecture »
et qui consiste essentiellement à établir une relation entre le langage
oral et des signes graphiques, 2) connaître les fonctions de l'écrit, 3)
connaître les conventions de l'écrit (la lecture se fait de gauche à
droite, de haut en bas, etc.) et 4) connaître les concepts de lettre, de
mot et de phrase. Pour Giasson (1995), l'émergence de l'écrit comprend
toutes les acquisitions en lecture et en écriture (les connaissances,
les habiletés et les attitudes) que l'enfant réalise, sans enseignement
formel, avant de lire de manière conventionnelle.
La conscience de l'écrit concerne l’émergence des concepts de lecture
et d’écriture chez l’enfant. Par concept, on réfère à une organisation
d’informations formant une généralisation sur le monde (Wormsley,
1997). En effet, l’enfant reconnaît des symboles (p.
ex., le « M » de MacDonald) et les associe
à des activités particulières (p. ex., manger
des hambourgeois). De plus, si ces activités sont verbalisées par
l’entourage social (p. ex., « Nous
allons manger chez MacDonald! »), alors l’enfant
est en mesure de lier cette information verbale à l’information
graphique (p. ex., voir le « M » jaune
de MacDonald). Ainsi, l’enfant prend conscience
de l’utilité de l’écrit au contact de son environnement.
Conséquemment, plusieurs auteurs définissent le développement de la
conscience de l’écrit comme un processus constructif (l’enfant doit
construire des concepts sur son environnement et sa culture),
fonctionnel (l'enfant peut agir dans son environnement) et interactif
(l’enfant interagit avec les autres) (Clay, 1991;
Gibson, 1989; Harste, Short
et Burke, 1988; Hiebert et
Fisher, 1990; Morrow et
Rand, 1991; Neuman et
Roskos, 1993; Rex, Koenig,
Wormsley et Baker, 1994; Strickland et
Morrow, 1989).
Il est à noter que différents termes sont utilisés à travers la
documentation afin de traduire cette même idée. L’expression
contemporaine de « littératie émergente » (emergent
literacy) remplace maintenant les termes de « conscience de
l’écrit », « print awareness » et « reading
readiness » (Comtois, 1997). Selon Yaden, Rowe
et MacGillivray (1999), l'utilisation du terme
« littératie émergente » a débuté dans les années 1980. Historiquement,
ce terme était vu comme impliquant une phase théorique vaste sur
l'apprentissage de la littératie (développementale et constructiviste),
un groupe d'âge (de la naissance à cinq ou six ans) et un accent sur
l'apprentissage informel dans les activités holistiques à la maison, à
la garderie ou à la prématernelle. Le néologisme « littératie »
constitue présentement l’équivalent du terme anglais « literacy »
et se traduit, selon Lewi-Dumont (1997), par le fait de savoir lire et
écrire des textes et d’être capable d’entrer dans la culture écrite.
Le terme « littératie » est généralement défini comme une habileté à
lire et à écrire des symboles ou des mots (Lewi-Dumont, 1997;
Stratton, & Wright, 1991;
Wormsley, 1997). Koenig et
Holbrook (2000) définissent trois types de littératie : la
littératie émergente, la littératie académique et la littératie
fonctionnelle. La littératie émergente constitue les premières
tentatives du jeune enfant qui lui permettent d'apporter un sens à
l'acte de lire et d'écrire. La littératie académique englobe les
habiletés de base à la lecture et à l’écriture durant les premières
années scolaires. Puis la littératie fonctionnelle représente
l’application de l’ensemble des habiletés liées à la littératie et
l’utilisation d’une variété d’outils de littératie permettant
l’accomplissement des tâches quotidiennes. Dans un tel cadre, il importe
de rappeler que le développement de la conscience de l’écrit correspond
à ce qu’on appelle la littératie émergente.
Deux auteurs,
Koenig (1992) et Stratton (1996), sont principalement cités dans les écrits
consultés afin de définir le concept de littératie émergente. En effet,
Koenig (1992) considère que la littératie
émergente est caractérisée par la compréhension selon laquelle les
symboles abstraits ont un sens et que les gens utilisent des symboles
pour communiquer des idées. Pour sa part, Stratton
(1996) voit la littératie émergente comme un processus d’apprentissage
de l’environnement menant au développement de la compréhension et des
concepts, incluant les concepts des fonctions de la lecture et de
l’écriture.
La plupart des auteurs consultés s’entendent pour dire que la
littératie émergente inclut des habiletés de communication et de
compréhension. Stratton et Wright
(1991) définissent la littératie, non seulement comme une habileté à
lire et à écrire des symboles ou des mots, mais également comme une
habileté à utiliser un ensemble d’expériences et d’idées afin d’apporter
un sens personnel et une compréhension à une histoire, puis à utiliser
des mots à l’oral ou à l’écrit afin d’exprimer des idées ou une
signification. Drezek (1999b) abonde dans le même
sens alors qu’elle considère que la signification de l’acte de lire est
enchâssée dans la compétence linguistique qui consiste à donner un sens
aux symboles, à communiquer en utilisant des comportements cohérents,
puis à combiner et à élaborer des comportements communicatifs selon la
nature des rapports sociaux.
Plus récemment,
Wormsley (2003) nous apprend
qu’une approche fonctionnelle à la littératie braille commence avec la
prémisse que les enfants aveugles ayant des difficultés d'apprentissage
particulières à la lecture et à l'écriture braille ont davantage de
succès si les mots ou les lettres qui sont appris dans les stades
initiaux de la lecture braille ont un sens ou une fonction pour le
lecteur. Pour bien comprendre l'approche fonctionnelle, selon
Wormsley, il faut avant tout bien comprendre
comment la littératie se développe. Selon l'auteure, il y a généralement
deux stades sur lesquels il y a un consensus : la littératie émergente
et la littératie académique. Durant le premier stade (la littératie
émergente), les individus deviennent familiers avec le langage écrit et
développent des concepts associés à la lecture et à l'écriture. Ces
concepts incluent les « comment » et les « pourquoi » les gens lisent et
écrivent et la nature des outils qu'ils utilisent à cette fin. Les
individus apprennent les concepts qui sont tributaires aux livres et aux
phrases en imprimé conventionnel (ou en braille) comme le haut d'une
page, le bas d'une page, tourner une page, le début d'une phrase, la fin
d'une phrase, etc. Les individus développent des expériences avec le
langage écrit à la maison et dans leur communauté qui constituent les
bases de leur apprentissage futur de la littératie. Cependant, certains
individus peuvent rester au stade de la littératie émergente pour une
plus longue période de temps que d'autres. Par ailleurs, il faut
préciser que certains enfants aveugles n'apprennent la lecture et
l'écriture braille qu'au moment où ils sont à un âge ou à une scolarité
plus avancés. Le deuxième stade de la littératie est la littératie
académique ou la littératie de base (basic literacy).
La littératie académique commence généralement à la garderie, à la
maternelle, au préscolaire ou à la première année du primaire et prend
de l'ampleur à travers la scolarisation secondaire, collégiale,
universitaire. À ce stade-ci, les individus apprennent premièrement à
lire et utilisent cette capacité pour acquérir plus de connaissances.
Les individus atteignent différents niveaux d'élaboration dans ce stade
et peuvent continuer à progresser durant toute leur vie. Durant
l'acquisition de la littératie académique, les individus acquièrent
également des habiletés en littératie fonctionnelle. En général, la
littératie fonctionnelle réfère à l'utilisation de la littératie dans la
vie quotidienne comme dans les tâches qui consistent à rédiger une liste
d'épicerie, à lire des recettes, à utiliser un guichet automatique, à
payer des factures, à remplir un formulaire d'emploi, etc. De plus, les
habiletés de littératie fonctionnelle d'un individu correspondent à son
niveau de littératie académique. En effet, remplir un formulaire d'impôt
ne demande pas les mêmes habiletés que celles d'écrire une liste
d'épicerie et demande également des connaissances plus sophistiquées.
Bref, la littératie émergente constitue le terme actuellement utilisé
pour désigner le développement de la conscience de l’écrit chez l’enfant
et se définit comme un processus d’apprentissage au cours duquel
l’enfant développe, au contact de son environnement, des habiletés lui
permettant de comprendre que les symboles abstraits ont un sens et que
les gens utilisent ces symboles afin de communiquer des idées (Chelin,
1999; Koenig, 1992; Koenig, &
Holbrook, 2000; Stratton, 1996;
Stratton, & Wright, 1991;
Wormsley, 1997).
3. L’importance du développement de la conscience de l’Écrit chez
l’enfant aveugle
L'enfant mal-voyant a un développement psychomoteur plus lent que
l'enfant voyant. En effet, il marche plus tard, vers 22 à 25 mois, car
son schéma corporel se développe plus lentement en raison des stimuli
moins importants et souvent il parlera aussi plus tard (Borlon,
Genicot, & Vincken, 2001). O'Donnell et
Livingston (1991) rapportent quant à eux que les
enfants ayant une basse vision subissent des retards dans leurs
développements cognitif et moteur et dans leurs habiletés sociales à
cause du manque de motivation ou d'un manque d'opportunités à explorer
activement leur environnement. Cette situation entraîne chez ces enfants
des difficultés à acquérir des connaissances pratiques et des concepts
spatiaux et environnementaux.
Au moment où l'enfant ayant une déficience visuelle sévère commence
l'école, ce dernier a souvent un retard développemental comparativement
à ses pairs voyants. Ce retard développemental semble être, selon
Hall et Rodabaugh (1979),
occasionné par les déficits expérientiels et perceptuels qui conduisent
aux déficits conceptuels. Ce n'est pas, selon elles, le résultat d'un
déficit intellectuel chez les enfants ayant une déficience visuelle
dotés d'une intelligence normale. Par ailleurs, selon Zweibelson et
Barg (1967), les enfants
ayant une déficience visuelle semblent moins utiliser les concepts
abstraits que leurs pairs voyants. En effet, selon Tonnel-Ballavoisne
(1998), l'enfant qui est privé de la vue va nécessairement être privé
d'expériences perceptives visuelles donc cognitives. L'appropriation de
l'écrit sera donc, selon elle, nécessairement plus longue et ce sera à
l'adulte de lui proposer toutes les situations de lecture possibles.
Toujours, selon elle, l'enfant aveugle, tout comme l’enfant voyant, ne
peut accéder à ce code de communication à distance, qu'est la lecture,
qu'après d'autres activités de communication. Une scolarisation précoce
est indispensable pour l'aider à surmonter tous les obstacles qui le
conduiront sur le chemin de la lecture. Il est déterminant pour lui
qu'il apprenne à communiquer comme les autres, qu'il bénéficie d'un bain
de langage et bien entendu qu'on lui propose le plus tôt possible une
grande diversité de jeux et d'exercices tactiles le familiarisant petit
à petit avec l'approche des caractères braille.
