
Menina cega trava
conhecimento com uma estátua na Escola para Cegos do Oklahoma -
Lewis Hine, 1917
«Pour que je puisse faire seul, il faut que maman et papa y trouvent du plaisir
ou qu’ils soient vraiment d’accord», résume en une formule Claude Schauder,
psychanalyste. Pour lui, l’enfant devient progressivement autonome à mesure que
ses parents l’incitent à quitter les relations qu’ils avaient ensemble dans le
passé pour en inventer d’autres. Ainsi chaque avancée éducative repose sur une
frustration du côté de l’enfant comme des parents. Il faut que la maman
abandonne ce corps à corps fusionnel avec son enfant, l’encourage à se détacher
d’elle pour qu’il découvre son propre corps par lui-même en même temps que le
respect de celui des autres: en un sens, le renoncement à son statut de bébé.
Ce
processus peut prendre des voies et rythmes particuliers en fonction du handicap,
mais il est toujours le même. «Je pense par exemple à un petit garçon de trois
ans qui n’as pas de sphincter, mais qui est dans la logique de vouloir
faire tout seul, de s’occuper lui- même de son corps, en accord avec ses
parents. Il n’est pas propre, mais il surveille ce qui ce passe, demande
de l’aide pour ne pas rester sale et incommoder ses camarades de
maternelle.»
L’autonomie fruit de l’initiative
Bien sûr, demander à un enfant handicapé de manger, de s’habiller, de se laver,
quand chaque opération exige des efforts, du temps, et provoque de la fatigue,
nécessite inévitablement des trésors de patience et de volonté. Alors, pour
aller plus vite ou parce qu’il est douloureux de le voir échouer, on est tenté
de faire à sa place, tout en sachant peu ou prou que ce n’est pas la bonne
solution. L’autre tentation, plus subtile encore, consiste à toujours anticiper
sur ce qu’il est capable de faire seul.
«C’est le travers des familles bien
informées dans le domaine psychomoteur, qui imaginent d’emblée les prochaines
étapes du développement de leur enfant, au risque de le priver de la découverte
personnelle de ses possibilités», explique Odile Frand, psychomotricienne. Or
un progrès amène d’autant plus d’autonomie qu’il a été le fruit d’une initiative
de l’enfant: c’est seulement ainsi qu’il est véritablement assimilé.
La
situation classique rencontrée par Odile Frand est celle de parents qui ne
comprennent pas que leur enfant ne refait pas à la crèche ou en maternelle ce
qu’il réalise si bien sous leur yeux. «Un échec dans un contexte différent de
celui de la relation familiale montre en général qu’il ne s’agissait pas d’une
véritable acquisition. L’enfant peut réussir pour faire plaisir à ses parents,
mais il s’agit encore d’une relation de dépendance dans laquelle il n’a pas
gagné en autonomie.»
L’importance du jeu solitaire
La stimulation et l’interaction affective avec les parents ont bien sûr une
place de choix dans le développement de l’enfant, mais il faut aussi réserver un
temps nécessaire pour que soit assimilé ce qui a été proposé. Dans cet esprit,
Odile Frand insiste sur l’importance du jeu solitaire. Elle constate que les
familles comme le personnel des crèches culpabilisent souvent en laissant
l’enfant seul, surtout si la situation est nouvelle pour lui et qu’il pleure un
peu. Mais ces moments sont essentiels et n’ont rien de nocifs, bien au contraire,
à condition que le cadre soit sécurisant.
«Le jeu solitaire a ceci de
particulier qu’il laisse une complète initiative à l’enfant, qui se laisse aller
à son propre plaisir. Son activité n’a généralement rien de spectaculaire, mais
elle est d’une grande intensité. Quand on l’observe à la dérobée, on voit qu’il
a de gestes moins aboutis, plus répétitifs qu’en situation de stimulation, mais
on se rend mieux compte de ce qu’il a réellement appris et assimilé.» Au cours
du jeu, il répète souvent les situations qui lui ont plus, recrée par la pensée
la présence de la personne aimée et absente : c’est un travail essentiel de
l’imaginaire qui l’aide à supporter la frustration de ne pas obtenir tout, tout
de suite, par l’intermédiaire de l’adulte. «Dans ces moments privilégiés,
l’enfant progresse beaucoup dans sa capacité à avoir conscience de son corps et
le sentiment de son identité», précise Odile Frand. Pour l’enfant, devenir
autonome reviendrait ainsi à trouver progressivement dans ses propres ressources
de quoi surmonter la solitude et la frustration. Et pour les parents, ce serait
lui donner la possibilité de vivre ces épreuves. Imaginer l’autonomie comme une
création familiale permet aussi de ne pas imputer à un seul de ses membres (enfant,
adolescent, parent) les échecs possibles de cette conquête.
«On transmet
parfois aux enfants ou aux adolescents cette idée fausse que le travail est tout
entier de leur côté, alors que le soutien des parents est véritablement porteur
pour eux», estime Claude Schauder. Fruit d’une relation, l’autonomie progresse
en dents de scie, avec des répits où l’envie de (se faire) dorloter domine sur
le plaisir de la découverte.
«La régression fréquente avant toute avancée»,
note Claude Schauder, «comme si l’organisme avait besoin de repos avant une
acquisition importante. Elle est habituelle au tout début de l’adolescence.» Et
les petites parenthèses n’ont rien d’inquiétant en elles- mêmes, sauf si elles
deviennent systématiques. Un enfant qui, pour une raison ou une autre, a passé
une semaine éprouvante dans un internat ne perdra pas son autonomie sous
prétexte que ses parents vont le chouchouter un week-end. En revanche, il sera
peut être meurtri si l’on ne reconnaît jamais à la maison les progrès réalisés
en établissement, par exemple en lui mettant son vêtement alors qu’il vient
d’apprendre à le faire tout seul.
Certains jeunes échouent
Plus tard, les grands adolescents qui envisagent de vivre hors du domicile
familial ou de l’institution qui les a hébergés évoquent toujours ces deux
notions de solitude et de frustration quand ils parlent de l’autonomie
«Faire
seul est moins efficace, on y arrive moins bien et cela signifie souvent se
retrouver tout seul. Mais c’est tellement mieux.» Pourtant, «certains jeunes
échouent dans leur tentative à vivre en appartement», constate Karine Berger,
psychologue dans plusieurs institutions qui préparent les adolescents à ce
projet. «A l’origine de leurs difficultés, on trouve des troubles cognitifs non
décelés auparavant et qui apparaissent, comme l’impossibilité à anticiper, à
s’organiser dans le temps ou à réagir en situation d’urgence.» Mais, selon ses
observations, l’incapacité à supporter la solitude est une difficulté bien plus
fréquente que les échecs dus à des questions de compétence ou à des problèmes
strictement fonctionnels.
Il faut aussi avoir les ressources nécessaires pour ne
pas s’effondre face à une réalité bien souvent frustrante. Certains renoncent
devant ces incidents prévisibles, comme une auxiliaire de vie retardée dans des
embouteillages ou qui ne vient pas un matin parce qu’elle a un empêchement.
Quand la vie non protégée semble trop dure, une vie collective, plus rassurante,
peut être préférée. D’autres respirent simplement d’être enfin libres.
ϟ
Sylvie Boutadou
Association Romande des Parents
d'Aveugles et
Malvoyants
»
ARPA
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Revue «Déclic - juillet/août 2001
info@arpa-romand.ch
2-Nov-09
publicado
por
MJA
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