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Primeiro par de óculos conhecidos no
Ocidente, séc. XIII [réplica ]
Parler d’une ignorance médicale généralisée au début du Moyen Age n’est pas un jugement trop sévère.
Après l’effondrement de l’Empire romain, l’Europe perd aussi l’accès à l’essentiel de son héritage
intellectuel, à la science grecque et aux écrits latins.
L’Eglise chrétienne devient pour l’Europe le centre de la nouvelle vision du monde. Les hospices gérés par les
ordres monastiques offrent certes le gîte et le couvert aux grands malades, mais pas de soins médicaux: soit les
patients se rétablissent par leurs propres forces, soit ils meurent. Comme l’Eglise chrétienne porte son
attention avant tout sur le salut de l’âme, les soins médicaux et l’hygiène corporelle sont négligés.
La maladie est vue comme un état causé par des forces surnaturelles; il y a un saint patron pour chaque affection. Au
milieu du VIIe siècle, l’Eglise interdit même aux moines toute intervention chirurgicale, sous prétexte que cela met
leur âme en danger.
Seul ou presque, le couvent bénédictin de Monte Cassino se targue des premières manifestations de
recherche scientifique. C’est là qu’oeuvra jusqu’à sa mort Constantinus Africanus, dit aussi Constantin l’Africain.
Il n’existe guère de renseignements avérés sur sa biographie et sa formation. On ne connaît ni son nom arabe ni son
lieu de naissance (sans doute Carthage). Frère laïc baptisé de l’ordre de saint Benoît, Constantinus rédigea
plusieurs traités au couvent de Monte Cassino, où il mourut en 1087.
Musulman, Constantinus avait accumulé de l’expérience
en médecine islamique et en pharmacie au temps où il était marchand d’épices en Orient. Un de ses
voyages le mena en 1075 à Salerne où l’état lacunaire de la littérature médicale le déçut. Sur ce, il rentra
en Afrique du Nord pour y collationner trois ans durant des écrits médicaux utilisables. De retour en Italie, il s’établit
finalement au couvent de Monte Cassino pour y traduire d’arabe en latin les manuscrits à ses yeux les plus
importants. Il ressort de son propre témoignage que Constantinus n’avait appris que la théorie médicale sans jamais
pratiquer comme médecin. Dans le cas de son ouvrage «Liber de oculis», qu’il livre comme une œuvre personnelle, il s’agit
clairement de la traduction du plus ancien manuel arabe d’ophtalmologie de Hunain ibn Ishak al-Ibdi (808-875). Ce
dernier fut, avec d’autres, le plus important traducteur de toute la littérature médicale grecque en arabe. Il posait ainsi la pierre
angulaire de la médecine arabe.
Les médecins laïques apportèrent un certain essor à la science médicale, tandis que la médecine des moines stagnait à un niveau
très rudimentaire. A côté de leur cabinet, les médecins laïques enseignaient à la faculté de Salerne et plus tard aussi à
Montpellier. L’école de Salerne était un lieu d’enseignement et de recherche médicale. A l’origine, le couvent de
Monte Cassino entretenait à Salerne un hôpital exclusivement réservé aux frères malades. Ce groupe de guérisseurs se mua
ensuite en première
faculté de médecine
d’Europe, qui connut sa
phase d’épanouissement
du Xe au XIIIe siècles.
Elle délivrait aussi à
des médecins
spécialistes, par
exemple à des
ophtalmologues, des
licences au terme
d’examens minutieux. À
vrai dire, dans les
manuscrits de la faculté
de Salerne, les
affections des yeux
étaient traitées de
manière fort
rudimentaire et ceci est
vrai aussi pour
Montpellier, dont est
pourtant issu le médecin
pontifical d’Avignon Guy
de Chauliac (1300-1368).