Il est important de s’intéresser au développement de la conscience de
l’écrit chez l’enfant aveugle âgé de 0 à 5 ans puisque ce dernier
n’arrive vraisemblablement pas à l’école avec le même bagage de
connaissances que l’enfant voyant (Chelin, 1999; Comtois, 1997;
Koenig, & Holbrook, 2000; Lewi-Dumont, 1997;
Swenson, 1988) et il a peu d’expériences avec la
communication écrite pour lui permettre l’acquisition des habiletés
émergentes en littératie (Wormsley, 2003). Selon
Swenson (1988), il y a de fortes chances que
l’enfant aveugle n’ait pas acquis avant sa rentrée scolaire le concept
concernant le langage parlé et que ce langage parlé puisse aussi
s'écrire. Selon l’auteur, la cause de cette situation proviendrait de la
rareté des contacts de l’enfant aveugle avec la richesse de l’écrit
entourant constamment l’enfant voyant et de la rareté du matériel
préscolaire braille et tactile en langue française. Hatwell (2003)
rapporte quant à elle, que le retard scolaire d'un an, voire deux, est
assez fréquent chez les déficients visuels même lorsque ces derniers ne
souffrent d'aucun retard mental. Ce retard est dû à la différence
intrinsèque de l'apprentissage de la lecture et de l'écriture braille,
aux hospitalisations et aux traitements médicaux fréquents de ces
enfants, à leur éloignement des grands centres urbains dans lesquels la
prise en charge éducative et sociale est bien organisée.
Il semble clair pour l’ensemble des auteurs consultés que le
développement de la conscience de l’écrit nécessite chez l’enfant
aveugle une intervention spécifique et que l’apprentissage ne peut être
laissé au hasard (Blind Children’s Fund, 1988;
Carrillon, 2002; Castellano, 2000; Chelin, 1999;
Comtois, 1997; Drezek, 1999a, b; Ferrel, 2000;
Koenig, & Farrenkopf, 1997;
Koenig & Holbrook, 2000, 2002; Lewi-Dumont, 1997;
McGregor, & Farrenkopf, 2002;
Miller, 1985; Ryles, 1994;
Stratton, 1996; Stratton & Wright, 1991;
Swenson, 2003; Troughton,
1992; Wormsley, 1997). Plusieurs études citées
dans la thèse de Lewi-Dumont (1997) démontrent que les performances en
lecture des enfants sont partiellement influencées par les conceptions
qu’ils ont de l’acte de lire avant tout apprentissage structuré. Il
semble donc qu’une compréhension des fonctions et du fonctionnement de
l’écrit soit préférable avant d’en faire l’apprentissage formel
(Lewi-Dumont, 1997). L’impossibilité pour l’enfant aveugle de prendre
conscience de ces fonctions sans aide extérieure justifie la nécessité
d’accorder une importance toute particulière au développement de la
conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle âgé de 0 à 5 ans.
4. Les considérations théoriques, méthodologiques et expérimentales
du développement de la conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle
Nous constatons, à travers les écrits consultés, trois principales
considérations théorique, expérimentale et méthodologique. Première
considération, les auteurs consultés posent l'hypothèse que le
développement de la conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle âgé de 0
à 5 ans se déroule de la même façon que chez l’enfant voyant. En effet,
l’étude du développement de la conscience de l’écrit chez l’enfant
aveugle repose sur l’hypothèse, largement acceptée mais non vérifiée par
les auteurs consultés, que l’apprentissage de la conscience de l’écrit
est le même chez l’enfant non voyant que chez l’enfant voyant. Selon
Ferrel (1996), la déficience visuelle
n’influencerait pas ce qu’un enfant est capable d’apprendre mais plutôt
comment il apprend. Lewi-Dumont (1997) rapporte, quant à elle dans sa
thèse, une étude de Portalier (1986) qui arrive à la même
conclusion : l’enfant aveugle n’a pas un développement particulier mais
des particularités de développement. La principale distinction entre
l’enfant aveugle et l’enfant voyant dans le développement de la
conscience de l’écrit repose, selon les auteurs consultés, sur
l’utilisation du toucher qui permet la découverte de l’univers de
l’écrit chez l’enfant aveugle. Par conséquent, tout comme le souligne
Chelin (1999), les programmes d’éveil à la lecture et au livre mis en
place pour les enfants voyants sont aussi valables pour les enfants
aveugles, bien qu’une adaptation soit requise pour tenir compte de la
spécificité de leur problématique. À travers sa recension des écrits,
Stratton (1996) fait aussi ressortir l’idée que
le développement de la conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle
correspond à celui de l’enfant voyant. Selon elle, la cécité engendre
toutefois, des conditions particulières en ce qui a trait au
développement d’habiletés tactiles et langagières dans le processus
d’émergence de la littératie.
Deuxième considération, à travers les écrits consultés, il semble
exister un manque important d’expérimentation et de validation
empirique. De façon générale, nous pouvons constater à travers les
écrits consultés que très peu d’études de nature expérimentale ont été
faites sur le développement de la conscience de l’écrit chez l’enfant
aveugle. Toutefois, certains auteurs nous informent de quatre
constatations entourant la conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle.
Premièrement, une étude canadienne (Rogow, 1987)
faite auprès de 148 jeunes âgés de 3 à 19 ans ayant, soit une déficience
visuelle totale, soit une déficience visuelle sévère ou une déficience
visuelle sévère associée à d'autres déficiences démontre qu'il existe
une relation significative entre la manipulation des objets et le
langage. Rogow constate que l'importance de
mouvements organisés et d'une bonne dextérité de la main dans le
développement de l'enfant aveugle ou ayant une déficience visuelle
repose sur le fait que la main est le substitut de l'œil dans le mode de
contact et d'interaction de cet enfant avec son environnement. La main
et les doigts d'une personne aveugle permettent la préhension, la
manipulation et le toucher assurant ainsi la collecte des informations
dans son environnement. Deuxièmement, Crespo
(1990) constate que dans beaucoup de familles, les parents ne font pas
la lecture à leur enfant aveugle parce qu’ils pensent que leur enfant,
ne pouvant pas voir les images, ne comprendra pas l’histoire et que les
concepts visuels contenus dans ces histoires peuvent perturber et créer
la confusion chez l’enfant. Troisièmement, Craig
(1996) s’est penché sur le soutien familial dans le contexte de la
littératie émergente chez les enfants ayant une déficience visuelle.
L'auteur constate que les enfants déficients visuels dont les parents
prévoient qu’ils seront des lecteurs de textes imprimés ont un
environnement plus riche en livres et en histoires que ceux dont les
parents prévoient qu’ils liront en braille. Ainsi, 72 % des enfants du
premier groupe disposent de crayons et de peinture et pratiquent des
gribouillages, alors que 27 % des futurs lecteurs en braille ont une
tablette et un poinçon. Finalement, l’étude de Comtois (1997) a évalué
les effets d’un programme de communication écrite sur la conscience de
l’écrit chez six enfants âgés de trois à six ans ayant une déficience
visuelle et constate que ces derniers avaient acquis certaines notions
quant à l'utilisation des livres et aux fonctions de la lecture.
Cependant, ces jeunes ne semblaient pas avoir de connaissances en ce qui
concerne le concept de l'écrit vers l'écriture et de sa correspondance
orale/écrite.
Troisième considération, les auteurs consultés ne semblent pas
distinguer clairement dans leurs écrits le type d’enfants auquel ils se
réfèrent. Ainsi, il est souvent difficile de faire la distinction entre
les enfants aveugles, les enfants ayant un résidu de vision fonctionnel
et les enfants aveugles présentant des troubles associés. En effet, dans
sa recension des écrits, Stratton (1996) met
aussi en évidence la nécessité d’expérimenter de quelle façon l’enfant
aveugle développe la conscience de l’écrit. Cette auteure souligne
l’importance d’effectuer des recherches permettant 1) d’identifier la
relation entre la lecture à haute voix et le développement de la
conscience de l’écrit, 2) de déterminer comment le concept de symbole se
développe chez l’enfant aveugle et 3) d’identifier les éléments de
l’environnement qui sont directement reliés à la littératie émergente.
Selon l’auteure, un accroissement du nombre de recherches dans ce
domaine permettrait d’établir une meilleure distinction entre le
développement de la conscience de l’écrit et le développement général de
l’enfant aveugle.
D’autre part, notre recension des écrits permet également de
constater qu’aucune séquence clairement définie et empiriquement validée
n’est présentée en ce qui a trait au développement de la conscience de
l’écrit chez l’enfant aveugle âgé de 0 à 5 ans. Stratton
et Wright (1991) qui présentent le développement
de la conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle en fonction de l’âge
et des habiletés, soulignent que cette séquence demeure strictement
utilitaire. En fait, la plupart des auteurs consultés ont tendance à
présenter un ensemble d’actions favorisant l’émergence de la littératie
sans qu’une organisation claire puisse être observée. Lorsque des
variables comme l’âge ou l’acquisition de certaines habiletés préalables
sont abordées, ce n’est malheureusement pas de façon systématique et
l’on observe de nombreux recoupements. Par conséquent, nous pensons que
l’accroissement du nombre de recherches concernant la conscience de
l’écrit chez l’enfant aveugle permettrait de mieux définir son
développement.
Lewi-Dumont (1997) constate qu'il y a actuellement beaucoup moins de
nouveau-nés aveugles qu’il y a trente ans. De plus, ces enfants aveugles
de naissance sont souvent porteurs d’autres déficiences. Par conséquent,
nous pensons, tout comme Lewi-Dumont, qu’un tel contexte démographique
exige la mise sur pied de recherches afin de déterminer si le
développement de la conscience de l’écrit est affecté par la présence de
troubles associés à une déficience visuelle. Selon Lewi-Dumont, on doit
tenir compte de cet aspect car les observations provenant d’études
comparatives entre les enfants voyants et les enfants déficients
visuellement ne pourront pas être imputées à la déficience visuelle
seulement. Ainsi, selon l’auteure, il n’est pas possible de déterminer
si les différences observées dans les études qui comparent le
développement de la conscience de l’écrit chez les enfants voyants et
les enfants aveugles sont la conséquence unique de la déficience
visuelle alors que la présence de troubles associés n’est pas une
variable d'abord contrôlée (p. ex., la
présence de déficience intellectuelle, d’une malformation congénitale,
etc.).
5. Comment se développe la conscience de l’écrit chez l’enfant
aveugle et à quel moment?
La majorité des auteurs consultés s’entendent pour dire que le
développement de la conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle débute
dès la naissance et est étroitement lié à son développement général. Il
s’agirait, selon Stratton et Wright (1991), d’un processus graduel au cours duquel une série
d’événements engendre des changements menant à un résultat final
particulier : la conscience de l’écrit.
Selon la recension des écrits, la prise de conscience de l’écrit chez
l’enfant se développe d'abord à partir des interactions précoces non
verbales et verbales avec les membres de sa famille (Stratton,
1996). Ensuite, elle se développe grâce à la conscientisation de ses
explorations dans son environnement, au développement d’un langage
intentionnel, à l’élargissement de ses expériences et à sa compréhension
des concepts et à sa compréhension progressive des fonctions des
symboles et du langage (Clay, 1991;
Neuman et Roskos, 1993).
Finalement, de son expérimentation des livres (Clay,
1991; Teale et Sulzby,
1989) et de l’écriture (Gibson, 1989;
Harste, Short et
Burke, 1988).
Dans le même ordre d’idées,
Drezek (1999a, b)
mentionne que le développement de la littératie émergente comprend 1)
l’établissement d’une base expérientielle à la signification, 2) la
découverte de l’utilité de communiquer à l’aide de symboles et de
livres, puis 3) l’acquisition d’habiletés perceptuelles et motrices
nécessaires à la lecture et à l’écriture. L’auteur souligne également
que les enfants ayant une déficience visuelle peuvent rencontrer des
difficultés à développer les habiletés de littératie. Ces difficultés
peuvent être liées à la communication (Anderson,
Dunlea et Kekelis, 1993),
à la cognition (Recchia, 1997), au jeu (Sacks,
Kekelis et Gaylord-Ross,
1992), à la représentation (Rettig, 1994) et aux
mouvements physiques (Strickling, 1997).
