

Enfants
nés aveugles -
photographie de August Sander, 1930-31
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L’accompagnant des élèves en situation de handicap, auparavant appelée
AVS (Auxiliaire de Vie Scolaire) est une personne s’occupant de l’accompagnement
et de l’aide à la scolarisation d’enfants handicapés.
La formation des 'Accompagnants des élèves en situation de handicap' est le plus souvent générale (tous handicaps). Au mieux
elle porte sur les élèves "déficients visuels", c’est à dire essentiellement
malvoyants. On ne trouve pas grand-chose concernant les élèves aveugles. Cette
rubrique tente de répondre aux nombreuses questions qui se posent au quotidien.
Accompagner un élève aveugle de naissance nécessite une bonne compréhension de
ce qu’implique la cécité. Un élève aveugle de naissance n’est :
-
ni un élève voyant qui fermerait les yeux
-
ni un élève aveugle qui a déjà vu auparavant, même mal
-
ni un élève malvoyant, même brailliste
Il connait, comprend, apprend différemment.
Or, le poste d’AESH - AVS est défini pour tous les handicaps confondus, ce qui
donne forcément des contours très vagues à sa mission.
Quels sont les rôles possibles de l’AESH - AVS auprès d’un élève aveugle
(modulables en fonction de l’âge, du degré d’autonomie, de l’organisation propre
à chaque établissement scolaire...) ? [1]
Interpréter
-
Repérer les éléments qui échappent à l’élève, dont il n’a pas conscience, et qui
sont utiles à son intégration : ce qui est écrit, ce qui se passe autour de
lui... et les lui rapporter
-
Anticiper les erreurs de compréhension possibles, les mots, les phrases qui sont
vides d’évocations pour lui qui n’a jamais vu
-
Adapter les consignes quand elles n’ont pas de sens par rapport aux supports et
matériels adaptés (remplir le tableau, surligner en vert, lire le texte en haut
à droite de la page 3...)
Plus que "les yeux de l’élève", l’AESH - AVS est surtout l’interface qui
convertit des données conçues pour être comprises par des élèves voyants en
données compréhensibles par un élève aveugle.
Pour cela, il faut essayer au maximum de se mettre à la place non pas d’un
voyant qui ferme les yeux mais de quelqu’un qui n’a jamais vu.
Accompagner les déplacements et les actes de la vie quotidienne
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Aider l’élève à devenir autonome et suffisamment rapide dans ses déplacements à
l’intérieur de l’établissement : d’une classe à l’autre, à la cantine, aux
toilettes... dans le cadre donné par l’instructeur en locomotion
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Aider l’élève à trouver sa place dans la classe et à la cantine
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Assurer l’accompagnement dans les lieux extérieurs à l’école (stade, gymnase...)
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Accompagner les sorties extra-scolaires
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Au moment des repas, aider l’élève à trouver une place, à transporter son
plateau, veiller à ce qu’il mange sans mettre les doigts, à ce qu’il débarrasse,
se lave les mains...
-
Aider à l’habillage/déshabillage
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Assurer une surveillance durant les récréations et les activités sportives.
Veiller à la logistique, en coulisses
-
Veiller pour chaque cours à ce que le matériel soit dans la bonne classe,
notamment livres en braille, imprimante, Perkins, cubarithmes pour les mettre à
disposition de l’élève en temps voulu.
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Obtenir des professeurs les supports à adapter :
--
Supports de cours et d’évaluation distribués aux élèves, pour transcription en
braille, selon les délais demandés par le service de transcription
--
Supports projetés au tableau (vidéos, fichiers PowerPoint...) pour récupération
du texte, recherche de l’équivalent audiodécrit, ou du fichier de sous-titres,
ou d’objets réels pour faire comprendre ce qui serait montré en images, ou pour
permettre à l’élève de le "visionner" en avance et préparer le cours.
-
Veiller à ce que les professeurs aient bien récupéré leurs transcriptions
-
Saisir en dernière minute (quand des élèves font un exposé et distribuent un
document écrit à toute la classe ou quand un exercice donné n’a pas été
préalablement transcrit en braille)
-
Effectuer ponctuellement des transcriptions en braille
-
Effectuer ponctuellement des transcriptions en noir des travaux de l’élève (si
l’élève travaille sur Perkins)
-
Suivre l’évolution de l’élève (si brailliste débutant) dans son apprentissage du
braille, conduit par le professeur de braille.
-
En cours de sport, apporter les accessoires adaptés (ballons sonores, cordes de
course, minuteurs sonores...)
Aider l’élève, en cours
-
Veiller à ce que l’élève récupère bien les corrigés des devoirs et des
évaluations, lui lire les commentaires écrits à la main
-
Veiller à ce que l’élève récupère bien les documents écrits distribués en
classe, à ce qu’il ne soit pas oublié dans la distribution
-
Encourager l’élève à utiliser les documents ressources et l’aider à les
retrouver
-
Lire des documents ressources non transcrits : dictionnaire, fichiers de
conjugaison ;
-
Décrire les supports graphiques non transcrits en relief.
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Accompagner l’élève dans le déchiffrage des schémas tactiles (cartes de
géographie, schémas de sciences...)
-
Dicter, saisir (ou prendre en photo pour transcription ultérieure) ce qui figure
au tableau, épeler au besoin (noms propres, anglais, difficultés