Chauliac acquit une
grande réputation dans
toute l’Europe. Les
représentants de la
noblesse française le
consultaient. Jean de
Luxembourg, surnommé
plus tard «l’Aveugle»,
fit secrètement le
voyage de Montpellier
dans l’espoir de
soulager la souffrance
de ses yeux. [ ver João, o Rei Cego da Boémia ]

O Cardeal Nicolas de Freauville lê com lente de aumento
-
Tommaso da Modena (fresco em Treviso, 1352)

O Cardeal Ugo di Saint-Cher lê com óculos -
Tommaso da Modena (fresco em Treviso, 1352)
Nous voudrions
présenter ici brièvement
trois ophtalmologues du
Moyen Age européen:
Benvenutus Grapheus,
Zacharias et Petrus
Hispanus, le futur pape
Jean XXI. Nous ne
connaissons pas les
dates de naissance et de
mort de Grapheus. Il
écrivit un éclairant
manuel d’ophtalmologie
et passe pour un des
plus remarquables
pionniers de son temps.
Avant lui vécut
Zacharias, un
Salernitain qui avait
appris l’ophtalmologie
auprès de Théophile à
Constantinople. Lui
aussi écrivit un ouvrage
important. Il se fit
très grassement payer et
révéla sans honte les
trucs avec lesquels on
pouvait tromper les
patients.
Petrus
Hispanus était le fils
d’un médecin qui vécut
entre 1200 et 1277. Il
succomba à l’écroulement
d’un mur de son palais à
Viterbe. Un livre
d’ophtalmologie assura
sa réputation. Ses
prescriptions furent
aussi mises en œuvre par
Michelangelo Buonarrotti
(Michel-Ange) qui
confectionna une copie
des écrits du futur pape
Jean XXI. Ces notes de
Michel-Ange figurent sur
les dernières pages de
ce qu’on nomme le Codex
du Vatican de ses
poèmes. Cet opuscule est
daté d’environ 1520,
quand Michel-Ange avait
50 ans. Comme
Michel-Ange présente
aussi, dans ce recueil
de prescriptions, des
pommades juste utilisées
pour le soin des yeux,
il faut admettre qu’il
en avait appris la
composition plusieurs
années auparavant, en
tout cas longtemps avant
que sa vue ne fût
menacée par bien des
souffrances.
Quelques-unes de ces
médications l’ont
assurément mis à l’abri
d’une cécité encore plus
précoce.
En dépit du fait que
l’histoire de
l’ophtalmologie au Moyen
Age eût montré fort peu
de créativité dans tous
les domaines, il faut
pourtant lui reconnaître
un mérite, en
l’occurrence l’invention
d’un accessoire alors
inconnu, y compris des
Arabes: les lunettes. Il
est vrai que l’érudit
arabe Abou Ah Alhazan
(mort en 1039) avait
souligné dans son
ouvrage «De la forme de
l’obscurité» qu’un
segment de sphère de
verre pouvait servir à
faire sembler un objet
plus gros. Francesco
Redi, un célèbre
professeur de médecine
pisan (1626-1698) qui
passe pour le père de la
biologie expérimentale
moderne, témoigne dans
la préface d’un livre:
«Je me sens tellement
accablé par les ans que
je n’ai pas la force de
lire et d’écrire sans
ces verres, que l’on
nomme verres à yeux, qui
ont été récemment
inventés pour le confort
des pauvres vieillards
quand leur vue baisse.»
En tout cas, les
premières lunettes pour
presbytes apparaissent à
la fin du XVe siècle
déjà.
![Apóstolo Pedro (c/óculos)- Friedrich Herlin, 1466 [Igreja St. Jakob, Rothenburg]](https://www.deficienciavisual.pt/Quadros/apostolo%20Pedro-Friedrich%20Herlin-1466-Rothenburg.jpg)
Apóstolo Pedro c/óculos - Friedrich Herlin, 1466
(Igreja St. Jakob, Rothenburg)
Les lunettes entrent
en scène
Le Florentin Salvino
Degli Armati passe pour
le véritable inventeur
des lunettes, car sur sa
tombe on lit ces mots:
«Ci-gît Salvino Armato
des Armati de Florence,
l’inventeur des verres
oculaires. En l’an
1571.» D’autres
contestent à Armato
l’invention des
lunettes, car il
n’aurait pas disposé de
connaissances
mathématiques optiques,
et désignent comme
inventeur le moine
érudit Roger Bacon
(1214-1294) qui écrit à
propos des verres
grossissants:
-
«Si l’on
prend une section d’une
boule de verre ou de
cristal, et si
l’épaisseur de la
section est inférieure
au rayon, et si l’on
pose la face lisse sur
des lettres, alors, en
tournant la face convexe
vers l’œil, on voit plus
gros les lettres ou de
petits objets. Car l’œil
est alors pour ainsi
dire dans le milieu plus
fin, l’objet dans le
milieu plus épais entre
le centre et l’œil.