Bref, le développement de la conscience de l’écrit chez l’enfant
aveugle débute dès la naissance et nécessite le développement
d’habiletés cognitives, tactiles, motrices et langagières (Wormsley,
1997). Les trois prochaines sections de notre recension abordent le
développement de ces habiletés spécifiques.
5.1. Le développement du langage chez l’enfant aveugle
Selon Lowenfeld (1969), le développement du
langage est l’un des principaux facteurs pouvant influencer
l’apprentissage de la lecture chez l’enfant aveugle et sa scolarisation.
Le développement adéquat et significatif du langage chez l’enfant
aveugle est important, car tout comme le mentionne Miller (1985), les enfants aveugles apprennent à lire de la même
façon qu’ils apprennent à parler et à écouter. Or, cet apprentissage du
langage débute avec les premières interactions du nouveau-né avec ses
parents. Cependant, parce que la cécité perturbe sensiblement les
interactions sociales du nouveau-né avec son entourage (Hatwell, 2003),
les parents doivent être en mesure de décoder les messages de l’enfant,
lui parler, le toucher et favoriser le développement de son vocabulaire
(Stratton, & Wright, 1991). Si les parents
n’arrivent pas à décoder les messages non visuels envoyés par leur bébé
aveugle ou s’ils n’arrivent pas à établir de liens avec lui, ce dernier
risque d’être très inhibé sur le plan de la communication (Lewi-Dumont,
1997). Dans de telles conditions, Lewi-Dumont considère que l’enfant
aveugle ne peut pas acquérir la volonté de vouloir communiquer. Or,
cette volonté constituerait, selon cette auteure, un préalable à
l’entrée dans l’univers de l’écrit.
Outre l’acquisition de ce préalable (la volonté de vouloir
communiquer), le langage occupe une place importante dans le
développement de la conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle parce
qu’il permet de nommer, d’identifier, d’informer, de définir des rôles
et des utilités, de faire des liens entre les personnes, les objets, les
lieux et les relations spatiales, de développer un vocabulaire riche,
précis et varié (Chelin, 1999). Selon Castellano
(2000) et Stratton (1977), le langage constitue
l’un des deux principaux modes d’apprentissage de l’enfant aveugle. Les
connaissances acquises par l’enfant aveugle sur le monde environnant
sont largement médiatisées par le langage. Ainsi, pour pouvoir raisonner
sur l’écrit, les enfants aveugles sont dépendants des représentations
qu’en a leur entourage et de ce qu’on veut bien leur transmettre
(Lewi-Dumont, 1997).
Dans un tel contexte, nous pouvons conclure que le langage est une
caractéristique importante liée au contexte des expériences de
littératie (Light et Smith,
1993). Le langage se développe grâce aux expériences de vie et aux
interactions de l’enfant aveugle avec ses parents (Stratton,
1996). Le langage constitue donc une condition particulière au
développement de la conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle (Stratton,
1996).
5.2. Le développement des habiletés tactiles et motrices chez
l’enfant aveugle
Stratton (1996) mentionne que le développement
d’habiletés tactiles est une condition particulière à l’émergence de la
littératie chez l’enfant aveugle. En effet, c’est par ses mains que
l’enfant aveugle peut prendre connaissance de son environnement et
développer des concepts. Perception et discrimination tactiles,
motricité fine, coordination générale, conscience de l’image corporelle,
légèreté du toucher, dextérité et coordination des mains et des doigts
constituent des habiletés préalables à l’apprentissage de la lecture
tactile (Wohl et Eshet,
1985; Olson, 1976 ). Ryles
(1994) rapporte qu’il est important que l’enfant aveugle fasse des
exercices et des activités favorisant le développement musculaire
(c'est-à-dire la force) de ses bras, de ses mains et de ses doigts.
Willoughby (1991) suggère de travailler le plus
tôt possible la discrimination tactile chez un enfant aveugle.
Comme il a été mentionné précédemment, le toucher constitue avec le
langage les principaux modes d’apprentissage de l’enfant aveugle (Stratton,
1977). Ainsi, tout comme le souligne Lewi-Dumont (1997), les mains sont
un outil de connaissance essentiel lorsqu’une personne est aveugle.
L’auteure considère que l’enfant aveugle se sert de ses mains non
seulement pour prendre, tenir et donner des objets mais également pour
percevoir leur poids, leur forme et leur texture.
Selon Stratton et
Wright
(1991), c’est grâce à l’exploration que l’enfant aveugle acquiert une
utilisation efficace de ses mains. Lewi-Dumont (1997) souligne quant à
elle que l’enfant aveugle appréhende l’espace à partir d’informations
auditives et tactilo-kinesthésiques fugitives et analytiques qui
n’offrent pas la stabilité des informations visuelles. L’enfant aveugle
explore donc son environnement de façon fractionnée par l'entremise de
ses mains et c’est en communiquant qu’il pourra tenter d’assembler ces
différentes informations. Selon l’auteure, si l’enfant aveugle n’a pas
eu suffisamment d’occasions de manipuler des objets et de les décrire à
l’aide de ses parents, il aura de la difficulté à reconnaître les
objets, à se représenter mentalement les images tactiles et
éventuellement à reconnaître les lettres braille contenues dans les
livres. Lewi-Dumont croit donc que le développement des habiletés
tactiles et motrices tout comme le développement du langage constituent
une condition essentielle au développement de la conscience de l’écrit
chez l’enfant aveugle.
5.3. Le développement cognitif chez l’enfant aveugle
Puisque la prise de conscience de l’écrit semble se traduire par
l’acquisition des concepts de lecture et d’écriture chez l’enfant, le
développement cognitif constitue donc un aspect implicite à ce
processus. Pour certains auteurs, il semble qu’un ensemble de concepts
doit préalablement avoir été développé par l’enfant aveugle avant que
celui-ci puisse comprendre ce que représentent la lecture et l’écriture.
Ainsi, pour Ferrell (1996), il s’agit des
concepts de permanence de l’objet, de classification et de relation de
cause à effet. Pour Wormsley (1997), il s’agit
des concepts d’objet, d’action, d’espace tridimensionnel et de relation
de cause à effet. Troughton (1992), tout comme
les auteurs précédents, croit aussi que l’enfant aveugle doit bien
comprendre le concept d’une relation de cause à effet puisqu’il n’a pas
la possibilité d’observer visuellement ces relations. Finalement, le
dernier concept considéré par les auteurs consultés comme un préalable à
la prise de conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle est celui de
symbole. En effet, pour Stratton (1996),
l’acquisition du concept de symbole constitue l’une des composantes de
la littératie émergente. Selon l’auteure, l’enfant doit comprendre qu’un
symbole est quelque chose qui représente une autre chose.
De l’avis de plusieurs auteurs (Ferrell, 1996;
Hartley et al., 1987, 1992;
Lowenfeld, 1948; Carrillon, 2002), le développement des capacités
cognitives de l’enfant aveugle est lié à la qualité et à la quantité des
expériences vécues. La cécité n’entraîne pas, selon Hatwell (1988), une
organisation mentale spécifique, elle n’occasionne pas un développement
cognitif différent de celui des voyants, mais nécessite indubitablement
une intervention particulière afin de pallier les principales
limitations découlant de la cécité. En effet, les enfants aveugles
voient leur capacité de déplacement, leur contrôle sur eux-mêmes et sur
leur environnement ainsi que la variété de leurs expériences réduits par
leur déficience visuelle (Lowenfeld, 1948). Dans
un tel contexte, l’ensemble des auteurs consultés sont d’avis que le
développement cognitif et, plus spécifiquement le développement de la
conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle, nécessite la prise en
charge de ce dernier afin de lui faire vivre des expériences de qualité.
Ces expériences encourageront notamment le développement d’images
mentales précises, puis le développement de capacités cognitives
importantes à l’acquisition de la langue écrite (p.
ex., l’organisation dans le temps, l’attention et la mémoire)
(Lewi-Dumont, 1999).
6. Les aspects de l’intervention favorisant le développement de la
conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle
Dans ce chapitre, nous aborderons le rôle des personnes
significatives qui sont proches de l'enfant aveugle et qui peuvent
influencer le développement de la conscience de l'écrit. Par ailleurs,
nous nous attarderons aux actions à faire pour favoriser l'exposition
« naturelle » de l'enfant aveugle à l'écrit et aux moyens pour favoriser
l'accessibilité au matériel et aux outils de littératie pour l'enfant
aveugle.
6.1. Le rôle des parents, de la famille, des intervenants et des
éducateurs
Comme le soulignent
Koenig et Holbrook (2002), les parents, les membres de la famille ainsi que
les intervenants jouent un rôle prépondérant dans le développement de la
conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle. La quantité et la qualité
de leurs interventions formelles sont directement liées à l’ampleur de
la déficience visuelle sur le développement de l’enfant aveugle (Ferrell,
2000). Cet apprentissage ne peut pas être laissé au hasard. Les
activités de littératie doivent donc être planifiées et dirigées (Koenig
& Holbrook, 2000, 2002). Contrairement à l’enfant voyant,
l’enfant aveugle n’a pas la chance d’avoir un contact régulier,
accidentel ou non, avec l’écrit (Comtois, 1997; Lewi-Dumont, 1997). De
plus, l'enfant aveugle se rend compte que la majorité des personnes qui
l'entourent lisent autrement et en silence, puisqu'ils vivent dans un
monde de voyants (Lewi-Dumont, 1997). En effet, l'enfant aveugle n’a pas
l’occasion de constater que son environnement est rempli de ces formes
graphiques particulières que sont les lettres de l’alphabet. De plus, il
ne peut se familiariser avec la présence de l’écrit que s’il est mis
précocement en présence du braille par son entourage social (Miller,
1985). Les parents et les intervenants doivent donc s’assurer du contact
régulier et fréquent de l’enfant aveugle avec le braille et les symboles
tactiles, et ce, dès son plus jeune âge (Koenig &
Holbrook, 2002).
Le seul fait d’être mis en présence de l’écrit ne suffit pas à
prendre connaissance de son utilité. L’enfant aveugle n’a pas l’occasion
d’observer son entourage lire et écrire et il ne peut donc pas imiter
les gestes de la lecture (Hatwell, 2003). Les fonctions de l’écrit ne
sont pas acquises comme chez l’enfant voyant par un processus
d’observation et d’imitation (Comtois, 1997; Lewi-Dumont, 1997). Pour
l’enfant aveugle, les moments de lecture et d’écriture de son entourage
se traduisent par des instants de silence si on ne verbalise pas ces
actes ou si sa participation n’est pas sollicitée. Il importe donc que
l’entourage explique ou décrive à l’enfant aveugle leurs comportements
de lecture et d’écriture afin que ce dernier puisse prendre conscience
que l'entourage entretient une relation constante avec l’écrit (Comtois,
1997; Lewi-Dumont, 1997).