orthographiques…), faire comprendre les schémas éventuels par le moyen le plus
adapté (description orale, dessin en relief, pâte à modeler...)
-
S’assurer de la compréhension par l’élève des situations pédagogiques mises en
œuvre
-
Effectuer avec l’élève, en les explicitant, les manipulations servant de support
aux apprentissages
-
Aider l’élève à utiliser son matériel : Perkins, cubarithmes, matériel de
géométrie, blocnote...
-
Effectuer les manipulations complexes : découpages, collages...
-
Assurer l’organisation et le rangement du poste de travail, ranger les fiches de
travail dans les classeurs...
-
Aider l’élève pour les activités motrices. Dans les activités impliquant une
gestuelle : sports, arts plastiques, atelier cuisine… lui montrer les gestes en
les faisant sur lui, l’aider à participer avec les autres
-
Jouer le rôle de secrétaire pour certains exercices ou évaluations : première
lecture orale d’un texte, réalisation de schémas sous sa dictée. L’aide apportée
dépasse le cadre habituel du secrétariat d’élève et consiste à favoriser la
compréhension des énoncés, sans donner pour autant donner les réponses ; il faut
trouver le juste milieu.
Permettre une meilleure conscience de ce qui se passe en classe
-
Compenser l’impossibilité de prise d’information visuelle, décrire, raconter la
vie de la classe : dire qui lève la main à la question du professeur, qui se
fait féliciter ou disputer et pourquoi, qui arrive en retard, pourquoi la classe
se met à rire...
-
Décrire les films, les photos, les gestes montrés...
-
Inciter l’élève à participer oralement, à oser prendre la parole
-
Lire l’affichage mural (hall, couloirs...)
Favoriser l’intégration de l’élève et réguler sa dépendance des autres
-
Le pousser à l’autonomie, lui faire constater et apprécier ses progrès, lui
donner confiance en lui, limiter ses demandes d’aides aux autres
-
Trouver des occasions où c’est lui qui aide les autres et non le contraire
-
L’aider à s’intégrer dans des discussions ou activités (lui dire qui est là,
quelle est l’activité en cours)
-
Aider élèves et professeurs à mieux interagir avec lui, en lui fournissant
l’aide dont il a besoin et sans lui apporter d’assistance superflue
Être AESH - AVS auprès d’un élève aveugle de naissance demande des connaissances
pointues, des compétences techniques, la formation générale et théorique ne
suffit pas.
Les besoins
Comment accompagner efficacement un élève aveugle sans :
-
avoir conscience des répercussions de la cécité de naissance sur sa façon :
--
de comprendre les mots et les concepts, quand on est sensé lui apporter des
explications pertinentes et anticiper les erreurs de compréhensions possibles ?
--
d’appréhender l’espace, quand on est là pour l’aider à prendre les repères qui
lui permettront de se déplacer avec une autonomie croissante ?
-
savoir audio-décrire en sortant d’une logique de voyants, quand on est amené à
compenser l’absence de vue ?
-
connaître le braille, quand on aide un enfant qui est le seul de la classe à
l’apprendre ? Être au minimum initié, comprendre la manière dont l’élève aborde
les documents écrits, quand on est en appui pour l’aider à suivre le rythme de
la classe, qu’on est amené à l’aider à trouver le bon document, la bonne page...
?
-
savoir faire un rapide croquis en relief facilement lisible par l’élève, quand
le besoin se présente ?
-
comprendre le principe de fonctionnement des outils de l’élève ? (machine à
écrire, ordinateur...), alors qu’on est sensé vérifier qu’il s’en sert
parfaitement ?
La formation officielle
En France, les AESH - AVS reçoivent une formation à la fonction dans ses
dimensions administratives, et une formation au "handicap", concept nébuleux qui
n’apprend pas grand-chose au niveau pratique. Au mieux, la formation peut
comporter un bref module sur le "handicap visuel", c’est-à-dire la malvoyance,
loi du plus grand nombre oblige.
Comme il est statistiquement improbable que l’AESH - AVS ait un jour à
accompagner un enfant totalement aveugle, et de naissance, comme les compétences
nécessaires sont techniques, souvent méconnues des formateurs eux-mêmes, le
sujet n’est pas abordé.
Le piège est de penser que tous les handicaps se ressemblent, que lorsque l’on a
une expérience avec un élève atteint d’un tout autre handicap (malvoyance
compris), il suffit de faire pareil avec un enfant aveugle.
La formation spécialisée
Des formations plus spécifiques sont parfois mises en place, tout dépend des
régions, des compétences des services de suivi, du temps et du budget
accordés...
S’il y a un enseignant spécialisé, il peut accompagner l’AESH - AVS durant
quelques cours pour lui montrer comment s’y prendre. Parfois, l’AESH - AVS
assiste à certains cours spécialisés de l’élève (locomotion, informatique,
braille, AVJ...) pour être à même de prendre le relais au sein de l’école.
Dans les faits, on se rend compte que les AESH - AVS chevronnés sont surtout des
passionné(e)s, tout ou partie autodidactes.
L’élève a vraiment besoin d’une aide efficace dès la rentrée. Tout découvrir
avec lui en partant de zéro met en danger la réussite de sa scolarité.
Les choses qui entrent par les oreilles prennent un chemin bien plus long et
touchent bien moins que celles qui entrent par les yeux, lesquels sont des
témoins plus sûr et plus fidèles. [2]
Lire des documents, décrire les images, les lieux, les actions, les mimiques...
représentent une grande partie du rôle de l’AESH - AVS.
Lire un document
La plupart des documents scolaires se comprennent autant par les indications
visuelles (informations extralinguistiques, paratexte, cotexte...) qu’ils