L’angle est donc plus
grand et l’image est
plus grande aussi et
plus proche de l’œil.
C’est pourquoi cela
procure un merveilleux
instrument pour les
personnes âgées et pour
celles qui ont les yeux
faibles. »

A Virgem com o Cónego Van der Paele -
Jan van Eyck, 1436 [pormenor]
Selon les
investigations les plus
récentes, les premiers
verres optiques furent
produits sur l’île de
Murano, près de Venise.
Alors déjà, Murano était
réputée loin à la ronde
pour la fabrication de
verre. Toutefois,
peut-être, un souffleur
de verre identifia-t-il
les propriétés de telles
lentilles sans se douter
de la valeur de sa
découverte. Au milieu du
XIVe siècle, l’usage de
lunettes pour presbytes
se généralisa. On ne
trouve les lunettes pour
myopes qu’au XVIe
siècle: c’est ainsi que
Raphaël peint le pape
Léon X, en 1517, avec
des verres concaves.
S’ensuit au XIXe siècle
la production de verres
cylindriques.

O Papa Leão X usando uma lente de aumento
-
Raphael, 1517-1519
La théorie des
lunettes sphériques est
due à Jean Kepler en
1604. Mais il fallut
encore près de 150 ans
pour que son
enseignement remarquable
fasse son chemin auprès
des médecins. Kepler
établit que l’œil humain
constituait un appareil
optique et développa les
bases d’une dioptrique
de l’œil (science de la
diffraction de la
lumière). Avant lui
déjà, Battista Porta
(1538-1615) avait
comparé l’œil à une
«camera obscura»
(chambre noire). La
découverte par Edmond
Mariotte de la tache
aveugle (dite aussi
tache de Mariotte) en
1668 fut d’une haute
importance. On appelle
tache aveugle l’endroit
de la rétine où le nerf
optique rejoint le globe
oculaire avec les
vaisseaux sanguins qui
alimentent la rétine. Vu
de la tache jaune, cet
endroit, aussi appelé
papille, est situé en
direction du nez. Il n’y
a pas de cellules
réceptrices de la
lumière en cet endroit,
la tache est donc bel et
bien aveugle.
Berillus, origine de
«Brille», le mot
allemand pour lunettes
C’est dans la langue
latine qu’il faut
chercher l’origine du
mot «Brille» (lunettes
en allemand). Au Moyen
Age, «berillus»
désignait aussi bien
n’importe quel verre que
le verre de lunette. Les
Romains nommaient
«berillus» une pierre
précieuse transparente
indienne appelée
aujourd’hui encore
béryl. L’œil de verre
souvent cité de
l’empereur Néron n’était
sûrement pas une
émeraude polie. Il
s’agissait sans doute
juste d’une lentille de
protection contre
l’éblouissement de la
lumière solaire.
Ambroise Paré
(1510-1590), réputé pour
l’invention de la
ligature des grands
vaisseaux sanguins lors
de blessures de guerre
–qu’il devait au médecin
grec Galenos de Pergame–
évoque pour la première
fois des prothèses
oculaires pas bien
différentes des
actuelles. Il faut
encore citer ici le
chirurgien et oculiste
Wilhelm Fabry
(1560-1634) de Hilden
(Rhénanie): parmi ses
nombreuses publications
concernant des
opérations réussies, il
en figure trois qu’il a
entreprises aux yeux: la
guérison d’une paupière
fendue et d’une paupière
collée, ainsi que
l’opération d’une tumeur
au cerveau. Après une
activité couronnée de
succès en Rhénanie,
Fabry s’installa à Berne
comme chirurgien de la
ville. C’est à ce
temps-là que remonte son
intervention la plus
originale dans le
domaine de la chirurgie
oculaire: le retrait
d’une esquille
métallique de la cornée
à l’aide d’un aimant.
