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 Sobre a Deficiência Visual


L'Ophtalmologie au Moyen Age

Arthur Golfetto

Réplica do primeiro par de oculos conhecidos no Ocidente - séc. XIII
Primeiro par de óculos conhecidos no Ocidente, séc. XIII [réplica ]


Parler d’une ignorance médicale généralisée au début du Moyen Age n’est pas un jugement trop sévère. Après l’effondrement de l’Empire romain, l’Europe perd aussi l’accès à l’essentiel de son héritage intellectuel, à la science grecque et aux écrits latins.

L’Eglise chrétienne devient pour l’Europe le centre de la nouvelle vision du monde. Les hospices gérés par les ordres monastiques offrent certes le gîte et le couvert aux grands malades, mais pas de soins médicaux: soit les patients se rétablissent par leurs propres forces, soit ils meurent. Comme l’Eglise chrétienne porte son attention avant tout sur le salut de l’âme, les soins médicaux et l’hygiène corporelle sont négligés. La maladie est vue comme un état causé par des forces surnaturelles; il y a un saint patron pour chaque affection. Au milieu du VIIe siècle, l’Eglise interdit même aux moines toute intervention chirurgicale, sous prétexte que cela met leur âme en danger.

Seul ou presque, le couvent bénédictin de Monte Cassino se targue des premières manifestations de recherche scientifique. C’est là qu’oeuvra jusqu’à sa mort Constantinus Africanus, dit aussi Constantin l’Africain. Il n’existe guère de renseignements avérés sur sa biographie et sa formation. On ne connaît ni son nom arabe ni son lieu de naissance (sans doute Carthage). Frère laïc baptisé de l’ordre de saint Benoît, Constantinus rédigea plusieurs traités au couvent de Monte Cassino, où il mourut en 1087.

Musulman, Constantinus avait accumulé de l’expérience en médecine islamique et en pharmacie au temps où il était marchand d’épices en Orient. Un de ses voyages le mena en 1075 à Salerne où l’état lacunaire de la littérature médicale le déçut. Sur ce, il rentra en Afrique du Nord pour y collationner trois ans durant des écrits médicaux utilisables. De retour en Italie, il s’établit finalement au couvent de Monte Cassino pour y traduire d’arabe en latin les manuscrits à ses yeux les plus importants. Il ressort de son propre témoignage que Constantinus n’avait appris que la théorie médicale sans jamais pratiquer comme médecin. Dans le cas de son ouvrage «Liber de oculis», qu’il livre comme une œuvre personnelle, il s’agit clairement de la traduction du plus ancien manuel arabe d’ophtalmologie de Hunain ibn Ishak al-Ibdi (808-875). Ce dernier fut, avec d’autres, le plus important traducteur de toute la littérature médicale grecque en arabe. Il posait ainsi la pierre angulaire de la médecine arabe.

Les médecins laïques apportèrent un certain essor à la science médicale, tandis que la médecine des moines stagnait à un niveau très rudimentaire. A côté de leur cabinet, les médecins laïques enseignaient à la faculté de Salerne et plus tard aussi à Montpellier. L’école de Salerne était un lieu d’enseignement et de recherche médicale. A l’origine, le couvent de Monte Cassino entretenait à Salerne un hôpital exclusivement réservé aux frères malades. Ce groupe de guérisseurs se mua ensuite en première faculté de médecine d’Europe, qui connut sa phase d’épanouissement du Xe au XIIIe siècles. Elle délivrait aussi à des médecins spécialistes, par exemple à des ophtalmologues, des licences au terme d’examens minutieux. À vrai dire, dans les manuscrits de la faculté de Salerne, les affections des yeux étaient traitées de manière fort rudimentaire et ceci est vrai aussi pour Montpellier, dont est pourtant issu le médecin pontifical d’Avignon Guy de Chauliac (1300-1368). Chauliac acquit une grande réputation dans toute l’Europe. Les représentants de la noblesse française le consultaient. Jean de Luxembourg, surnommé plus tard «l’Aveugle», fit secrètement le voyage de Montpellier dans l’espoir de soulager la souffrance de ses yeux. [ ver João, o Rei Cego da Boémia ]
 