De même, l’enfant aveugle doit pouvoir créer des associations entre
des symboles abstraits (p. ex., la
lettre « C » en braille sur la boîte de céréales) et des événements
significatifs (p. ex., manger des
céréales pour déjeuner). Pour ce faire, les parents doivent, selon
Koenig et Holbrook (2000),
être encouragés à impliquer leur enfant dans des activités quotidiennes
où les habiletés de la littératie émergente sont directement sollicitées
(p. ex., lire et trier le courrier avec
l’enfant). À travers toutes ces activités, Lewi-Dumont (1997) souligne
l’importance de faire comprendre à l’enfant aveugle ce que la lecture et
l’écriture peuvent lui apporter de profitable et d’agréable.
Plusieurs auteurs sont d’avis que l’attitude de l’entourage quant au
développement général et à la prise de conscience de l’écrit chez
l’enfant aveugle demeure un aspect à ne pas négliger. En effet, il n’est
pas rare de constater que l’on renvoie à l’enfant aveugle le message
qu’il ne doit pas s’attendre à développer le même niveau d’habileté de
littératie que ses pairs voyants (Koenig & Holbrook,
2002). Selon Craig (1996), la famille et les
intervenants ont souvent tendance à diminuer leurs attentes et à offrir
à l’enfant aveugle moins de soutien en ce qui a trait à l’éveil de la
littératie. Par ailleurs, ils ont aussi tendance à vouloir tout faire à
sa place alors qu’il est important de laisser l’enfant explorer son
environnement (Drezek, 1999b).
L’entourage social de l’enfant aveugle doit donc prêter une attention
particulière à ses propres attitudes et perceptions à l’égard des
capacités de littératie de cet enfant (Koenig & Holbrook,
2002). La présence d’adultes valorisant la lecture et l’écriture ainsi
que la reconnaissance des efforts de littératie de l’enfant aveugle
constituent des composantes importantes d’un environnement social
propice à l’émergence de la littératie (Stratton,
1996; Drezek, 1999b). Selon Hatwell (2003), comme
l'apprentissage de la lecture nécessite au préalable une bonne
connaissance du langage oral, il est important de développer les
connaissances en vocabulaire et en syntaxe de l'enfant aveugle. Il est
donc recommandé, selon elle, de ne pas seulement parler à l'enfant dans
les activités de la vie quotidienne, mais aussi de lui lire des récits
car ceux-ci ont une syntaxe et un vocabulaire ainsi qu'une puissance
évocatrice bien plus riches que les mots banals de tous les jours. De
plus, le parent doit partager avec son enfant aveugle son enthousiasme
pour la lecture et les livres (Castellano, 2000).
Il doit aussi démontrer son intérêt pour ce qui sera le mode de
communication de son enfant : le braille. Il ne faut pas oublier que le
braille reste le principal moyen par lequel les personnes qui ne peuvent
lire les textes imprimés deviennent alphabètes dans le vrai sens du
terme (Lorimer, 1990).
Selon Lewi-Dumont (1997), beaucoup de parents n’apprennent pas le
braille et ne peuvent donc pas communiquer par écrit avec leur enfant.
Or, si les gens qui côtoient l’enfant aveugle n’utilisent ni ne
valorisent le braille comme outil de communication, l'enfant ne sera pas
en mesure d’en percevoir l’utilité et pourra même, consciemment ou non,
le refuser (Lewi-Dumont, 1997). Par conséquent, plusieurs auteurs sont
d’avis que les éducateurs, les parents et les autres membres de la
famille devraient apprendre à lire et à écrire le braille intégral (Castellano,
2000; Koenig & Holbrook, 2000, 2002; Lewi-Dumont,
1997; Miller, 1985; Swenson,
2003; Troughton, 1992) ou, à tout le moins être
en mesure de le reconnaître visuellement afin de favoriser l’intérêt de
l’enfant aveugle pour cet outil de communication (Miller,
1985).
Hatwell (2003) mentionne que les préalables à la lecture et à la
prélecture en braille sont analogues à ceux pratiqués pour la lecture de
l’imprimé, avec évidemment des adaptations spécifiques. Étant donné la
faible activité manuelle des jeunes aveugles et les difficultés motrices
qu'ils manifestent, les exercices préalables à la lecture et à
l'écriture portent sur les capacités d'exploration manuelle de la
feuille, le suivi de lignes horizontales et verticales, la
familiarisation avec les lettres, l'utilisation d'un toucher léger avec
les doigts décontractés, la mobilisation des deux mains, l'apprentissage
du retour à la ligne par balayage, etc.
Les parents ainsi que les intervenants doivent donc être conscients
des croyances et des valeurs qu’ils transmettent à l’enfant aveugle en
ce qui a trait à l’importance de la littératie. C’est pourquoi, selon
Light et Smith (1993), il
ne faut pas négliger le contexte culturel (c'est-à-dire l’ensemble des
valeurs et croyances transmises à l’enfant) lors des activités de
littératie.
Bref, l’entourage joue un rôle déterminant dans le développement de
la conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle. Dès la naissance, les
parents, les membres de la famille ainsi que les intervenants doivent
aider l’enfant aveugle à développer les habiletés motrices, tactiles,
cognitives et langagières préalables à l’apprentissage de la lecture et
de l’écriture (Stratton & Wright, 1991). Par
conséquent, leur rôle consiste à faciliter et à étendre l’apprentissage
de l’écrit chez l’enfant aveugle (Stratton,
1996). Pour ce faire, McComiskey (1996) a élaboré
une grille à l’intention des parents et des intervenants afin de les
aider à planifier les activités favorisant le développement des
habiletés préalables à l’apprentissage de la lecture en braille. Cette
grille identifie différents aspects qui doivent être intégrés aux
activités quotidiennes afin d’assurer le développement des habiletés
tactiles, de la motricité fine, de l’écoute, de l’attention et de la
formation de concepts. Il faut aussi s’assurer que l’enfant aveugle se
familiarise avec les livres et la lecture.
6.2. L’exposition « naturelle » de l’enfant aveugle à l’écrit
À travers les écrits consultés, plusieurs stratégies ont été
proposées afin de rendre l’environnement de l’enfant aveugle propice au
développement de la conscience de l’écrit. Ces stratégies visent d’une
part à favoriser l’exposition « naturelle » de l’enfant aveugle à
l’écrit et, d’autre part, à permettre l’accessibilité de l’enfant
aveugle au matériel et aux outils de littératie.
Tout comme l’enfant voyant qui est constamment sollicité de façon
accidentelle par l’écrit, l’enfant aveugle doit pouvoir jouir de la même
sollicitation lors de son exploration tactile. Certains auteurs
(Carrillon, 2002; Drezek, 1999b) rapportent qu’on
doit codifier l’environnement tactile de l’enfant aveugle tout comme
peut l’être l’environnement visuel de l’enfant voyant. La maison doit
être pleine de mots à lire, de symboles à décoder (Chelin, 1999). Pour
ce faire, on peut étiqueter en braille ou avec des symboles les lieux
(la chambre de l'enfant, la salle de jeu, etc.) ou les objets présents
dans l’environnement de l’enfant. Ces étiquettes doivent être placées de
façon à rendre la lecture tactile facile et les symboles doivent être
clairs et constants (Koenig & Holbrook, 2002). Ce
contact fréquent et régulier de l’enfant aveugle avec le braille et les
symboles tactiles favorise l’attribution d’une grande valeur et d’un
grand respect pour la littératie (Koenig & Holbrook,
2002). Il est à noter que l’exposition de l’enfant aveugle au braille et
aux symboles tactiles doit se faire, non seulement de façon naturelle et
quotidienne, mais sans contrainte (Carrillon, 2002).
Il est préférable de laisser l’enfant aveugle explorer son
environnement de façon autonome si c’est possible (Castellano,
2000). Il ne faut pas le forcer (prendre sa main et passer son doigt sur
l’étiquette braille). L'enfant doit être consentant et il faut respecter
son rythme. Toutefois, il est recommandé de rendre l’utilisation du
braille et des symboles tactiles évidents à l’enfant (Koenig
& Holbrook, 2000; Lewi-Dumont, 1997). L’enfant aveugle doit
comprendre que cette codification de son environnement a de multiples
fonctions utilitaires. La simple exposition quotidienne de l’enfant
aveugle à des symboles tactiles n’est pas une condition suffisante à son
apprentissage comme le mentionne une publication du Blind Children’s Fund (1988). En effet, il faut accompagner
l’enfant dans son exploration en lui décrivant l’utilisation de l’écrit.
6.3. L’accessibilité de l’enfant aveugle au matériel et aux outils
de littératie
Il est important qu’une ambiance de lecture imprègne toute la maison
et que l’enfant aveugle puisse avoir facilement accès à du matériel et à
des outils de littératie (Chelin, 1999; Drezek,
1999b; Koenig & Holbrook, 2000, 2002;
Lewi-Dumont, 1997; Miller, 1985; Stratton, 1996;
Swenson, 2003). Il semble
même que l’aménagement d’un espace réservé à la littératie dans la
maison soit recommandé (Koenig & Holbrook, 2002;
Miller, 1985). Cet espace peut servir non
seulement de point de repère pour l’enfant aveugle dans la maison, mais
pourrait lui montrer également l’importance qui est accordée à la
lecture et aux livres (littératie). Il s’agit d’un endroit familier où
l’enfant a accès à une variété de livres imprimés/braille ainsi qu’à des
outils appropriés pour l’écriture à la maison (machine à écrire le
braille, poinçon et tablette, crayons tactiles, crayons de cire,
tablette à tracer, roulette à tracer, etc.). Quant aux livres, plusieurs
auteurs suggèrent de les adapter à la réalité perceptuelle de l’enfant
aveugle. Un indice tactile ou un objet peut être ajouté sur la
couverture afin de favoriser la reconnaissance tactile du livre par
l’enfant. Les images du livre peuvent aussi être modifiées et on peut
ajouter aux livres ce que Miller (1985) appelle
des « sacs à lire « (book bags), c’est-à-dire un
sac contenant des objets qui ont un lien direct avec l’histoire.
Comme nous pouvons le remarquer, différentes stratégies sont
proposées par les auteurs consultés afin de rendre l’environnement de
l’enfant aveugle propice au développement de la conscience de l’écrit.
Il s’agit de renforcer le rôle des parents quant à l’exposition
« naturelle » de l’enfant aveugle à l’écrit et d’assurer son
accessibilité aux livres et au matériel d’écriture. Toutefois, selon
Stratton (1996), des études devraient être faites
afin que l’on puisse identifier plus précisément les éléments de
l’environnement qui sont directement reliés à l'émergence de la
littératie pour l'enfant aveugle.
7. Les activités favorisant l’émergence de la littératie chez
l’enfant aveugle
Dans ce chapitre, nous allons décrire les différentes activités qui
peuvent être mises en place pour favoriser l'émergence de la littératie
chez l'enfant aveugle. En effet, les expériences de vie de l'enfant
aveugle, la lecture à haute voix, le contenu des lectures, la manière de
faire la lecture à haute voix, la manipulation de livres et de matériel
d'écriture, les activités de lecture et les activités d'écriture seront
abordés afin de bonifier et d'enrichir les activités reliées à
l'émergence de la littératie chez l'enfant aveugle.
7.1. Utiliser les expériences de vie de l'enfant aveugle
Plusieurs des auteurs consultés mentionnent, tout comme le rapportent
Stratton et Wright (1991),
que les expériences de vie jouent un rôle important tout au long du
processus menant à la prise de conscience de l’écrit chez l’enfant
aveugle. Drezek (1999b) mentionne que les
expériences de vie constituent la source à partir de laquelle l’enfant
aveugle peut développer sa motivation pour la littératie. Selon
l’auteure, cette motivation réside dans l’intérêt et la curiosité de
l’enfant aveugle face au monde. À partir de son contact avec son
environnement physique et social et grâce à des activités quotidiennes,
non seulement l’enfant aveugle acquiert les capacités cognitives,
motrices, tactiles et langagières nécessaires au développement de la
conscience de l’écrit, mais il réalise également que des informations
utiles peuvent être acquises à travers la lecture des symboles.