comportent que par les mots écrits.
L’organisation de la page, la disposition et à la mise en forme du texte :
titres, sous-titre, paragraphes, légendes, illustrations... :
-
repère les éléments qui répondent aux différents besoins (information,
consignes, distraction)
-
permet d’anticiper le contenu fait ressortir les éléments importants
-
améliore la lisibilité
-
hiérarchise les informations
-
oriente le regard pour diriger la lecture
Un premier coup d’œil ou un rapide survol du document permet aux élèves voyants
de glaner ces précieux indices visuels. Ce sont ces informations qu’il faut
tenter d’apporter aussi à l’élève aveugle.
|| Avant de commencer la lecture : lister les différents éléments :
texte, questions, vocabulaire, schéma, illustration, tableau... et préciser la
relation entre eux ("c’est un texte, et ensuite il y a 5 questions portant
dessus").
L’intention de lecture (pour quoi lire ce texte ?) doit être évidente.
|| Si des éléments sont en interaction (texte + encadré de
vocabulaire par exemple), ne pas les lire un par un mais aller de l’un à
l’autre, comme le ferait un voyant, en revenant sur certains passages si
nécessaire.
|| À l’intérieur d’un élément, commencer par le plus important, même
si c’est écrit à la fin (auteur, date, œuvre dont le texte est extrait...).
|| Préciser les mises en forme quand elles sont utiles à la
compréhension : titre, paragraphes, gras, souligné, italiques, en couleur,
encadré... en indiquant la signification (par exemple : "le premier paragraphe
est en italique parce que c’est l’explication du contexte, pas le texte
lui-même"...).
|| Si le texte est long, faire des pauses régulières pour vérifier la
compréhension.
Décrire des images
L’image prend de plus en plus de place dans les manuels scolaires (fréquemment
jusqu’à 50%), avec des objectifs comme:
-
attirer l’œil, donc l’attention
-
être plus explicite qu’un texte
-
simplifier l’effort d’interprétation et de compréhension
-
rendre l’apprentissage plus agréable
-
faciliter la mémorisation
-
parler à l’affectif
-
donner accès en classe à des choses visibles à l’extérieur, ou loin
-
servir de preuve ou de source
L’image n’est pas juste au service du texte, elle a une fonction pédagogique
propre.
Pour un élève aveugle de naissance, la description, forcément sommaire, de
l’image, ne remplit que très peu ces rôles puisque les informations intrinsèques
à l’image lui seront restituées sous forme de texte !
Pour lui, l’objectif sera différent. L’image décrite peut :
-
le rendre simplement conscient de qu’ont les autres élèves comme support
-
augmenter sa culture générale
-
être l’occasion d’une leçon de chose
|| Préciser la forme : photo, illustration, dessin au trait, peinture,
affiche, BD...
|| Donner directement les informations contenues dans l’image, y compris
si c’est l’objet d’un exercice puisque infaisable pour l’élève aveugle (ex :
signature d’un dessin alors qu’on en demande l’auteur). En langues, quand
l’image sert à deviner le sens des mots inconnus, l’exercice de description se
transforme en exercice de traduction.
|| Décrire plutôt que de coller simplement des noms, (aux objets, aux
gens...), ce qui reviendrait à utiliser une terminologie déjà toute
conceptualisée qui empêcherait l’élève de se former ces concepts.
|| Expliquer avec des mots correspondants au vécu de l’élève : Dire "un
jaguar ? C’est comme une panthère mais qui vit Amérique du Sud et qui a des
tâches un peu différentes." n’est pertinent que si l’élève sait ce qu’est une
panthère. Selon son âge et ce qu’il dira connaître, partir de ce qui aura un
sens pour lui (l’évocation du chat ?).
Décrire un film, un spectacle
Faute de temps pour tout décrire :
|| Sélectionner les informations indispensables pour comprendre
l’histoire. La couleur en fait très rarement partie, c’est une indication qui
aide les anciens voyants à se créer des images mais qui n’est pas intéressante
pour un aveugle de naissance.
|| Signaler absolument les changements de lieux, de personnages présents
dans la scène.
|| Noter les éléments qu’on n’a pas eu le temps de décrire pour y
revenir plus tard.
S’il s’agit d’un film, le récupérer pour que l’élève puisse le revoir
tranquillement à la maison
Décrire les lieux
Même si l’élève a des cours de locomotion, il est important, autant de fois
qu’il le faut, de :
|| Rappeler la configuration des lieux et les trajets entre les
différents endroits.
|| Décrire l’intérieur de chaque salle de classe : comment sont
agencées les tables et chaises, où se trouvent le professeur, le tableau, les
armoires, les portes, les porte-manteaux ? Où est la rue, le couloir, la salle
communicante ?...
En cas de temps libre, en classe, en profiter pour faire un plan de la salle
pour transcription en relief.
Commenter la vie de classe.
Aider l’élève à rester le plus possible conscient de son environnement, ce qui
lui permettra de mieux participer, se concentrer, mémoriser... :
|| Expliquer la logistique : quels cahiers, classeurs, feuilles...
utilisent les autres élèves.
|| Nommer à qui s’adresse qui, si les personnes ne l’ont pas déjà fait
elles-mêmes.
|| Dire si les élèves lèvent le doigt, quel élève va au tableau, ou se
lève pour répondre...
|| Signaler si le professeur projette des éléments au tableau, s’il
prend le cahier d’un élève, si il écrit quelque chose au tableau...
Il est admis par tous les spécialistes que la communication non verbale est
prédominante. Le chercheur américain Albert Mehrabian a estimé à 93% la part des
éléments non verbaux dans la communication entre deux personnes.