Retrato do Cardeal Nicolas de Freauville - Tommaso da Modena (1.ª representação de uma lente de aumento) - fresco em Treviso, 1352
O Cardeal Nicolas de Freauville lê com lente de aumento - Tommaso da Modena (fresco em Treviso, 1352)

 

Retrato do Cardeal Ugo di Saint-Cher - Tommaso da Modena - 1.ª representação de óculos - fresco em Treviso, 1352
O Cardeal Ugo di Saint-Cher lê com óculos - Tommaso da Modena (fresco em Treviso, 1352)
 

Nous voudrions présenter ici brièvement trois ophtalmologues du Moyen Age européen: Benvenutus Grapheus, Zacharias et Petrus Hispanus, le futur pape Jean XXI. Nous ne connaissons pas les dates de naissance et de mort de Grapheus. Il écrivit un éclairant manuel d’ophtalmologie et passe pour un des plus remarquables pionniers de son temps. Avant lui vécut Zacharias, un Salernitain qui avait appris l’ophtalmologie auprès de Théophile à Constantinople. Lui aussi écrivit un ouvrage important. Il se fit très grassement payer et révéla sans honte les trucs avec lesquels on pouvait tromper les patients. Petrus Hispanus était le fils d’un médecin qui vécut entre 1200 et 1277. Il succomba à l’écroulement d’un mur de son palais à Viterbe. Un livre d’ophtalmologie assura sa réputation. Ses prescriptions furent aussi mises en œuvre par Michelangelo Buonarrotti (Michel-Ange) qui confectionna une copie des écrits du futur pape Jean XXI. Ces notes de Michel-Ange figurent sur les dernières pages de ce qu’on nomme le Codex du Vatican de ses poèmes. Cet opuscule est daté d’environ 1520, quand Michel-Ange avait 50 ans. Comme Michel-Ange présente aussi, dans ce recueil de prescriptions, des pommades juste utilisées pour le soin des yeux, il faut admettre qu’il en avait appris la composition plusieurs années auparavant, en tout cas longtemps avant que sa vue ne fût menacée par bien des souffrances. Quelques-unes de ces médications l’ont assurément mis à l’abri d’une cécité encore plus précoce.

En dépit du fait que l’histoire de l’ophtalmologie au Moyen Age eût montré fort peu de créativité dans tous les domaines, il faut pourtant lui reconnaître un mérite, en l’occurrence l’invention d’un accessoire alors inconnu, y compris des Arabes: les lunettes. Il est vrai que l’érudit arabe Abou Ah Alhazan (mort en 1039) avait souligné dans son ouvrage «De la forme de l’obscurité» qu’un segment de sphère de verre pouvait servir à faire sembler un objet plus gros. Francesco Redi, un célèbre professeur de médecine pisan (1626-1698) qui passe pour le père de la biologie expérimentale moderne, témoigne dans la préface d’un livre: «Je me sens tellement accablé par les ans que je n’ai pas la force de lire et d’écrire sans ces verres, que l’on nomme verres à yeux, qui ont été récemment inventés pour le confort des pauvres vieillards quand leur vue baisse.» En tout cas, les premières lunettes pour presbytes apparaissent à la fin du XVe siècle déjà.


Apóstolo Pedro (c/óculos)- Friedrich Herlin, 1466 [Igreja St. Jakob, Rothenburg]
Apóstolo Pedro c/óculos - Friedrich Herlin, 1466 (Igreja St. Jakob, Rothenburg)


Les lunettes entrent en scène

Le Florentin Salvino Degli Armati passe pour le véritable inventeur des lunettes, car sur sa tombe on lit ces mots: «Ci-gît Salvino Armato des Armati de Florence, l’inventeur des verres oculaires. En l’an 1571.»