Pour Castellano (2000), les expériences de vie
permettent à l’enfant aveugle de s’approprier son environnement. Ces
expériences deviennent pour lui des images qui lui permettent de
comprendre le monde. En touchant et en examinant une multitude de
choses, l’auteure considère que l’enfant aveugle arrive à développer son
vocabulaire lui permettant de se représenter les gens, les objets, les
actions, les sentiments, les odeurs, les textures et les sensations. Il
devient alors apte à faire des liens entre les mots et les activités. Il
développe sa mémoire, son imagination et une multitude de concepts
utiles au développement du langage (Stratton & Wright,
1991) et plus particulièrement à la compréhension des histoires qui lui
seront lues. Toutefois, selon nous, il est important d'avoir la présence
d'un « médiateur » (un parent, un membre de la fratrie, un éducateur,
etc.) pour expliquer ce qui est touché. Sans explications, sans mots
pour nommer les expériences vécues, ces dernières demeurent fragiles,
magiques et sans liens avec la réalité des voyants.
En effet, plusieurs auteurs considèrent que l’enfant aveugle doit
vivre au préalable une variété d’expériences qui lui permettront de
donner du sens aux expériences de lecture et d’écriture (Chelin, 1999;
Comtois, 1997; Koenig, 1992; Koenig, & Farrenkopf, 1997;
Koenig & Holbrook,
2000, 2002; Lewi-Dumont, 1997; Swenson, 1988;
Wormsley, 1997). Selon
Hall
et Rodabaugh (1979), une lecture est
significative si l’enfant est en mesure de faire le lien entre
l'histoire qui lui est lue et ce qu'il a vécu. Ces auteurs croient que
sans expérience directe, l’enfant aveugle peut arriver à lire ou à
écrire des mots correctement, mais sans arriver à vraiment comprendre ce
qu’il lit ou écrit. Il est donc nécessaire, comme le soulignent
Koenig et Holbrook (2002),
de fournir à l’enfant aveugle l’occasion de lier ses expériences passées
significatives et ses activités de littératie. Selon ces auteurs, en
vivant des expériences de qualité, l’enfant aveugle enrichit son
vocabulaire puis sa compréhension et son utilisation du langage : deux
éléments importants afin d’accroître la capacité de l’enfant à donner du
sens aux événements de lecture et d’écriture (Koenig &
Holbrook, 2002). Pour Comtois (1997), il importe que ces
expériences soient concrètes et permettent à l’enfant aveugle
d’expérimenter ce que l’enfant voyant a la chance de pouvoir observer.
Tous les sens disponibles de l’enfant doivent, autant que faire se
peut, être sollicités lors des activités (Chelin, 1999; Koenig & Holbrook, 2000, 2002). Il doit pouvoir toucher, sentir,
goûter et entendre une foule de choses. L’accent n’étant pas mis sur la
quantité, il importe davantage que ces expériences soient de qualité,
riches, directes, significatives et complètes (Chelin, 1999;
Koenig, & Farrenkopf, 1997;
Koenig & Holbrook, 2000, 2002;
Wormsley,
1997). Selon ces auteurs, l’enfant aveugle doit être en mesure
d’apporter un sens d’intégralité à ses expériences plutôt qu’en avoir
des impressions fragmentées. Il faut s’assurer que les informations
auditives, tactiles, gustatives et olfactives d’une même expérience sont
comprises par l’enfant aveugle comme formant un tout et non comme étant
une série de sensations disparates. De même, si l’expérience inclut
plusieurs étapes (p. ex., laver l’auto,
faire à manger ou faire l’épicerie), on doit s’assurer que l’enfant
aveugle participe à tout le processus et qu'on le lui explique (Comtois,
1997; Koenig & Holbrook, 2000).
Comme nous pouvons le constater, l’accompagnement de l’enfant aveugle
dans son expérimentation demeure primordial (Comtois, 1997;
Koenig, & Farrenkopf, 1997;
Koenig & Holbrook, 2002). Il ne faut pas laisser l’enfant aveugle
seul dans son exploration. Il faut en effet éviter que ce dernier en
arrive à des conclusions erronées sur son environnement, ce qui pourrait
nuire à ses apprentissages subséquents (Comtois, 1997). D’un autre côté,
il n’est pas recommandé, selon Drezek (1999b), de
tout faire à la place de l’enfant aveugle. Il faut s’assurer que
l’enfant aveugle est un acteur réel qui utilise tous ses sens dans
l’exploration de son environnement (Koenig & Holbrook,
2002).
En résumé, toutes les expériences de l’enfant aveugle avec son
environnement contribuent de près ou de loin à mettre en place les
conditions préalables à la prise de conscience de l’écrit. À travers ses
activités, l’enfant aveugle développe des habiletés cognitives,
motrices, tactiles et langagières. Il associe des idées à des
sensations, développe un ensemble de concepts, son vocabulaire
s’enrichit puis sa compréhension du monde s’accroît pour lui permettre
de donner un sens aux activités de littératie. Il importe donc d’offrir
à l’enfant aveugle, dès son plus jeune âge, un éventail d’expériences de
qualité et variées qui constitueront un bassin de connaissances et
d’habiletés destinées à donner un sens à ses expériences de lecture et
d’écriture.
7.2. Stimuler l’enfant aveugle par la lecture à haute voix
La lecture à haute voix constitue, selon les écrits consultés, une
importante composante favorisant le développement de la conscience de
l’écrit chez l’enfant aveugle (Castellano, 2000;
Chelin, 1999; Comtois, 1997; Koenig, & Farrenkopf,
1997; Koenig, & Holbrook, 2000, 2002;
Lewi-Dumont, 1997; McGregor, & Farrenkopf, 2002;
Miller, 1985; Stone, 1988;
Stratton, 1996; Stratton, &
Wright, 1991; Swenson, 1988, 2003;
Troughton, 1992; Wormsley,
1997). La plupart des auteurs consultés s’entendent pour dire que la
lecture à haute voix est fortement recommandée et doit débuter le plus
tôt possible, voire dès la naissance afin de stimuler l’enfant aveugle
et même les enfants voyants. Même en très bas âge, l’enfant peut porter
attention et apprécier les différents tons de la voix du parent qui lui
lit une histoire (Castellano, 2000).
Selon Castellano, la lecture à haute voix
permet à l’enfant de découvrir les sons, la structure d’une phrase, les
mots, le débit, les rimes et le rythme. En bas âge, la lecture à haute
voix favorise le développement des habiletés langagières nécessaires au
développement de la conscience de l’écrit (Castellano,
2000). Lorsque l’enfant grandit et prend davantage conscience de cette
activité, la lecture à haute voix permet, selon Stratton
(1996), de découvrir que les livres sont intéressants, de prendre
conscience que des symboles ont un sens, de comprendre que l’histoire
provient de l’écrit, de prendre conscience que la communication à partir
d’un livre est différente de la communication verbale, puis finalement
de favoriser le développement d’un goût pour la lecture (Anderson
et al., 1985; Clay, 1991; Gibson,
1989; Neuman et Roskos,
1993; Teale, et Sulzby,
1989).
Toutefois, mentionnons qu’aucune étude n’a encore montré l’existence
d’une relation entre la lecture à haute voix et les besoins
d’apprentissage particuliers de l’enfant aveugle. Selon Stratton (1996), des études devraient être faites pour mieux
connaître l’efficacité des stratégies de lecture à haute voix qui
soutiennent le développement de la littératie émergente. Par ailleurs,
les attitudes du lecteur voyant qui favorisent la compréhension chez
l’enfant aveugle de certains concepts reliés à l’écrit ne sont pas
encore définies et validées (Comtois, 1997). Selon Stratton (1996), les chercheurs se basent pour l’instant sur
leurs propres observations et sur celles des parents et éducateurs.
Néanmoins, malgré le manque de données scientifiques actuellement
disponibles sur la lecture à haute voix pour l’enfant aveugle,
Stratton (1996) souligne qu’il est raisonnable de
croire que ce dernier peut profiter tout comme l’enfant voyant de la
lecture à haute voix. Voici donc les principales recommandations des
auteurs au sujet de la lecture à haute voix pour l’enfant aveugle. Les
écrits consultés permettent d’identifier deux types de recommandations.
Les premières traitent plus spécifiquement du contenu des lectures alors
que les secondes traitent plutôt de la façon de faire la lecture à haute
voix.
7.3. Les recommandations des chercheurs quant au contenu des
lectures
Les livres ainsi que les stratégies de lecture doivent être adaptés à
la réalité de l’enfant aveugle (Miller, 1985;
Stratton, 1996; Stratton & Wright,
1991). Les histoires doivent être liées aux intérêts et aux expériences
de l’enfant. Selon Hall et Rodabaugh (1979), une lecture est significative seulement si
l’enfant aveugle est en mesure d’associer ce qu’il est en train de lire
à ce qu’il a déjà vécu. Par ailleurs, le choix des livres pour la
lecture à haute voix doit se faire à partir des expériences vécues par
l’enfant aveugle (Koenig & Holbrook, 2002). Il
est aussi fortement suggéré de créer des livres à partir des expériences
de vie de l’enfant aveugle (Koenig & Holbrook,
2000, 2002; Miller, 1985), ce qui permet de faire
vivre à l’enfant une activité suscitant des expériences
« multisensorielles ». L’enfant raconte une histoire à propos de cette
activité. Cette histoire est, dans un premier temps, écrite à l’aide
d’une machine à écrire le braille et, par la suite, elle est lue
régulièrement à l’enfant aveugle.
Dans leur article,
Koenig et Farrenkopf (1997) ont identifié plusieurs catégories
d’expériences essentielles pouvant aider l’enfant aveugle à donner un
sens aux histoires qui lui sont lues. Les auteurs suggèrent que l’enfant
aveugle soit mis en contact avec les éléments suivants : la nature, les
plantes, les insectes, les animaux, les émotions, le sens du bien-être,
les relations familiales, la communauté, la maison, les amis, la
nourriture, l’école, les livres, la température, les moyens de
transport, les arts, la ferme, le travail en équipe, la collaboration,
le partage, les différences entre les gens, l'action de poser et de
résoudre des problèmes, explorer, rechercher quelque chose, visiter et
voyager.
7.4. Les recommandations des chercheurs quant à la manière de faire
la lecture à haute voix
Selon Chelin (1999), la lecture à haute voix doit tout d’abord être
vivante, active et significative. Puis elle doit solliciter
l’imagination de l’enfant aveugle, éveiller sa curiosité et lui
permettre de rêver. Enfin, elle doit permettre d’instruire et d’informer
l’enfant aveugle en fonction de son âge.
Selon les écrits consultés, deux principales stratégies de lecture à
haute voix semblent exister. Premièrement, Castellano
(2000), McGregor et Farrenkopf
(2002), Miller (1985), Stratton
et Wright (1991) proposent aux parents la lecture
répétitive des livres préférés de leur enfant. Ces auteurs soulignent
l’importance d’encourager des comportements tels que laisser l’enfant
répéter des mots, lui donner la possibilité de terminer les phrases et
le laisser faire semblant de lire avec ses mains. Selon eux, de tels
comportements favorisent le développement d’habiletés liées à la
prédiction, à la mémorisation et à l’expression. De plus, ces
comportements semblent aussi être le signe que l’enfant aveugle désire
apprendre à lire et qu’il est en train de se construire ce que
Castellano appelle « l’estime du lecteur ».