Langage du corps
Les gestes et les mimiques, qui échappent totalement à l’élève aveugle,
représentent 55% du discours !
|| compenser au mieux, en expliquant ce qui est significatif dans les
déplacements, les mimiques, les gestes... signaler l’ironie, le mécontentement,
les expressions faciales...
Ce que l’on fait, soi-même, fait partie des choses qui doivent être dites :
|| Tenir l’élève au courant de ce que l’on est en train de faire à côté
de lui : écrire dans son cahier de liaison, prendre des notes, préparer
l’adaptation d’un cours...
|| Lui dire si l’on se sert de ses affaires, si l’on prend quelque chose
dans son cartable, si l’on déplace son vêtement, préciser à quel endroit...
|| Lui signaler si l’on met quelque chose dans son cartable, lire les
documents qu’on lui remet (circulaires, appréciations sur les devoirs...)
Ne pas attendre que l’élève demande des explications : il ne peut pas toujours
savoir qu’il se passe quelque chose à décrire !
Les services de transcription fournissent aux élèves braillistes des planches de
dessins tactiles thermogonflées. Les découvrir et les comprendre prend beaucoup de temps et demande un
accompagnement.
-
Les difficultés tiennent :
-
- à la lecture tactile, qui est séquentielle : jamais on ne peut voir le dessin en
entier.
-
-
au fait que le dessin, même tactile, ne ressemble à rien de connu pour un
aveugle.
Un dessin, une photo, c’est la reproduction de ce que nous percevons
visuellement et uniquement visuellement : ni relief, ni mouvement, ni chaleur,
ni son, ni poids, ni taille réelle... absolument tout ce qui compose la
perception d’un aveugle est absent, ne reste que LA composante qui lui est
totalement étrangère.
Ne jamais avoir vu, c’est avoir un cerveau différent de celui d’un voyant, chez
qui les circuits neurologiques dédiés à la vision sont sans cesse activés.
Pour un aveugle, des concepts évidents pour les voyants n’existent pas, comme la
vision globale, la vision à plat, la vision en miniature, la vision en couleur,
la vision en perspective...
La lecture tactile
La lecture tactile est forcément morcelée, et les éléments lus disparaissent au
fur et à mesure.
Voilà ce que donnerait une exploration linéaire avec 3 doigts de chaque main, de
gauche à droite et de haut en bas, (le braille a été remplacé par l’équivalent
en noir)
Le dessin en entier (et en braille)