D’autres contestent à Armato l’invention des lunettes, car il n’aurait pas disposé de connaissances mathématiques optiques, et désignent comme inventeur le moine érudit Roger Bacon (1214-1294) qui écrit à propos des verres grossissants:

«Si l’on prend une section d’une boule de verre ou de cristal, et si l’épaisseur de la section est inférieure au rayon, et si l’on pose la face lisse sur des lettres, alors, en tournant la face convexe vers l’œil, on voit plus gros les lettres ou de petits objets. Car l’œil est alors pour ainsi dire dans le milieu plus fin, l’objet dans le milieu plus épais entre le centre et l’œil. L’angle est donc plus grand et l’image est plus grande aussi et plus proche de l’œil. C’est pourquoi cela procure un merveilleux instrument pour les personnes âgées et pour celles qui ont les yeux faibles. »

 

A Virgem com o Cónego - pormenor - Jan van Eyck, 1436
A Virgem com o Cónego Van der Paele - Jan van Eyck, 1436 [pormenor]


Selon les investigations les plus récentes, les premiers verres optiques furent produits sur l’île de Murano, près de Venise. Alors déjà, Murano était réputée loin à la ronde pour la fabrication de verre. Toutefois, peut-être, un souffleur de verre identifia-t-il les propriétés de telles lentilles sans se douter de la valeur de sa découverte. Au milieu du XIVe siècle, l’usage de lunettes pour presbytes se généralisa. On ne trouve les lunettes pour myopes qu’au XVIe siècle: c’est ainsi que Raphaël peint le pape Léon X, en 1517, avec des verres concaves. S’ensuit au XIXe siècle la production de verres cylindriques.
 

O Papa Leao X usando uma lente de aumento - quadro de Raphael, 1517-1519
O Papa Leão X usando uma lente de aumento - Raphael, 1517-1519


La théorie des lunettes sphériques est due à Jean Kepler en 1604. Mais il fallut encore près de 150 ans pour que son enseignement remarquable fasse son chemin auprès des médecins. Kepler établit que l’œil humain constituait un appareil optique et développa les bases d’une dioptrique de l’œil (science de la diffraction de la lumière). Avant lui déjà, Battista Porta (1538-1615) avait comparé l’œil à une «camera obscura» (chambre noire). La découverte par Edmond Mariotte de la tache aveugle (dite aussi tache de Mariotte) en 1668 fut d’une haute importance. On appelle tache aveugle l’endroit de la rétine où le nerf optique rejoint le globe oculaire avec les vaisseaux sanguins qui alimentent la rétine. Vu de la tache jaune, cet endroit, aussi appelé papille, est situé en direction du nez. Il n’y a pas de cellules réceptrices de la lumière en cet endroit, la tache est donc bel et bien aveugle.


Berillus, origine de «Brille», le mot allemand pour lunettes

C’est dans la langue latine qu’il faut chercher l’origine du mot «Brille» (lunettes en allemand). Au Moyen Age, «berillus» désignait aussi bien n’importe quel verre que le verre de lunette. Les Romains nommaient «berillus» une pierre précieuse transparente indienne appelée aujourd’hui encore béryl. L’œil de verre souvent cité de l’empereur Néron n’était sûrement pas une émeraude polie. Il s’agissait sans doute juste d’une lentille de protection contre l’éblouissement de la lumière solaire.