Horribles cures
forcées
Jusqu’aux temps
modernes, un peu partout,
on voyait rarement des
médecins, plus souvent
des oculistes
autoproclamés, des
charlatans (barbiers de
village, chirurgiens) et
thaumaturges réaliser
les opérations risquées
de la cataracte, qui
consistaient en une
brutale incision du
cristallin. La plupart
des médecins diplômés
jugeaient indigne de
leur condition de se
livrer à la partie
pratique de l’ophtalmologie.
Le taux d’échec des
méthodes de réduction de
la cataracte était si
élevé à l’époque qu’on
ne s’étonnera pas que
les ophtalmologues n’exigent
guère que leurs patients
se soumettent à une
intervention aussi
risquée et dangereuse,
d’autant qu’ils
connaissaient l’issue
tragique des opérations
ratées. Pour eux, l’opération
de la cataracte restait
par conséquent l’intervention
de dernier recours et
ils tentaient de parer à
l’affaiblissement de la
vue par une thérapie
plus générale. Mais on
tremble là aussi à l’évocation
des épouvantables cures
mises en œuvre à cet
effet.

Operação às cataratas in
Ophthalmodouleia -
Georg Bartisch (1535-1606)
Comme la
manifestation de la
cataracte continuait,
comme au bon vieux temps,
à être interprétée comme
un flux s’écoulant du
corps vers les yeux, les
médecins tentaient de
dévier cet afflux en
brûlant la nuque du
patient au fer rouge ou
en incisant profondément
son cuir chevelu pour
maîtriser le mal.
Parfois, on tentait de
freiner le flux à l’aide
de laxatifs ou l’on
ordonnait des cures de
boisson et de bains.
Mais des expédients
superstitieux tenaient
aussi le haut du pavé.
Ainsi, des menus à base
d’insectes complétés de
vin étaient censés
atténuer l’affection. On
était persuadé que la
formation de la cuticule
de la cataracte était
due à une vie de péché.
C’était le temps où
sévissaient thaumaturges
et charlatans. Les jours
de fête, avec l’accord
des autorités, ils
ouvraient leurs échoppes
sur les places de foire
et distribuaient des
tracts publicitaires
vantant d’innombrables
guérisons. Plus d’un
prince financièrement
gêné aux entournures
avait érigé, contre
espèces sonnantes et
trébuchantes, un
charlatan à la dignité
d’oculiste privilégié.
Les opérations étaient
réalisées avec tout le
cérémonial et le
tintouin magiques
nécessaires. Après quoi
les prétendus
guérisseurs prenaient la
poudre d’escampette pour
se soustraire à la
colère de leurs victimes
qui mettaient un certain
temps à admettre les
méfaits de leurs
tortionnaires.
A ce point, il faut
mentionner deux victimes
célèbres. Jean-Sébastien
Bach souffrait d’une
myopie congénitale.
Comme, de son temps, il
n’existait pas encore de
verres de correction à
cet effet, l’affection
menait à une
détérioration
progressive de la vue
qui, en 1749, devint
suffisamment critique
pour qu’il se soumît à
une intervention. Une
des complications
envisagées de l’opération
était une inflammation
qui, chez Bach, se
produisit bel et bien et
le conduisit
pratiquement à la cécité.
Pendant son séjour en
Angleterre, Georg
Friedrich Händel éprouva
des problèmes de vue. Il
se soumit finalement à
une opération de la
cataracte, qui échoua et
le rendit complètement
aveugle.
ϟ
L’Ophtalmologie
au Moyen Age
autor:
Arthur Golfetto
traduzido do alemão por Gian Pozzy
12.Set.2014
Publicado por
MJA
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