Deuxièmement, la participation de l’enfant aveugle dans le processus
de la lecture à haute voix devrait être graduelle et devenir de plus en
plus importante à mesure qu'il progresse. Au départ, on demande
simplement à l’enfant aveugle de tourner les pages pour soutenir son
intérêt (Miller, 1985). Par la suite, lorsque
l’enfant arrive à se remémorer le sens de l’histoire, il peut terminer
les phrases ou faire semblant de lire en suivant avec les doigts une
partie du texte mémorisé. La lecture à haute voix devient alors ce que
Koenig et Holbrook (2000,
2002) appellent « la lecture partagée ». L’enfant s’engage de plus en
plus dans l’activité en terminant les phrases et en mentionnant les
lettres et les mots dont il reconnaît la configuration braille, et ce,
dans un environnement que les auteurs considèrent sans risque,
c’est-à-dire sans aucune pression ou jugement à l’égard de l’enfant
aveugle sur sa performance et sa participation.
7.5. Favoriser la manipulation par l’enfant aveugle de livres et de
matériel d’écriture
Il est important, comme nous avons pu le constater jusqu’à présent,
de mettre régulièrement l’enfant aveugle en contact avec du matériel de
littératie. Selon Koenig et Holbrook (2002), un juste équilibre entre les activités de
lecture et d’écriture aide l’enfant aveugle à établir un lien entre les
symboles abstraits formant des mots (c'est-à-dire l’écriture) et leur
signification (c'est-à-dire la lecture). Chez l’enfant aveugle,
l’établissement de ce lien passe nécessairement par la manipulation
tactile du matériel de littératie. Ainsi, différentes recommandations
sont présentées dans les différents écrits afin de s’assurer que
l’enfant aveugle peut prendre conscience par le toucher de l’acte de
lire et d’écrire. Par ailleurs, lorsque l'enfant participe à la création
de livres avec des images tactiles et du texte simple en braille, il
pratique des habiletés au niveau du langage, développe les concepts de
la littératie tout en éveillant son intérêt pour les livres (Swenson,
1988). Lors de la lecture à haute voix, l’enfant aveugle doit avoir la
possibilité d’explorer de façon tactile le livre. Ses mains doivent être
en contact direct avec la page ou avec les mains du lecteur (Koenig
& Holbrook, 2000). D’une part, il doit pouvoir tenir le livre,
tourner les pages, puis toucher les images tactiles et les caractères
braille comme il le désire (Chelin, 1999).
7.6. Les recommandations des chercheurs quant aux activités de
lecture
Stone (1988) rapporte que la lecture demande
de l'attention, de la concentration, de la motivation et de l'intérêt,
qui sont généralement engendrés par l'habileté des intervenants. Il
mentionne par ailleurs que, pour les individus voyants, le monde de la
lecture est un univers rempli de stimuli à travers les couleurs et les
illustrations des livres ou à travers tout autre matériel de lecture.
L’auteur précise qu’il existe pour les enseignants et les élèves une
variété d'approches possibles. Toutefois, pour les enseignants de
braille, la complexité du code braille et les difficultés engendrées par
la lecture tactile du braille peuvent affecter la motivation, l'intérêt,
l'attention et la concentration de l'enfant aveugle. Néanmoins, selon
l’auteur, il est du devoir des enseignants de maintenir et de susciter
l’engouement pour le braille comme étant un médium de lecture pour les
jeunes aveugles.
Les enfants aveugles ont besoin que les livres leur soient montrés et
qu’ils apprennent qu’ils sont constitués de pages qui se tournent, qu'il
y a un haut et un bas, une couverture et un dos, que les livres doivent
être manipulés avec soin, qu'ils ne doivent pas être déchirés ou pliés,
et qu'ils doivent être refermés et rangés après leur usage (Stone,
1988). D’autre part, il est recommandé que les mains de l’enfant soient
placées sur celles du lecteur au cours de la lecture (Castellano,
2000; Koenig & Holbrook, 2000, 2002;
Swenson, 2003; Troughton,
1992). En bougeant les mains de gauche à droite tout au long de la page,
l’enfant aveugle découvre que les « points » forment des lettres.
Selon Castellano, il s’agit d’une première
étape dans le développement de la littératie, car l’enfant assimile
l’idée que ces points formant le braille ont une signification. Pour
cette même raison, plusieurs auteurs suggèrent l’utilisation d’objets
réels accompagnant l’histoire lors de la lecture à haute voix (Chelin,
1999; Koenig & Holbrook, 2000;
Miller, 1985; Stratton & Wright, 1991;
Troughton, 1992). En effet, cela permet à
l’enfant aveugle de comprendre qu’il existe un lien entre les objets de
son environnement (p. ex., une
cuillère) et les symboles contenus dans le livre (p.
ex., les lettres braille formant le mot cuillère). Coupler les
objets réels et leurs formes symboliques (c'est-à-dire les caractères
braille) constitue une bonne façon d’amener l’enfant aveugle à prendre
conscience par le toucher de la correspondance existant entre les objets
et l’écrit (McGregor, & Farrenkopf, 2002).
Swallow,
Mangold et
Mangold (1978), Olson
(1981) et Mangold (1994) ont répertorié plusieurs
idées utiles pour les activités de lecture à un stade adéquat.
L'apprentissage de la lecture passe à travers le toucher et le
développement du langage. Avant l’introduction de toute forme de
lecture, l'enfant doit démontrer de l'intérêt pour les histoires, être
capable de les raconter et de les comprendre. Il doit aussi être capable
d'exprimer ses pensées et de démontrer un désir d'apprendre à lire.
Plusieurs concepts ont besoin d'être enseignés : haut, bas, dessus,
derrière, dessous, etc. et les habiletés d'écoute de l'enfant doivent
également être développées. Puisque le braille est lu de cellule en
cellule, il faut certainement que la compréhension phonétique soit
établie dans le stade initial. Par ailleurs, contrairement aux enfants
qui lisent les textes imprimés, les enfants qui doivent utiliser leurs
doigts pour lire ont besoin d'avoir atteint un niveau satisfaisant de
développement physique. Les textes imprimés peuvent être lus par
l'enfant dans plusieurs positions. Le braille quant à lui demande à
l'enfant aveugle l'habileté de rester assis, de contrôler sa position et
le mouvement de ses bras et d'être capable de discriminations fines avec
ses doigts. De plus, selon Stone (1988), il faut
aussi tenir compte de la température des mains. Les enfants qui arrivent
de l’extérieur durant une journée froide doivent attendre quelques
minutes avant de pouvoir essayer de lire le braille; les saletés sur les
doigts doivent aussi être enlevées afin d’assurer une meilleure lecture.
7.7. Les recommandations des chercheurs quant aux activités
d’écriture
Selon Koenig et
Holbrook
(2002), il est tout aussi important de permettre à l’enfant aveugle
d’explorer l’écriture que de lui fournir des expériences précoces de
lecture. Comtois (1997) mentionne que le contact de l’enfant aveugle
avec du matériel d’écriture braille doit se faire de façon aussi
fortuite que dans le cas de la lecture. Les auteurs consultés suggèrent
que l’enfant aveugle soit mis en présence d’outils d’écriture appropriés
à sa condition : machine à écrire le braille (Brailler),
poinçon et tablette, tablette à tracer (screen board),
roulette à tracer (raised line drawing) (Comtois,
1997; Koenig & Holbrook, 2000, 2002;
Miller, 1985). Ce contact est important car le
braille constitue le moyen qui sera utilisé par l’enfant aveugle (Miller,
1985).
Selon Stone (1988), une des décisions
importantes qui préoccupe bon nombre d’enseignants est : Quand doit-on
introduire le braille à un enfant aveugle? Il existe, selon elle, deux
dangers dans l'introduction précoce du braille auprès d'un enfant
aveugle. Le premier danger se cristallise dans le déplacement léger et
assez rapide des doigts sur les premiers mots lors de l'apprentissage
pour favoriser le maintien de la motivation. Le deuxième danger est que
l'enfant développe l'écriture avant même de bien maîtriser la lecture.
Selon nous, il existe deux autres dangers : celui de l'acquisition de
mauvaises habitudes chez l'enfant de taponner ou de gratter et celui de
l'acquisition d'une mauvaise position des doigts, des mains et des
poignets.
Il arrive souvent que des enfants produisent une quantité de braille
sur la machine à écrire le braille, mais qu’ils soient incapables de
donner un sens à ce qu'ils ont écrit. L'introduction de la lecture du
braille ou de l'écrit braille doit se faire de façon graduelle et
naturelle à partir des activités préalables à la lecture.
L’enfant aveugle doit aussi prendre conscience du processus par
lequel le braille écrit est produit. Il doit aussi prendre conscience
que ce qu’il dit peut être écrit (Stratton & Wright,
1991). Plusieurs auteurs suggèrent d’écrire en braille les histoires
dictées par l’enfant relatant ses expériences personnelles (Comtois,
1997; Koenig & Holbrook, 2000, 2002;
Miller, 1985; Stratton & Wright,
1991; Swenson, 2003). Au cours de cet exercice,
Miller (1985) recommande de laisser l’enfant
aveugle toucher les leviers et le papier de façon à ce qu’il réalise
qu’il s’agit du résultat immédiat de son action.
Selon Koenig et
Holbrook
(2000), il faut laisser l’enfant griffonner sur la machine à écrire le
braille après ou en même temps qu’on l’utilise pour véritablement
écrire. En fait, Koenig et Holbrook (2002) parlent d’activités d’écriture à voix haute. Il
s’agit, selon ces auteurs, d’écrire les histoires que l’enfant aveugle
dicte à propos de ses expériences, de lui décrire les différentes étapes
du processus d’écriture, puis de lui fournir l’occasion d’explorer
l’écriture en plaçant ses mains sur les touches que l’on presse afin
qu’il puisse associer le son de la machine à écrire le braille à l’acte
d’écrire. Koenig et Holbrook
suggèrent également de rendre l’utilisation de la machine à écrire le
braille évidente à l’enfant aveugle au cours de ces activités d’écriture
à voix haute. Ces auteurs proposent, par exemple, de faire la liste
d’épicerie en braille. Ainsi, l’enfant aveugle peut la mémoriser et
faire semblant de la relire une fois rendu à l’épicerie. Pour
Koenig et Holbrook, il est
important de présenter à l’enfant aveugle des activités qui combinent la
production (écrire) et l’utilisation (lecture) de l’écrit.
De façon générale, plusieurs des auteurs consultés croient que
l’enfant aveugle doit pouvoir, tout comme l’enfant voyant, griffonner,
tracer, dessiner et gribouiller (Chelin, 1999; Comtois, 1997; Gapany,
1978; Koenig & Holbrook, 2000, 2002;
Miller, 1985; Stratton & Wright,
1991; Swenson, 2003). Il semble recommandé de
fournir des occasions à l’enfant aveugle d’âge préscolaire de
« griffonner » sur la machine à écrire le braille et de l’encourager à
prendre le papier sur lequel il a fait semblant d’écrire (Swenson,
2003). Il semble aussi recommandé d’encourager l’enfant aveugle à
s’inventer un code pour communiquer ses idées et ses pensées (Koenig
& Holbrook, 2002).