Et ce qu’ont les élèves voyants :

-
Il faut aider l’élève à distinguer l’essentiel, le guider dans la lecture, lui
indiquer par où commencer.
-
Lui expliquer ce qui est représenté.
-
Lui donner des précisions qui correspondent à sa perception à lui : taille,
texture, chaleur, poids, etc...
L’idéal est que ce temps de découverte puisse avoir lieu en amont du cours.
Pour aider efficacement, il faut être conscient des concepts qui pour l’élève
aveugle de naissance n’ont pas de sens :
La vision globale
Il n’y a pas qu’en lecture tactile que la vision globale est impossible, elle
l’est aussi dans la vie.
Le champ de vision se réduit à la partie touchée par la main : toucher un avion,
c’est toucher une succession de petites surfaces de métal ; ce qui signifie que,
pour savoir ce qu’est un avion, il faudrait :
-
des heures pour avoir touché tous ces petits bouts de surfaces.
-
garder en mémoire chacun de ces tout petits bouts
-
en imagination, les agréger de la bonne façon pour reconstituer un tout
sans pouvoir transformer mentalement en images visuelles, bien sûr.
Un avion, c’est "un long couloir rempli de fauteuils en haut d’un escalier en
plein vent" [3].
La vision à plat
Le monde en 2 dimensions, les contours des objets, n’existent que par la vue.
Voir en photo, sur papier ou sur écran, même si tout est devenu plat, c’est
presque comme avoir vu en vrai.

Mais pour l’élève aveugle, le monde n’existe qu’en 3 dimensions, sans contours à
plat. Seule la vue peut faire le rapport entre ces objets et ce dessin :

Arriver à imaginer en volume à partir d’une représentation à plat, avec un
cerveau qui n’a jamais expérimenté le concept des contours, demande une énorme
faculté d’abstraction.
La vision en miniature
Comme plus un objet est loin, plus on le voit petit, la représentation à
l’échelle est une évidence et reflète bien une réalité.
Pour un aveugle, jamais une chose ne change de taille. Pour lui, le concept de
la miniature est une abstraction, même en volume ou en maquette.