Ambroise Paré (1510-1590), réputé pour l’invention de la ligature des grands vaisseaux sanguins lors de blessures de guerre –qu’il devait au médecin grec Galenos de Pergame– évoque pour la première fois des prothèses oculaires pas bien différentes des actuelles. Il faut encore citer ici le chirurgien et oculiste Wilhelm Fabry (1560-1634) de Hilden (Rhénanie): parmi ses nombreuses publications concernant des opérations réussies, il en figure trois qu’il a entreprises aux yeux: la guérison d’une paupière fendue et d’une paupière collée, ainsi que l’opération d’une tumeur au cerveau. Après une activité couronnée de succès en Rhénanie, Fabry s’installa à Berne comme chirurgien de la ville. C’est à ce temps-là que remonte son intervention la plus originale dans le domaine de la chirurgie oculaire: le retrait d’une esquille métallique de la cornée à l’aide d’un aimant.


Horribles cures forcées

Jusqu’aux temps modernes, un peu partout, on voyait rarement des médecins, plus souvent des oculistes autoproclamés, des charlatans (barbiers de village, chirurgiens) et thaumaturges réaliser les opérations risquées de la cataracte, qui consistaient en une brutale incision du cristallin. La plupart des médecins diplômés jugeaient indigne de leur condition de se livrer à la partie pratique de l’ophtalmologie. Le taux d’échec des méthodes de réduction de la cataracte était si élevé à l’époque qu’on ne s’étonnera pas que les ophtalmologues n’exigent guère que leurs patients se soumettent à une intervention aussi risquée et dangereuse, d’autant qu’ils connaissaient l’issue tragique des opérations ratées. Pour eux, l’opération de la cataracte restait par conséquent l’intervention de dernier recours et ils tentaient de parer à l’affaiblissement de la vue par une thérapie plus générale. Mais on tremble là aussi à l’évocation des épouvantables cures mises en œuvre à cet effet.
 

Operação às cataratas
Operação às cataratas in Ophthalmodouleia - Georg Bartisch (1535-1606)


Comme la manifestation de la cataracte continuait, comme au bon vieux temps, à être interprétée comme un flux s’écoulant du corps vers les yeux, les médecins tentaient de dévier cet afflux en brûlant la nuque du patient au fer rouge ou en incisant profondément son cuir chevelu pour maîtriser le mal. Parfois, on tentait de freiner le flux à l’aide de laxatifs ou l’on ordonnait des cures de boisson et de bains. Mais des expédients superstitieux tenaient aussi le haut du pavé. Ainsi, des menus à base d’insectes complétés de vin étaient censés atténuer l’affection. On était persuadé que la formation de la cuticule de la cataracte était due à une vie de péché. C’était le temps où sévissaient thaumaturges et charlatans. Les jours de fête, avec l’accord des autorités, ils ouvraient leurs échoppes sur les places de foire et distribuaient des tracts publicitaires vantant d’innombrables guérisons. Plus d’un prince financièrement gêné aux entournures avait érigé, contre espèces sonnantes et trébuchantes, un charlatan à la dignité d’oculiste privilégié. Les opérations étaient réalisées avec tout le cérémonial et le tintouin magiques nécessaires. Après quoi les prétendus guérisseurs prenaient la poudre d’escampette pour se soustraire à la colère de leurs victimes qui mettaient un certain temps à admettre les méfaits de leurs tortionnaires.

A ce point, il faut mentionner deux victimes célèbres. Jean-Sébastien Bach souffrait d’une myopie congénitale. Comme, de son temps, il n’existait pas encore de verres de correction à cet effet, l’affection menait à une détérioration progressive de la vue qui, en 1749, devint suffisamment critique pour qu’il se soumît à une intervention. Une des complications envisagées de l’opération était une inflammation qui, chez Bach, se produisit bel et bien et le conduisit pratiquement à la cécité. Pendant son séjour en Angleterre, Georg Friedrich Händel éprouva des problèmes de vue. Il se soumit finalement à une opération de la cataracte, qui échoua et le rendit complètement aveugle.

 

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L’Ophtalmologie au Moyen Age
autor: Arthur Golfetto
traduzido do alemão por Gian Pozzy
fonte: blog de Jean-Marc Meyrat, 2010


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12.Set.2014
Publicado por MJA