Plusieurs raisons sont données par les auteurs afin d’appuyer
l’importance qu’ils accordent à ce type d’activités dans le
développement de la conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle. Selon
Gapany (1978), l’activité graphique permet à l’enfant aveugle de faire
l’expérience de l’originalité du symbole en le créant lui-même. Pour
Chelin (1999), le gribouillage et le dessin permettent de développer la
motricité fine de l’enfant aveugle, son toucher, son goût de créer, de
s’amuser, et donnent un sens à la communication écrite. Stratton et
Wright (1991) croient, pour
leur part, que ce type d’activités quotidiennes favorise le
développement d’habiletés manuelles chez l’enfant aveugle.
En résumé, les auteurs consultés considèrent que la manipulation de
livres et de matériel de littératie par l’enfant aveugle est essentielle
afin de favoriser le développement de la conscience de l’écrit. Pour ce
faire, la participation de son entourage demeure essentielle afin
d'établir le contact de l’enfant aveugle avec les livres et le matériel
de littératie.
8. Le besoin d’adapter les livres à la réalité de l’enfant aveugle
La difficulté à se procurer du matériel de lecture adapté (transcrit
en braille, avec ou sans illustration) à l’enfant aveugle est rapportée
par plusieurs auteurs (Chelin, 1999; Claudet, 1999; Comtois, 1997;
Lewi-Dumont, 1997, 1999; Meuwes, 1999; Miller,
1985; Ripley, 1999). Lewi-Dumont (1997) observe qu’un faible pourcentage
de documents publiés sont transcrits en braille pour les enfants
aveugles en France et en Europe. L’auteure invoque le coût et le temps
requis à transcrire et à produire des exemplaires en braille pour
expliquer cette situation. Claudet (1999) constate que dans les pays
européens, il y a trop peu d'albums (livres tactiles) adaptés voire pas
d'album du tout, que la qualité des albums est très médiocre, qu'il n'y
a aucune importation d'albums d'une autre culture, d'un autre pays ou
continent et qu'il y a très peu de moyens accordés à ce type d'édition.
En fait, selon lui, chaque pays gère sa misère comme il peut, avec
quelques bouts de ficelles et beaucoup de bénévolat. Toutefois, il
existe en Russie une fondation (Livres illustrés pour jeunes enfants
aveugles) créée en 1994 par un groupe composé d'artistes, d'éditeurs,
d'imprimeurs, de psychologues et d’un certain nombre d'autres
professionnels dont le but est d'offrir aux enfants aveugles des livres
adaptés avec des illustrations en couleur et en relief ainsi que des
livres-jeux. La méthode utilisée pour mettre au point ces types de
livres a été développée grâce aux recherches russes et étrangères dans
le domaine de la psychologie de la perception (Degen, 1999).
Selon Lewi-Dumont (1997), le texte lu et enregistré sur cassette
serait la principale ressource littéraire disponible en France et en
Europe. Ce mode de communication est privilégié principalement pour sa
vitesse de reproduction et son coût raisonnable. Or, l’auteure mentionne
que le contact de l’enfant aveugle avec l’écrit doit être régulier. Elle
rapporte également que les enseignants à la maternelle sont souvent
contraints de transcrire et d’adapter eux-mêmes les ouvrages. Cette même
réalité s’observe aux États-Unis et au Canada alors que la plupart des
auteurs suggèrent aux parents et aux enseignants d’adapter et de
concevoir eux-mêmes des livres destinés aux enfants aveugles (Blind
Children’s Fund, 1988; Chelin, 1999; Comtois, 1997;
Drezek, 1999b; Koenig & Holbrook,
2000, 2002; Lewi-Dumont, 1997; McGregor, & Farrenkopf,
2002; Miller, 1985; Stratton &
Wright, 1991; Swenson, 2003).
Chelin (1999) résume bien cette situation en mentionnant que le
problème majeur dans l’éveil à la lecture et au livre réside
actuellement dans la précarité, le choix et la qualité du livre adapté
pour les enfants aveugles de la naissance à cinq ans. Parmi les livres
adaptés pour les enfants aveugles, plusieurs lacunes ont été identifiées
par les parents, les enseignants et les intervenants spécialisés. Meuwes
(1999) constate, elle aussi, que l'enfant déficient visuel ne dispose
que de très peu d'ouvrages, les livres illustrés sont peu répandus,
particulièrement pauvres sur le plan de l'esthétique et de l'imaginaire;
bien souvent le primat est accordé à l'aspect pédagogique. Alors qu'on
assiste à une profusion de parutions de livres pour la jeunesse et qu'il
est de plus en plus question de favoriser, selon elle, le contact du
livre chez les tout-petits, l'absence de livres pour les enfants
déficients visuels se fait de plus en plus cruellement ressentir, et ce,
qu'on soit parent voyant d'enfant déficient visuel, parent déficient
visuel d'enfant voyant ou encore qu'on soit enseignant ou éducateur.
Ripley (1999) arrive aussi à la même conclusion, il n'y a guère de
livres tactiles produits en série spécialement conçus pour les enfants
déficients visuels, tandis que des milliers de livres illustrés sont
publiés chaque année pour les enfants voyants.
Selon les écrits consultés, il semble y avoir trois lacunes
principales dans les livres adaptés pour les enfants aveugles : 1)
l’utilisation de l’image tactile (complexe) dans les livres conçus pour
les enfants aveugles, 2) l’utilisation de livres destinés au
développement d’habiletés tactiles et motrices et 3) l’utilisation des
livres duo média (imprimé/braille).
8.1. L’utilisation de l’image tactile dans les livres adaptés pour
les enfants aveugles
Le livre, selon Meuwes (1999), a une double fonction : ouvrir les
portes de l'imaginaire et de la créativité et préparer ou renforcer les
apprentissages de la lecture. Lire est une manière d'accéder à la
connaissance et d'entrer dans une culture, une façon de nourrir les
rêves et l'imaginaire et d'organiser sa pensée. La relation avec le
livre, selon elle, est d'abord une expérience sensorielle : s'approprier
des livres, les saisir, les toucher, les sentir, les jeter, les
partager, etc., est d'un immense intérêt pour les tout-petits. Pour
lire, les mains doivent toucher, caresser, tenter d'attraper, voire
parfois aussi tirer, déplacer. Selon elle, les livres proposés aux
enfants déficients visuels sont justement pour la plupart peu propices à
favoriser l'expérience sensorielle sensible et même sensuelle. Ces
livres sont du même coup peu favorables à l'échange avec l'entourage
(parents, fratrie), ces livres remplis de points n'intéressant personne
car ils ne comportent aucune illustration. Pour avoir envie de lire,
susciter ce désir, il faut, selon elle, que le livre soit investi comme
source de plaisirs, d'échanges et d'expériences nouvelles.
Les parents, selon Richard (1999), sont à la recherche de livres qui
soient beaux, solides et intelligents pour leur enfant déficient visuel,
mais ne trouvent pas le moindre livre d'histoires avec un relief
répondant aux besoins de l'enfant. Les parents sont alors obligés de
faire preuve de talents créatifs : coller, couper, contourner, adapter,
bref, mettre en relief les livres existants afin que leur enfant soit en
contact avec des livres. Les parents trouvent bien sûr des livres
transcrits en braille, qui ont tous le même format, le même grain de
papier, la même succession de points, mais ces livres n'ont que du texte
alors que l'enfant est âgé de moins de six ans.
Lewi-Dumont (1999) rapporte que la création de livres tactiles
demande beaucoup de temps, d'ingéniosité et d'énergie. Clette (1999)
mentionne que les initiatives sont généralement prises par les parents
qui sont soucieux d'offrir à leur enfant déficient visuel un livre
adapté qui puisse lui procurer à la fois plaisir et apprentissage. Les
livres conçus par les parents sont souvent, selon elle, des exemplaires
uniques, fabriqués avec les moyens du bord et leur durée de vie est
relativement éphémère à cause des nombreuses manipulations des enfants;
ils sont parfois très réussis ou parfois beaucoup moins. Ces livres
n'ont jamais été diffusés plus loin que son cercle familial ou que
l'école fréquentée par l'enfant.
La principale lacune concernant l’utilisation de l’image tactile dans
les livres adaptés pour les enfants aveugles réside dans le fait que ces
livres sont conçus à partir de critères visuels qui ne correspondent
généralement pas aux capacités tactiles ou cognitives des jeunes enfants
aveugles (Comtois, 1997). Une image tactile doit être, selon Eriksson
(1999), simplifiée par rapport aux images générales et les
caractéristiques principales d'un objet doivent être accentuées. Selon
elle, on peut tout montrer par une image tactile sauf les couleurs, la
lumière et les ombres.
Il est effectivement difficile de susciter et de maintenir l’intérêt
de l’enfant si les livres ne répondent pas aux besoins spécifiques d’une
personne vivant dans un monde tactile (Miller,
1985). Il est important que le livre contienne des surprises qui rendent
la lecture plus excitante (Eriksson, 1999). Par ailleurs, il arrive
fréquemment que les images tactiles soient beaucoup trop complexes,
bourrées de détails superflus et plus esthétiques visuellement que
significatives de façon tactile (Comtois, 1997). Il est à noter que les
livres belges et français qui utilisent les images tactiles sont,
comparativement aux ouvrages américains, beaucoup plus complexes. Meuwes
(1999) rapporte que l'esthétique, la présence d'illustrations tactiles,
la qualité du texte et la variété (contenus, textures et techniques de
fabrication des livres) sont des éléments essentiels dont il faut tenir
compte dans la conception de livres tactiles.
Hatwell (2001) mentionne que l’identification des dessins par des
aveugles précoces est très difficile à cause de l’exiguïté du champ
perceptif tactile. Les aveugles précoces ont en effet de la difficulté à
conserver en mémoire des dessins en relief, car ce traitement constitue
une charge cognitive importante affectant la capacité de conservation
des données en mémoire de travail. Selon cette auteure, la difficulté
d’identification des dessins en relief par les enfants aveugles repose
principalement dans le peu de ressemblance physique entre l’objet réel
et le dessin. Le dessin en relief représente difficilement la catégorie
à laquelle il appartient et laisse ainsi ouvert un grand champ de
possibilités. Dans un tel contexte, on comprend bien le questionnement
de Miller (1985) à savoir « Comment quatre petits
bâtonnets sous un petit morceau de fourrure pourraient représenter un
chien pour sa fille aveugle? ».
Néanmoins, il est à noter que l’on observe, chez les auteurs qui se
sont penchés sur le sujet, un consensus en ce qui a trait à la nécessité
d’avoir des images tactiles dans les livres conçus pour les jeunes
enfants aveugles. L'image en tant qu'illustration a alors comme rôle,
selon Lewi-Dumont (1999), d'activer la curiosité de l'enfant, de lui
permettre de toucher autre chose que du braille et par la suite, une
fois que le dessin a fait l'objet d'un apprentissage, de se repérer dans
le livre. En effet, Hatwell (2001) est d’avis que les dessins d’objets
procurent un bénéfice cognitif important pour les aveugles précoces, et
ce, même s’ils sont d’un accès souvent ardu pour l’enfant aveugle.