Tour Eiffel
La miniature comme support d’apprentissage à d’autres limites :
-
les détails sont perdus à 2 niveaux :
-
du fait de la miniaturisation
-
à cause du toucher, qui perçoit beaucoup moins de détails que les yeux.
-
ce sont les éléments discriminants pour les yeux qui sont mis en avant : un âne
en miniature montrera bien la longueur des oreilles, mais pas l’arête dorsale,
qui aux yeux n’est pas proéminente mais qui au toucher est ce qui frappe le
plus.

Arc
de Triomphe
Au toucher, les bas-reliefs ne sont pas perceptibles, seule l’est la forme
globale.
La vision en couleurs
Les dessins indiquent parfois les couleurs, et pour quelqu’un qui n’a jamais vu
c’est utile à sa culture générale mais n’a aucun sens. Comme si, à un voyant, on
disait que telle chose est chepounz, telle autre est gyjuf, ou plafbiac...
Pour un élève aveugle de naissance, les planches tactiles peuvent permettre de
comprendre des processus logiques (circuits électriques) ou d’apprendre des
notions géographiques mais pas de se représenter les choses comme le ferait un
voyant.
Un bon accompagnement à la lecture est indispensable.
Attention ! Les documents thermogonflés sont de qualités très inégales ; beaucoup ne
respectent pas les règles de transcription et s’en trouvent très difficilement
lisibles.
L’aide à la lecture est d’autant plus nécessaire.
Il est parfois utile de réaliser rapidement un tracé en relief, sur un support
spécial, pour faire comprendre une notion ou donner à l’élève une information
s’approchant de celle qu’ont eu ses camarades au tableau.
Comment tracer un dessin qui sera compréhensible par l’élève ?
Sources:
Cours de dessin en relief, INSHEA
Graphisme tactile, Espace, Œuvres d’Art par Hoelle Corvest et Michel Bris
Principe
On pose une feuille de dessin sur un tapis à dessin et on trace avec une pointe.
Les traits sont immédiatement perceptibles au toucher. Les points, eux, ne le
sont que si on les a tracés sur l’envers de la feuille. Même si le dessin est parfaitement réalisé, l’élève aura besoin qu’on le lui
explique et qu’on le guide dans la découverte.
Matériel
Feuilles à dessin en plastique transparent (à l’AVH)

Tapis à dessin
en matière caoutchoutée antidérapante, découpable (au format A4) (à l’AVH)

Pointe ou roulette à dessiner |
Outils de tracé en relief

Porte-bloc avec pince et rabat -
Pour ranger le tapis et stocker des feuilles

Tracés
Champ perceptif
En mode déchiffrage le champ peut être réduit à la surface des deux index.
En lecture globale le champ est plus étendu mais peut être discontinu et conduit
à une lecture séquentielle marquée par la durée de l’exploration et un effort
permanent de mémorisation et de mise en relation des informations. Il faut
adapter la taille, l’orientation des formats, la densité d’information, la
clarté des tracés... de façon à réduire le coût de la lecture.
-
Sélectionner l’information pertinente, sans la noyer dans des détails superflus.
-
Ne tracer qu’un seul croquis par page, assez grand pour être compris (voir
conseils ci-dessous), à l’échelle si besoin.
-
Bien appuyer, en tenant la pointe verticale, vérifier au toucher si le trait est
perceptible facilement.
-
Tracer les segments de droite à la règle.
-
Tracer les cercles au compas, au pochoir, ou autour d’un objet rond.
-
Accompagner l’élève dans sa lecture en lui expliquant le croquis.
Perceptions kinesthésiques et proprioceptives
La perception des propriétés de forme et de dimension des contours est fondée
sur la perception du mouvement (la kinesthésie). Un contour est perçu comme une
succession de déplacements et de changements de direction. Pour être interprétés
correctement la longueur de déplacement et le changement de direction doivent
être suffisamment grands.
-
La longueur minimale d’un segment de droite dans un tracé ne doit pas être
inférieure à 8 mm, si l’on souhaite que le segment soit perçu comme une entité.
-
Le changement de direction ne doit pas être inférieur à 60°, si l’on souhaite
que le sommet soit détecté. Dans les angles très aigus (< 30°), deux traits
distants de moins de 3 mm n’étant pas discriminables, le sommet est perçu comme
un "tas".
-
Au-delà d’une certaine valeur (environ 120°) le changement de direction n’est
plus perçu. Le sommet disparaît tactilement et la ligne brisée devient une
courbe.
-
Les parties concaves d’un tracé doivent autoriser la pénétration d’un cercle de
6 mm, pour être accessibles.

Tracer des segments de droite d’au moins 8mm de long.
Interrompre les tracés des angles <30° et >120° avant l’intersection et
figurer le sommet par un point (à tracer sur l’envers).

Angles interrompus
Courbes interrompues
Acuité tactile (ou capacité à discriminer 2 traces distinctes)
Elle est de 2,5 mm environ. C’est-à-dire que 2 traits espacés de moins de 2,5 mm
risquent d’être perçus comme un seul. Laisser au moins 2,5 mm entre 2 traits
Les braillistes repèrent autant les points brailles que la forme des "blancs"
qui séparent les lettres. Les espaces sont très importants dans les processus de
discrimination des éléments graphiques.
2 angles, dont l’un interrompu par un point figurant le sommet, distincts
par un vide de 2,5 mm.

Pour les symboles, rechercher le meilleur compromis entre la taille minimale
possible et la conservation des éléments les plus pertinents. Il est important
de conserver les proportions entre les différents symboles, de préserver les
relations dimensionnelles du système.

Perspective
Les perspectives (cavalière, axonométrique, centrale...) déforment la géométrie
initiale des objets par une transformation simulant la projection des rayons
lumineux sur le plan d’une feuille située entre l’œil et l’objet. Le figuré
résultant modifie donc les angles et les distances : un livre posé sur une table
devant soi devient trapézoïdale sur la feuille de projection.
Ces déformations s’apparentent bien évidemment à celles perçues quotidiennement
par le canal visuel. Elles sont corrigées par le cerveau et apportent des
informations additionnelles comme celle de l’angle entre l’axe du regard et le
plan sur le quel est posé le livre.
En l’absence d’expérience visuelle, ces données ne sont pas interprétables ou
conduisent à une interprétation non conforme au contexte de la figuration :
pourquoi en effet un trapèze représenterait-il une autre figure ?
Ne pas représenter en perspective, notion inconcevable pour un aveugle (de
naissance).
Textes
Sur des croquis, le texte éventuel se résume à quelques lettres (points ou
mesures géométriques par ex.) mais il est souvent indispensable.
Les dimensions des lettres braille doivent être parfaitement respectées car de
très faibles variations en perturbent la lecture.
Les points ne ressortent pas s’ils sont faits par piquage à l’endroit
Orienter toujours le texte dans le sens de lecture (pas de textes en biais
ou vertical)
Ajouter le texte une fois le croquis terminé, et sur l’envers du dessin.
À la machine
Agrafer la feuille de dessin à l’endroit avec une feuille braille et passer le
tout à la machine braille (c’est la machine qui embosse sur l’envers).

À la tablette
Poinçonner le texte sur l’envers de la feuille de dessin.

À la main
Intercaler la feuille de modèle à télécharger ci-dessous entre le tapis Dycem et
la feuille de dessin posée sur l’envers et "décalquer" les lettres avec une
pointe.
Alphabet braille inversé en PDF:
Avant de penser au dessin, on peut envisager d’autres solutions :
-
montrer un objet (un taille-crayon conique = un volcan)
-
utiliser ses mains ou celles de l’élève (les faire passer l’une sous l’autre ou
se faire rencontrer en formant une bosse... = tectonique des plaques)
-
faire une forme rapide à la pâte à modeler (un rein)
-
découper, plier (un accordéon)
-
...
-
Notes
-
[1] Compilation de définitions de fonctions récoltées dans différents
départements
[2] Extrait de l’Épître aux Pisons (dit Art poétique) d’Horace.
[3] rapporté par F. Martinez-Sarochi, psychologue-chercheur au CNRS
ϟ
Source de texte et images:
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