Miller (1985) considère que l’image en relief
permet à l’enfant aveugle de jouir du même divertissement que les
enfants voyants et suscite son intérêt. Stratton
et Wright (1991), quant à eux, considèrent que
l’utilisation de livres contenant des illustrations tactiles offre deux
occasions de consolider la compréhension de l’histoire chez l’enfant
aveugle : d’une part, la compréhension du texte facilite la
compréhension des images tactiles, puis d’autre part, les images
tactiles favorisent la compréhension du texte. Ainsi, la présence
d’images tactiles permettrait une meilleure rétention de l’histoire chez
l’enfant aveugle. Pour Lewi-Dumont (1999), le livre tactile joue un rôle
dans l'intégration sociale des aveugles.
Lewi-Dumont (1997) s’est livrée, quant à elle, à une véritable
analyse au sujet de l’utilité de l’image tactile dans le développement
de la conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle. Selon l’auteure,
l’image en relief ne joue pas chez l’enfant aveugle les mêmes rôles dans
le processus d’apprentissage de la lecture que l’image visuelle chez
l’enfant voyant. En effet, comme l’a mentionné Hatwell (2001), les
enfants aveugles déploient une énergie considérable à déchiffrer une
image tactile. Or, ces images doivent, selon Lewi-Dumont, servir de
soutien à la rétention de l’histoire, ce qui n’est pas possible chez les
enfants aveugles puisqu'elles sont difficilement reconnaissables par ces
derniers. En effet, quelques recherches citées dans l’étude de
Lewi-Dumont montrent que la mémoire des éléments figurés se fait chez
les aveugles congénitaux aux dépens des éléments purement verbaux. Il
n’y a donc pas en ce qui concerne le dessin en relief, le même type
d’aide à la lecture que l’aide produite par les dessins et les images
chez les enfants voyants. De ce fait, Lewi-Dumont s’est questionnée à
savoir si l’insertion d’images en relief dans les livres pour enfants
aveugles apporte une quelconque utilité. L’image tactile doit, en effet,
faire l’objet d’un apprentissage chez l’enfant aveugle, car tout comme
le braille, elle ne fait pas partie de son environnement naturel.
L’enfant doit donc apprendre à reconnaître une image par le biais d’un
toucher fragmentaire rendant l’association entre l’image, le référent et
le mot difficile à établir. Enfin, selon l’auteure, l’enfant aveugle ne
peut pas prendre conscience aussi facilement que l’enfant voyant de
l’interaction qui existe entre le dessin et le texte.
Dans un tel contexte, Lewi-Dumont en arrive à trois constatations
majeures. Premièrement, le fait de ne pas avoir d’image ou de n’avoir
que des images très difficilement décodables ne semble pas être une aide
ni pour la compréhension ni pour la mémorisation. Deuxièmement, dès son
plus jeune âge, l’enfant aveugle doit être mis en contact avec l’image
en relief et être aidé à en faire l’apprentissage, car l’image en relief
constitue un outil auxiliaire non négligeable dans l’apprentissage de la
lecture. L’image en relief peut en effet contribuer à une plus grande
motivation à la lecture et à une meilleure perception tactile chez
l’enfant aveugle. Finalement, le dessin en relief doit être normalisé
afin que les codes de représentation tactile soient compréhensibles par
tous les enfants aveugles. Il faut préciser, qu'il y a présentement au
Québec une équipe de chercheurs qui travaillent à la normalisation des
images de volumes scolaires.
Appuyant cette idée d’une normalisation de l’image tactile,
Stratton et Wright (1991)
ont énoncé certaines conditions qui devraient être respectées lors de
l’élaboration et de la création d’images tactiles. Les images tactiles
doivent montrer ce qu’il y a dans le texte et susciter l’intérêt. Elles
ne doivent pas offrir d’informations supplémentaires au sujet de
l’histoire comme c’est le cas dans les images imprimées. En fait, seules
les informations nécessaires doivent être incluses afin de faciliter la
lecture tactile. Il ne doit pas y avoir de détails superflus pour
susciter l’intérêt comme c’est le cas dans les images imprimées. Les
images tactiles doivent donc être simples et doivent permettre une
représentation mentale claire. Finalement, l’introduction de l’enfant
aveugle aux images tactiles doit se faire selon une séquence logique. En
effet, il faut dans un premier temps permettre à l'enfant d’explorer
l’objet réel par le toucher. Dans un deuxième temps, l'objet est
transposé en une image thermoformée qui est explorée par l'enfant.
Finalement, l'image thermoformée est transférée en image faite à partir
de lignes (image tactile) et qui peut être décodée par l'enfant.
8.2. L’utilisation de livres destinés au développement d’habiletés
tactiles et motrices chez l’enfant aveugle
Bien que l’utilisation de livres destinés au développement
d’habiletés tactiles et motrices demeure essentielle dans le processus
général de l’apprentissage de la lecture et de l’écriture chez l’enfant
aveugle, ces livres ne semblent pas contribuer, dans leur forme
actuelle, au développement de la conscience de l’écrit. Selon Comtois
(1997), ces livres ne sont effectivement pas conçus pour l’acte de lire
et la découverte que l’écrit véhicule un message.
Selon Miller (1985), le développement
d’habiletés de poursuite (c'est-à-dire la capacité de l’enfant aveugle à
pouvoir suivre du doigt une ligne ou une phrase écrite en braille) doit
se faire à l’aide de livres racontant une histoire. Des livres tels que
Tactual Road to Reading, qui ont pour
but de développer ces habiletés à l’aide de fils et de bâtons, ne
peuvent pas susciter chez l’enfant le même intérêt que si l’on utilise
des livres où une histoire est racontée. Miller
croit que la motivation est intrinsèque aux mots qui racontent une
histoire et c’est pourquoi, dans un tel contexte, elle mentionne
préférer apprendre à sa fille aveugle la poursuite des lignes en faisant
correspondre sa lecture aux mots touchés par l’enfant. En fait, il
semble recommandé d’adapter les livres destinés au développement
d’habiletés tactiles et motrices chez l’enfant aveugle afin qu’ils
puissent susciter l’intérêt et contribuer au développement de la
conscience de l’écrit tel qu’il a été défini précédemment (Koenig
& Holbrook, 2000, 2002).
8.3. L’utilisation des livres imprimés/braille
De façon générale, selon plusieurs auteurs (Blind
Children’s Fund, 1988; Carrillon, 2002; Castellano, 2000;
Drezek, 1999a, b;
Koenig & Holbrook, 2002; Miller,
1985; Stratton & Wright, 1991;
Troughton, 1992; Wormsley, 1997),
l’utilisation des livres imprimés/braille est recommandée comme matériel
d’apprentissage menant à la conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle.
Pour ces auteurs, le livre duo média (imprimé/braille) favorise le
rapprochement entre les voyants et les non-voyants. Par le biais de ce
type de livre, tous les membres de la famille, sans distinction aucune,
peuvent apprécier simultanément les livres.
Toutefois, selon
Miller (1985) et
Stratton et Wright (1991),
un problème de non-correspondance semble exister entre certains
caractères braille et certains caractères imprimés qui leur sont
appariés. En effet, il devient difficile pour le parent qui fait la
lecture à son enfant de déchiffrer le caractère braille, car la
transcription braille réalisée dans la plupart des livres
imprimés/braille provenant des pays anglo-saxons comporte plusieurs
abréviations et signes uniques correspondant à des mots entiers. Pour
résoudre ce problème, Miller (1985) suggère
d’élaborer une méthode permettant une reconnaissance facile par le
parent de la configuration des lettres en braille. Lors de la lecture à
l’enfant aveugle, il est important, selon elle, que le parent puisse
facilement identifier la correspondance braille de la lettre lue en
imprimé conventionnel. Miller pense qu’une
meilleure correspondance des lettres imprimées et des lettres braille
pourrait favoriser une meilleure reconnaissance visuelle par le parent
et tactile pour l’enfant. Les parents pourraient alors plus facilement
souligner un aspect ou un autre de la lecture comme la longueur des
mots, l'espace entre les mots, les caractéristiques de certaines
lettres, etc. Miller suggère également que les
livres imprimés/braille comprennent des notes et des indices dans chaque
page afin d’aider le parent à participer au processus d’apprentissage de
son enfant. Selon nous, il est important que le braille soit situé en
bas de l'imprimé, et ce, afin de permettre à l'enfant de placer ses
doigts sur le braille et au parent de lire le texte imprimé.
9. Conclusion
Nous aimerions conclure cette recension des écrits en rappelant
l’importance d’accroître le nombre de recherches en ce qui a trait au
développement de la conscience de l’écrit chez l’enfant aveugle âgé de 0
à 5 ans. Tout comme Stratton (1996) et Comtois
(1997), nous pensons que des études expérimentales permettraient de
raffiner les connaissances théoriques liées à l’émergence de la
littératie chez l’enfant aveugle et de définir des interventions
efficaces pour en favoriser le développement. Il est important aussi de
tenir compte de la nouvelle réalité démographique dans l’établissement
de programmes visant l’éveil à la lecture de l’enfant aveugle. Tout
comme le mentionne Lewi-Dumont (1997), les nouveau-nés aveugles de nos
jours sont souvent porteurs d’autres déficiences. Dans un tel contexte,
des recherches sont donc nécessaires à savoir si les enfants aveugles,
les enfants ayant un autre type de déficience visuelle et les enfants
aveugles présentant également des troubles associés représentent un
groupe hétérogène ou homogène d’individus en ce qui a trait au
développement de la conscience de l’écrit.
Selon nous, un accroissement du nombre d’études concernant la
conscience de l’écrit pourrait favoriser la consolidation d’une
organisation développementale mieux définie chez l’enfant aveugle âgé de
0 à 5 ans. Les écrits consultés ont souvent tendance à rapporter une
série d’actions étroitement reliées au développement général de l’enfant
aveugle qui vise l’émergence de la littératie sans savoir, néanmoins, si
une séquence quelconque doit être respectée. En fait, de telles études
contribueraient, selon nous, à accroître les chances de l’enfant aveugle
d'acquérir, au moment de sa rentrée scolaire, les mêmes connaissances
que l’enfant voyant quant à l’écrit et à la lecture, et ce, à partir
d’interventions spécifiques minimisant l’impact de la cécité sur son
développement. Bref, il faut encourager l’enfant aveugle à être
alphabète tout comme l’enfant voyant avant la rentrée scolaire.
Finalement, il est indispensable voire urgent de développer, de créer
et d'adapter des livres, des livres-jeux, des livres-objets, des livres
à manipuler, des « images » à toucher et des histoires à raconter
(Meuwes, 1999). Il faut adapter en priorité des albums déjà publiés dans
plusieurs langues, de façon à en faire profiter les enfants aveugles de
tous les pays (Lewi-Dumont, 1999).
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Le développement de la conscience de l'écrit chez l'enfant aveugle
âgé de 0 à 5 ans:
Recension des écrits par Yves Jalbert, Pierre-Olivier Champagne et collaborateurs
- Mai 2005 COLLABORATION: Joanne Thibodeau, Denise Trépanier, Brigitte Bernard-Charron, Jean-Louis Berthiaume
et Louise Comtois RÉVISION: Équipe d’édition, Institut Nazareth et Louis-Braille ÉDITEUR:
Institut Nazareth et Louis-Braille
- Dépôt légal, 3e trimestre 2005 - Bibliothèque nationale du Québec - Bibliothèque nationale du Canada
- ISBN 2-89376-058-9
Δ
Publicado por
MJA
[22.Set.08]
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